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Boris Herrmann à l'arrivée avec Pierre Casiraghi.Boris Herrmann à l’arrivée avec Pierre Casiraghi.

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Vendée Globe – Pour Boris Herrmann, 12e, une édition rapide, éprouvante mais sublime

En franchissant la ligne d’arrivée de la 10e édition du Vendée Globe en 80 jours, 10 heures, 16 minutes et 41 secondes, en 12e position, Boris Herrmann, à bord de son IMOCA Malizia – Seaexplorer, sous les couleurs du Yacht Club de Monaco, a accompli une performance humaine et sportive exceptionnelle, compliquée par une série d’épreuves après le retour en Atlantique. Petit retour sur cet « Himalaya de la voile ».

Qu’elle est loin cette ligne d’arrivée ! Après plus de 75 jours de mer, Boris Herrmann et son Malizia – Seaexplorer rencontre des conditions terribles à l’approche du golfe de Gascogne : « En ce qui concerne la force du vent et la hauteur des vagues près du cap Finisterre, je n’ai jamais connu de telles conditions de ma vie, écrit-il dans son message du 24 janvier. Je me concentre sur la sécurité de la navigation et sur l’arrivée en un seul morceau, tout en essayant de ne pas prolonger la course inutilement. » Il faut se rappeler que Boris navigue depuis le 16 janvier avec un foil cassé, un handicap majeur en termes de performance et de vitesse, à la suite d’un choc avec un OANI (objet ou animal non identifié). Une mésaventure qui n’est pas sans faire écho à l’édition 2020-2021 du Vendée Globe lorsque, la dernière nuit, une collision avec un chalutier et le bris d’un foil coûtent – peut-être – à Boris, la victoire finale (il prend la cinquième place).

Des records de vitesse à foison

Reprenons ce 10e Vendée Globe à ses débuts, avec un départ donné des Sables d’Olonne (Vendée – France), le 10 novembre dernier à 13h02, dans des conditions de vent léger peu habituelles à cette époque de l’année. L’Atlantique Nord se révèle une école de patience où les classements ne cessent d’évoluer. Si le passage du pot-au-noir comporte son traditionnel mélange de grains et de pétole, la descente de l’Atlantique Sud vers le Cap de Bonne-Espérance permet à la flotte, jusque-là groupée, d’accélérer… et de s’étirer. Peu à peu, les premiers s’échappent et chaque phénomène météo est une sorte de passage à niveau favorisant la tête de course. Le record de vitesse en 24 heures sera battu à plusieurs reprises, Sébastien Simon le faisant grimper à 615,33 milles (1 139,6 km). Ahurissant ! Après 22 jours de navigation, Boris franchit la pointe de l’Afrique du Sud en 12e place, mais accuse un retard de 1 300 milles sur Charlie Dalin, Sébastien Simon et Yoann Richomme, un trio qui va se bagarrer jusqu’au bout pour le podium. Comme si ce tour du monde était devenu une « étape » de la Course du Figaro ! Le changement d’océan suscite un peu d’inquiétude chez Boris : « L’océan Indien sera sans doute très difficile. Il y aura beaucoup de vent et je serai soulagé lorsque nous atteindrons le Pacifique. L’océan Indien est souvent mal aimé des marins et des skippers car ses mers sont beaucoup plus confuses que celles du Pacifique. »

Dépressions et bricolage

Une énorme dépression, au cœur de l’Indien, va perturber les trajectoires des concurrents, seuls Dalin et Simon profitant de leur petite avance pour se placer devant elle. Un choix osé, mais payant, Richomme étant le seul à revenir sur eux par la suite. Fidèle au dicton du Vendée Globe (« Un problème par jour à résoudre »), Boris use de patience et d’astuce pour réparer les « bobos » qui ne cessent d’apparaître, allant jusqu’à se construire ses propres outils. Au 29e jour de course, il se replace dans le Top 10 et vise le Top 5 : comme en 2020, Boris mène son bateau avec sagesse, mais sans jamais se déconcentrer. Il précède alors un trio féminin (Justine Mettraux, Clarisse Cremer et Samantha Davies) qu’il surnomme ses « Charlie’s angels » (les Drôles de dame, dans la version française). Les conditions de vie sont rudes : « L’état de la mer est assez agité, mais mon SUV passe bien au-dessus en ce moment et (…) nous avons ce brouillard dense depuis trois jours maintenant, je crois. Alors oui, il n’y a pas beaucoup de paysage. Nous ne voyons qu’à 50 mètres. De toute façon, nous restons la plupart du temps à l’intérieur du bateau. »

En 7e position au cap Horn

Il passe le cap Leeuwin (à la pointe sud-ouest de l’Australie) au 32e jour, entre dans le Pacifique et vise le cap Horn qu’il espère atteindre le 1er janvier, mais reste prudent, sans se départir d’une touche d’humour : « Nous avons une tempête majeure à venir lundi au sud de la Nouvelle-Zélande, potentiellement avec des vents forts jusqu’à 45-50 nœuds ! Souhaitez-nous bonne chance lundi prochain lorsque vous irez au bureau ! » Pour Noël, il se souhaite de « voir le cap Horn, de naviguer dans le détroit de Le Maire et d’apercevoir plus de terre, peut-être même des sommets enneigés, ce que je n’ai vu qu’une seule fois, en 2009 ! J’aimerais aussi voir les Malouines. Je ne les ai jamais vues ! » Il ne sera pas entendu et passe le cap Horn le 28 décembre – en 7e place, 31 secondes avant Paul Meilhat – sans même l’apercevoir. Mais la route est encore longue et le retour dans l’Atlantique est loin de s’annoncer libérateur : « Les deux prochaines semaines vont être très compliquées car nous allons remonter vers le nord, principalement au près, explique le skipper de Malizia – Seaexplorer. C’est comme une gifle. La météo nous dit : « Haha, tu crois que tu as fait le pire, mais maintenant on va te montrer ce qui peut arriver ». Je dois me préparer mentalement à la prochaine grande montagne à gravir. »

Un final éprouvant

De plus, durant la remontée le long des côtes brésiliennes, les soucis vont s’accumuler et Boris va être confronté à sa deuxième grande peur, la première étant la solitude : grimper les 29 m du mât de son IMOCA Malizia – Seaexplorer. Il est contraint à escalader pour procéder à une réparation de l’accroche de son pataras, préparée avec son équipe technique. Il sera obligé de remonter quatre jours plus tard, cette fois-ci en raison de la casse du hook (système de fixation d’une voile d’avant) de son J2, avant de déplorer la casse de son foil bâbord moins d’une semaine après. La délivrance, après plus de 80 jours de course, arrive au bout d’une dernière semaine éprouvante en raison de conditions climatiques dantesques sur l’Atlantique Nord. Son ami Pierre Casiraghi, vice-président du Yacht Club de Monaco, venu l’accueillir aux Sables d’Olonne, se montre admiratif : « Boris a fait preuve d’une résilience exceptionnelle tout au long de ce parcours, notamment dans la dernière ligne droite. Il a surmonté avec courage et détermination les défis techniques et logistiques, particulièrement à partir de l’équateur. Terminer un Vendée Globe est déjà un exploit en soi, mais dans de telles conditions, c’est d’autant plus remarquable. » Le marin allemand, détendu et souriant lors de sa première conférence de presse, savoure son bonheur d’avoir bouclé son deuxième Vendée Globe, malgré une remontée de l’Atlantique semée d’embûches : « Depuis le cap Horn, je n’ai eu que du près et des problèmes techniques. À ce moment-là, c’est devenu une aventure. Les derniers jours, j’ai eu 65 nœuds de vent, des vagues de 10 mètres au cap Finisterre et quelques déferlantes qui ont couché le bateau… C’était vraiment très intense. » Mais de préciser aussitôt qu’il a profité de sa course et que cette expérience va contribuer à l’enrichir. Pour une troisième participation ?

Christophe Varène

Publié le 29 Jan. 13:50