Originaires de Saint-Jean-d’Angély, Julien Guilloteau et Manuel Laversanne ont fait leurs gammes ensemble en Charente-Maritime, avant de se retrouver comme joueurs à Nice puis comme entraîneurs à Monaco. Avec réussite, toujours, mais aussi beaucoup d’humilité.
En filant à la salle de musculation, Florian Payan nous glisse un dernier mot : « On a de la chance d’avoir des entraîneurs de très grande qualité dans le club. » Le son de cloche est le même du côté de ses jeunes coéquipiers. Parmi les « excellents coachs » dont on vante les mérites, deux noms reviennent avec insistance : Manuel Laversanne et Julien Guilloteau. « Si Monaco a atteint ce niveau, c’est en grande partie grâce à nos entraîneurs et donc à eux, confirme Sébastien Dervieux, responsable de la section waterpolo de l’ASM Natation. Ils ont haussé le niveau d’exigence de nos adolescents. S’ils n’assuraient pas cette continuité dans la formation, notre projet se casserait la figure sur la dernière marche. »
Liens indéfectibles
Il est vrai que, cette saison encore, Manuel Laversanne (37 ans) et Julien Guilloteau (34 ans) dominent leur sujet. Chargé de trois équipes, le premier est leader des championnats U14, U16 et U18. Le second a pris le relais de Florent Menut à la tête de l’équipe fanion, cet été. Promue dans l’antichambre de l’Élite, la très jeune escouade monégasque est actuellement sur le podium de la N1M alors qu’elle visait initialement le maintien. La réussite des deux techniciens ne relève pas du hasard. A les observer à l’entraînement, une complicité se dévoile, bien plus forte que la simple relation professionnelle. « On est ami depuis l’enfance. On s’est rencontré grâce au waterpolo et on s’est toujours suivi », dévoile Julien. C’est à Saint-Jean-d’Angely, petite ville de Charente-Maritime, que leur passion commune pour ce sport a pris racine, forgeant une amitié aussi solide que leurs parcours. « Là-bas, il n’y avait que deux choix : le rugby ou le waterpolo. On a fait nos armes ensemble dans les bassins, moi comme joueur, lui comme gardien », poursuit Manu, ancien international français aux 200 sélections.
Victoire en Coupe de la Ligue
Dans ce club à l’âme familiale, champion de France de N1M en 2008, les entraînements et les déplacements sont autant d’occasions de créer des connexions. Les coéquipiers deviennent progressivement des amis. Au début des années 2010, les deux Angériens font des choix de carrière différents : Julien Guilloteau arpente la France (Douai, Rouen), tandis que Manuel Laversanne pose ses valises à l’Olympic Nice Natation, un club de l’Élite. On aurait pu penser que leur amitié en prendrait un coup, mais il n’en est rien. En 2015, leur destin se recroise sur la Côte d’Azur où, pendant trois saisons, ils vivent « une belle aventure humaine » : « En 2016, on a gagné la Coupe de la Ligue avec une équipe de copains. On partageait tout. C’est sans doute notre plus grand souvenir commun. » Mais les amis sont une nouvelle fois séparés lorsque Manuel Laversanne met un terme à sa carrière à l’issue de la saison 2017-18. Il rejoint alors l’ambitieux projet de l’ASM Natation dans un nouveau rôle, celui d’entraîneur. En 2022, ses U15 remportent le championnat de France pour la première fois. Sept ans après avoir remodelé son système de formation, le waterpolo monégasque touche enfin au but. En coulisses, on s’active alors pour « prolonger la dynamique » : « Quand je discutais avec Sébastien, le nom de Julien revenait sans cesse. Je savais qu’il pouvait être un atout. Il connaît le waterpolo, il est à l’écoute, et ses qualités humaines sont exceptionnelles. Bien qu’on se voyait régulièrement, il m’a fallu le convaincre de quitter un travail où il se sentait bien et de chambouler son quotidien pour rejoindre notre projet. »
Retrouvailles princières
Retraité des bassins, Julien Guilloteau dirige alors des équipes de jeunes chez le voisin niçois. Il hésite : « J’étais bien là où j’étais, mais Manu s’est montré convaincant. Il m’a vendu la situation du club, les progrès réalisés, l’avancement du projet. Et puis je voyais que ça se passait bien pour lui. » A Monaco, l’ex-gardien ne tarde pas à connaître le même succès. En deux ans avec les U13, il termine deuxième puis premier de la région PACA, avant de prendre en charge les seniors en N1M. Manuel Laversanne, de son côté, enchaîne trois titres nationaux consécutifs avec les U15 et mène les U17 vers la victoire en mai dernier. Depuis la rentrée, les deux hommes échangent en permanence pour trouver le bon équilibre, les jeunes de Manu composant en grande partie l’équipe « seniors » de Julien. Leur collaboration transpire la confiance. « Parfois, il suffit d’un regard pour se comprendre », affirme l’ex-international français. Aussi, leur travail fait l’unanimité. « Ils font énormément de sacrifices pour assurer la réussite de l’ASM Natation. Ce sont des passionnés qui ne comptent pas leurs heures. Il faut leur tirer un grand coup de chapeau », souligne Sébastien Dervieux. « Ce que l’on veut avant tout, c’est que les gamins partagent des moments forts et inoubliables », insiste Julien Guilloteau. Manuel Laversanne, dans un éclat de rire, complète : « Ils ont déjà la chance de gagner des trophées et des médailles. Nous, avec Julien, on n’a pas gagné grand-chose malgré tout le travail fourni… Mais, au moins, on a des souvenirs pour la vie ! » Et, effectivement, les poloïstes monégasques ont deux beaux exemples à suivre, deux hommes qui incarnent la passion, l’engagement et l’amitié. Des valeurs qu’ils transmettent sans relâche et qui, sans nul doute, nourrissent l’âme du club.
Jérémie Bernigole