Le patineur monégasque Davide Lewton-Brain est une fierté de la Principauté. Récemment parti d’Annecy pour Oberstdorf, il a comme objectif les Championnats du monde ISU de patinage artistique 2024, en mars, à Montréal. L’occasion de revenir sur son évolution depuis le début de saison.
L’Homme est un éternel insatisfait… Imaginez donc un athlète ! Davide Lewton-Brain, le patineur de la Principauté, a connu un début de saison prometteur et continue d’évoluer. L’athlète âgé de 25 ans souhaite participer aux Championnats du monde de patinage artistique ISU 2024, qui auront lieu à Montréal du 18 au 24 mars. Afin de se qualifier, il est nécessaire d’obtenir un score minimum d’éléments techniques de 64 points. Il a obtenu une 24e place aux Championnats d’Europe en janvier, mais n’a pas réussi à obtenir les points nécessaires. Il est récemment revenu du Bavarian Open, qui a eu lieu du 30 janvier au 4 février, à Oberstdorf, en Allemagne, où le Monégasque s’est installé cet été. Au retour de l’entraînement, il a accepté de nous accorder un instant pour partager sur son évolution et ses objectifs à venir.
Récemment, vous avez décidé de quitter Annecy pour l’Allemagne, à Oberstdorf. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?
Je me suis entraîné huit ans là-bas et, au bout d’un moment, que ce soit personnellement ou sportivement, je ne m’y retrouvais plus trop. J’avais besoin de motivation et de changements pour continuer à apprécier le patin comme je l’ai toujours apprécié. C’est une décision qui m’a fait beaucoup de bien. Je suis allé faire un stage à Oberstdorf, l’été dernier, et je m’entraînais avec des potes, qui sont aussi des concurrents que j’apprécie énormément. Et s’entraîner avec des amis, ça change complètement la donne ! Ça motive. Lorsque je suis arrivé à Annecy, on était une dizaine de patineurs, tous à peu près du même âge, on se motivait tous ensemble. Mais petit à petit, chacun est parti faire des études, ou a rejoint d’autres structures, donc je n’arrivais plus à avoir cette motivation, cette chose qui me poussait à progresser. C’est ce que j’ai retrouvé ici. Je suis parti en très bons termes avec mes anciens coachs, mais voilà, c’était le moment de changer.
Observez-vous des changements au niveau de l’entraînement ?
On est en Allemagne donc c’est très organisé. C’est la discipline allemande ! Il y a beaucoup de changements… Mais il y en a tellement que je n’arrive même pas à savoir lesquels ! On a une manière différente d’aborder les entraînements. On prend beaucoup de temps pour parler, pour anticiper et pour programmer les entraînements et la saison. C’est quelque chose que j’apprécie beaucoup.
Avez-vous déjà remarqué les effets positifs de ce changement ?
Complètement ! C’est vrai que le début de saison a été dur, parce que l’année dernière, j’ai fait une de mes meilleures saisons. En compétition, je faisais entre 200 et 210 points. Là, j’ai chuté de 40 ou 50 points. Lorsqu’on change, on s’attend à ce que les premières compétitions soient mieux. Mais, la vérité, c’est qu’il y a un bon temps d’adaptation et des stratégies différentes. Je n’ai connu qu’une seule façon de m’entraîner jusqu’à présent, et il fallait que je m’habitue à la leur. Je n’ai pas vu cette progression tout de suite mais, maintenant, je la vois et je me sens vachement mieux. Je pense que je peux dire que je progresse à vue d’œil.
Ces progrès se sont-ils fait ressentir en compétition ?
Cette année, c’était un peu une année de transition. En début de saison, je n’étais pas très satisfait en termes de compétition. Mais c’est normal, c’est un tout. Je sais que la Fédération monégasque était derrière moi. Ils savaient que c’était une année de changement et ne m’ont pas mis d’objectifs particuliers ou de grosse pression pour réussir. Je les remercie pour ça, car je sais que certaines peuvent être pressantes avec leurs patineurs.
24e aux championnats d’Europe, c’était une belle performance !
Aux championnats d’Europe, avec mes coachs, on s’est fixé de nouveaux objectifs. Je voulais passer la qualification et mettre le Triple Axel en place dans mon programme court. Je suis encore dans une phase d’apprentissage et d’acquisition de cet élément. C’était une décision stratégique. Si je le mettais et que je le ratais, je pouvais mettre en péril ma qualification pour le programme long. Ma compétition se serait arrêtée à mi-chemin. J’ai décidé de prendre le risque. Ça ne s’est pas exactement passé comme je l’aurais espéré. Je l’ai raté, mais ça a payé. J’étais satisfait de l’avoir tenté, et tout le reste était bien. Mais j’étais assez loin de la qualification. Je devais compter sur des faux pas de mes adversaires. Jusqu’aux trois derniers patineurs, je ne pensais pas passer. Puis, pendant le programme long, je me suis retrouvé à prendre beaucoup de plaisir. J’avais atteint mon objectif. Je n’avais plus qu’à profiter du moment, et donner ce que j’avais à donner.
Fin janvier, vous avez participé au Bavarian Open, en Allemagne, pour tenter d’atteindre le nombre de points minimum pour accéder aux mondiaux. Avez-vous réussi ?
J’ai été déçu. J’avais deux objectifs. Dans le programme court, réussir le Triple Axel. Ce que j’ai fait. Pas tout à fait en arrière, mais il était bien. Et le second était d’obtenir les points minimums pour les mondes (Championnats du monde ISU de patinage artistique 2024). J’étais très très proche, mais je ne les ai pas encore. Il faut 64 points en technique, et j’étais à 63,47. J’étais très frustré et très déçu, car on avait justement adapté le programme pour que ce soit bien techniquement. J’ai commis deux erreurs, une grosse et une plus petite, qui m’ont coûté cette qualification. J’ai encore une chance à Merano (Italie, 22 au 25 février) pour aller chercher cette qualification. Pour l’instant, j’ai été un peu déçu du week-end, mais dans l’ensemble, c’était franchement une bonne compétition. J’étais très content de mon total de points (190 points). J’arrive à augmenter mon score à chaque compétition, donc ça, c’est rassurant, mais j’ai été un peu déçu de ne pas avoir atteint cette qualification que je cherche à avoir depuis quelque temps.
Quels sont les points sur lesquels vous devez encore vous améliorer ?
Je pense que c’est beaucoup sur ma confiance en moi. Pour cela, je travaille avec un préparateur mental. Les éléments, je sais les faire. Les mettre dans un programme avec de la pression, du stress, les juges, et les milliers de spectateurs… c’est un tout qui fait que je n’arrive pas encore vraiment à faire un programme à la hauteur de mes attentes. C’est vraiment le stress de la compétition qui dérègle un petit peu ces éléments techniques et qui me font buter sur cette qualification que je cherche à avoir. Mais ça va venir !
Vous avez débuté le patin un peu plus tard que la moyenne, est-ce que vous remarquez encore ce “retard” ?
Pour moi, je pense que je ne serai jamais satisfait de ce que je fais. Mais je pense aussi que tout athlète peut se retrouver dans cette situation. Je peux me regarder patiner et trouver des choses moches, alors qu’il y a des choses très bien. On veut toujours progresser, être meilleur. C’est très compliqué de pouvoir me dire : ‘Là c’est bien !’ Pour moi, j’ai toujours du retard par rapport aux autres. Mais quand j’en parle avec mes concurrents, mes coachs, ma fédération, ou mes parents, peu importe, on me dit : ‘Non, pas du tout ! Tu as le même niveau.’ Ce retard, je l’ai senti vraiment jusqu’à il y a deux trois ans et, depuis, je pense que ça va mieux. Certes, j’ai moins d’heures de glace que tous mes concurrents, c’est évident, mais je pense que oui, je les ai rattrapés. Mais je n’arriverai jamais à me le dire honnêtement, parce que j’ai cette envie d’être toujours meilleur que la veille !
Eternel insatisfait ? Même si vous parvenez à vous qualifier pour les JO de Milan-Cortina en 2026 ?
Déjà, on se concentre sur les Championnats du monde en mars, c’est l’objectif à court terme. Cette année, si je peux y aller, ce serait top, parce que ma qualification, normalement, serait valable deux ans. Ceux de l’année prochaine seraient donc assurés. Mais il y a des changements de règlement chaque année, je ne veux pas m’avancer. Le véritable objectif, ce sont les Monde de l’année prochaine, pour pouvoir me qualifier pour les JO de Milan-Cortina. Ensuite, c’est sûr que, si je suis sélectionné, je serais bien évidemment satisfait. C’est l’objectif de beaucoup d’athlètes d’y participer. Mais après, j’aurais comme but de devoir percer là-bas ! Je partirai du principe qu’on n’y va pas en tant que spectateur. On y va pour faire quelque chose de bien, pour performer et représenter son pays.
Mais vous gardez toujours le sourire sur la glace, c’est quelque chose d’important pour vous ?
Même si je ne suis pas satisfait de ma performance, je vais donner tout ce que j’ai, parce qu’on patine pour des personnes. Que ce soit le public, les juges, notre fédération, ou nos parents. Je ne suis pas du genre à abandonner ou à baisser les bras, et décevoir toutes les personnes qui m’ont soutenu et qui sont là pour me voir. Je veux donner cette performance à toutes les personnes qui sont présentes pour moi. C’est pourquoi, je trouve ça important d’aller au bout, même si il y a des ratés. Tout donner, sourire, et pouvoir partager ça avec notre public, nos juges et notre entourage.
Propos recueillis par Anouck Muller