Julien Bouron collectionne les liquettes de l’AS Monaco depuis son adolescence. Il en a acquis entre 950 et 1 000, des années 70 à aujourd’hui. Parmi ces maillots figurent des pièces rares, dont une trentaine est actuellement exposée au salon Honneur du Stade Louis-II dans le cadre du Centenaire du club.
Au début des années 2000, lorsqu’il prenait place dans le parcage visiteur du stade de l’Abbé-Deschamps pour les rencontres entre l’AJ Auxerre et l’AS Monaco, Julien Bouron entonnait des chants dédiés au club princier et le fameux : « Ce soir on va chanter, et on va rien lâcher, pour l’amour du maillot ». A en juger par le parcours de ce mordu de football, il semble que cette dernière phrase ait été prise au pied de la lettre. Le supporter originaire de Bourgogne est, au fil des années, devenu l’un des plus éminents collectionneurs de maillots de l’ASM. Il en possèderait entre 950 et 1 000, de 1970 à nos jours, sans mentionner les plus de 2 000 objets divers, tels des programmes de match, crampons, trophées, gants ou autres articles de presse, relatant les exploits d’un club qui fait battre son cœur depuis son plus jeune âge. « J’ai eu un coup de foudre pour la diagonale rouge et blanche, se remémore celui qui a récemment déménagé à Beausoleil afin de vivre de plus près la saison du centenaire. Mais au-delà du maillot, c’est l’histoire du club qui m’a captivé. Pour mes 8 ans, on m’avait offert l’encyclopédie de l’ASM de Norbert Siri, que j’ai dû lire plus de 30 fois. » Dans la cour de récréation, quand ses copains imitaient Djibril Cissé ou Philippe Mexès, les vedettes auxerroises de l’époque, Julien Bouron leur racontait plutôt le coup franc d’Henri Biancheri en Coupe de France en 1960. Ce fameux coup de pied arrêté qui permit à l’ASM d’arracher la prolongation puis de remporter son premier titre face à l’AS Saint-Etienne (4-2 ap). « On me prenait pour un extraterrestre », plaisante-t-il aujourd’hui. En collectionnant les maillots portés et autres témoins précieux de la glorieuse histoire du club princier, l’homme de 30 ans a ainsi trouvé un moyen d’assouvir ses deux passions.
Acteur du centenaire
La révélation s’est produite en 2006 lors d’une rencontre fortuite avec Lucas Bernardi dans les rues de la Principauté. Profitant de l’occasion, Julien Bouron osa lui demander un maillot : « Il m’a dit de le suivre jusqu’à sa voiture, puis il en a sorti celui qu’il portait la veille contre Reims en Coupe de la Ligue, encore tâché. Ce fut un déclic. J’ai alors découvert l’univers des maillots portés et commencé à y investir toutes mes économies. Je faisais des petits travaux, comme du ménage ou de la tonte de pelouses… » Ses premières liquettes monégasques étaient des cadeaux. « Je demandais la version ‘domicile’ à mon anniversaire, celle ‘extérieur’ à Noël et la troisième si je passais en classe supérieure », raconte Julien Bouron qui, de fil en aiguille, est devenu un expert des sites d’enchères. « Un travail à temps plein » auquel il prétend consacrer huit heures par jour depuis l’âge de 14 ans : « La concurrence est rude, je n’ai d’autre choix que de rester constamment connecté. Je parcours même les sites étrangers en cherchant des mots-clés dans différentes langues, au cas où quelqu’un vendrait un maillot au fin fond du Brésil. Quant aux propositions quotidiennes de maillots, que je possède déjà dans 95 % des cas, je prends quand même le temps de répondre, de vérifier… » En ce moment, le collectionneur est à la recherche de tuniques des années 60-70. Parmi les autres objets qu’il convoite, il y a notamment le maillot blanc étrenné par Javier Chevanton et ses coéquipiers contre Liverpool en Ligue des Champions 2004-05 : « Un modèle recyclé par Puma, avec le sponsor Fedcom en noir et blanc. » Avis… Cette quête obsessionnelle peut parfois le pousser à des décisions extrêmes. Comme cette fois où, prévenu à 19 heures par un brocanteur de Cannes, il a entrepris l’aller-retour en pleine nuit pour récupérer l’un des trophées de finaliste de la Coupe des Coupes 1992. Plus jeune, il n’hésitait pas à contacter directement les joueurs via les réseaux sociaux. Cédric Mongongu l’avait ainsi bloqué deux fois sur Facebook avant de céder, impressionné (ou désemparé !) par la ténacité de l’adolescent. Il finit par lui offrir son maillot à la mi-temps d’un match à Auxerre, à une condition : « Basta les messages, maintenant ! » Dernièrement, Julien Bouron a acquis un « Afflelou blanc » de Patrick Battiston, la seule version qui lui manquait pour la saison 1988-89, ou encore un maillot blanc à manches courtes porté par Youssouf Fofana en Coupe des Coupes face à l’AS Rome de Rudi Völler (1991-92). Ces pièces sont toutefois arrivées trop tard pour être intégrées à la sélection de 30 maillots ornant le salon Honneur du stade Louis-II jusqu’à la fin de la saison. Inaugurée à l’occasion du match du centenaire le 28 septembre, cette exposition retrace l’histoire de l’ASM à travers ses trophées et ses maillots emblématiques : diagonale inversée après une erreur de l’équipementier, édition spéciale ‘fête nationale’, etc. « Les maillots sont à leur place là-bas, ils n’ont rien à faire chez mes parents en Bourgogne », jure Julien Bouron, qui avait rêvé d’être un acteur du centième anniversaire. C’est désormais chose faite et, pour la petite histoire, le Prince Albert II et le Président Dmitry Rybolovlev, rencontrés lors du gala du centenaire en octobre, ont été impressionnées par sa collection et sa passion : « J’ai pu discuter avec le Souverain de certains maillots. Il rebondissait sur chaque pièce, racontait des anecdotes. Il m’a parlé des maillots rares qu’il possédait, mais je n’ai pas osé lui demander s’il était vendeur ! » Chassez le naturel, il revient toujours au galop !
Jérémie Bernigole