Vainqueur du 93e Rallye de Monte-Carlo (23-26 janvier), Sébastien Ogier (Toyota) a établi un nouveau record en s’imposant une dixième fois sur ses terres. Engagé dans un programme partiel cette saison, le Gapençais a laissé planer le doute sur la suite de sa carrière.
Dans la famille « Les sportifs à la domination exceptionnelle en Principauté », on demande le tennisman Rafael Nadal (11 sacres au Rolex Monte-Carlo Masters), le pilote de Formule 1 Ayrton Senna (6 victoires au Grand Prix de Monaco) ou encore le pilote de rallye Sébastien Loeb (8 victoires au Rallye de Monte-Carlo). Ah oui, on oublie un autre immortel : Sébastien Ogier. Le 26 janvier, le Gapençais a ajouté une nouvelle étoile à son immense constellation en s’offrant un dixième succès au Monte-Carl’, le neuvième dans le cadre du championnat du monde des rallyes (WRC). A 41 ans, il est rentré un peu plus dans l’histoire du rallye. En totale maîtrise sur ses terres, l’octuple champion du monde a remporté la manche inaugurale de la saison, qu’il a achevée en 3 heures, 19 minutes et 6 secondes avec 18 »4 et 25 »9 secondes d’avance sur ses poursuivants, Elfyn Evans (Toyota) et Adrien Fourmaux (Hyundai). Un an après avoir échoué face à Thierry Neuville dans des circonstances tragiques (son oncle Alain Vallon est décédé dans la semaine du départ), il a retrouvé la lumière de la victoire en Principauté, empochant même les cinq points bonus de la Power Stage. Au panache ! « Quel week-end. On s’est fait quelques chaleurs… J’ai tout de suite eu une pensée pour mon oncle. Ça fait pile un an qu’il nous a quittés, et ce week-end, j’ai quand même eu la réussite de mon côté. Je pense que c’est la bonne étoile de Tonton qui nous a porté chance. Cette victoire est pour lui », a-t-il réagi au micro de Canal+, les yeux embués.
Edition excitante
Ce succès, Sébastien Ogier l’a sculpté de ses mains, entre la neige et la boue, sur les routes de quatre départements. S’il a pris les rênes du rallye à partir de la huitième spéciale, son avance restait fragile. La moindre erreur, la moindre hésitation dans les derniers hectomètres, et tout aurait basculé. D’autant qu’il avait face à lui trois autres champions du monde : Thierry Neuville et Ott Tänak (Hyundai), ainsi que Kalle Rovanperä (Toyota). Sans oublier les redoutables outsiders, Elfyn Evans (quatre fois vice-champion du monde depuis 2020), et Adrien Fourmaux, qui a brillamment débuté sous les couleurs de Hyundai. Parmi les chaleurs évoquées par Sébastien Ogier, il y a notamment ce poteau téléphonique en bois heurté durant la troisième spéciale nocturne. Piégé par une portion glissante, le champion s’est retrouvé les roues arrière dans le bas-côté et a dû enclencher la marche arrière pour repartir. Le contact avec le poteau a heureusement été léger et n’a pas endommagé sa Toyota, ni compromis ses chances de victoire. La moindre erreur sur le Monte-Carl’ se paie souvent le prix fort, et les conditions changeantes de la 93e édition n’ont épargné personne. Allez donc causer du sujet avec Thierry Neuville, auteur d’un carton plein à Monaco en 2024 et seulement sixième en 2025. « Cela faisait peut-être bien un an que je n’avais pas autant galéré sur un rallye… Il n’y a pas grand-chose à retenir de ce week-end », regrettait-il à l’arrivée. Cette année, le champion du monde en titre a perdu tout espoir dès le vendredi en partant à la faute à deux reprises dans le même virage de la spéciale entre La Bréole et Selonnet (ES6, ES9). Deux sorties de route qui lui ont coûté la bagatelle de quatre minutes. La première erreur lui a valu une roue arrière, arrachée au contact du talus. Quelques heures plus tard, c’est une crevaison à l’avant gauche qui obligeait le pilote Hyundai à tirer tout droit : « Cette fois, on a eu le temps de la voir arriver car on roulait doucement avec la crevaison. Martijn (son copilote) m’a dit : « Oh non, pas encore une fois ! » Mais ça va, on a trouvé une échappatoire qu’on n’avait pas vu le matin. »
Et maintenant ?
Il faut croire que les Français ont été particulièrement vernis dans cette édition excitante, disputée dans une ambiance de folie. Dans l’ombre des géants du WRC, Yohan Rossel (Citroën) a remporté la catégorie WRC2 devant deux compatriotes, et Arthur Pelamourgues a brillé en WRC3 sur une Renault Clio. La relève bleu-blanc-rouge se profile déjà, et cela tombe bien, puisque Sébastien Ogier n’est pas sûr de continuer. Avec son copilote Vincent Landais, il s’est engagé dans un programme partiel en 2025. Cela veut dire qu’il ne disputera qu’une partie des 14 rallyes inscrits au calendrier, avec l’objectif affiché d’aider Toyota à conserver le titre constructeurs pour la cinquième année consécutive. Avant d’arrêter, lui qui est déjà le vétéran du plateau ? Le rallyman français a laissé planer le doute : « Il faut avouer que je suis plus proche de mon dernier Monte-Carlo que du premier. Je ne fais pas de plan sur la comète, on verra, mais si ça devait s’arrêter là-dessus, ce serait pas mal. » A 41 ans, il n’a rien perdu de sa fougue et de sa superbe, en témoigne sa démonstration au Monte-Carlo. Et puis son compatriote Sébastien Loeb, autre légende de la Principauté, s’est bien imposé en 2022 à l’âge de 48 ans. Alors pourquoi pas lui ?
Jérémie Bernigole