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Eliot Matazo (AS Monaco) : « Je suis encore en apprentissage »

Du terrain à la ville, Eliot Matazo est un homme différent. Omniprésent sur le pré où les observateurs de Ligue 1 l’ont remarqué en fin de saison, le milieu de terrain belge de 19 ans est beaucoup plus discret en privé. Une vie rythmée par un triptyque « entraînement, repos, football à la télé ».

Il est présenté comme « l’un des plus grands espoirs du football belge ». Lui s’en moque. Ne prête pas attention « à ces mots sortis dans les journaux ». Tout ce qui compte pour lui, c’est de « faire ce que (j’ai) à faire ». Apprendre, jouer, progresser. Sans arrêt. Rien de plus. Eliot Matazo, 19 ans, entame sa deuxième saison avec les professionnels. Depuis sa première apparition en match officiel contre Strasbourg en septembre dernier, le milieu de terrain a pris de l’épaisseur dans l’ombre du duo Tchouaméni/ Fofana, signant même un but décisif en en pleine course au podium, lors de la victoire monégasque à Reims (1-0 lors de la 36e journée). Ce leader « naturel », qui attend patiemment son heure pour exploser, s’est livré avec sincérité pendant 30 minutes sur des thèmes variés, de l’effet salutaire de vivre avec sa mère et sa soeur à Monaco à son éthique de travail et son obsession des « petits détails » pour s’assurer « une longue carrière ».

Comment se sont passées les vacances ? 

Très bien. Je suis parti à l’étranger. Ce voyage m’a permis de souffler, de penser à autre chose que le football. Cela m’a fait du bien. 

Il paraît que vous vous astreignez à des entraînements durant vos jours de coupure. 

C’est vrai, mais il y a un temps pour tout : pour souffler et permettre au corps de bien se reposer, comme pour préparer la saison sans en faire trop, toujours avec un suivi. J’aime bien travailler de mon côté, avec un préparateur, avant la pré-saison pour pouvoir reprendre dans les meilleures conditions. Cela fait partie de mes habitudes de travail. 

Lorsque Niko Kovac vous a retenu l’été dernier pour le stage de pré-saison en Pologne, vous attendiez-vous à ne plus quitter le groupe professionnel ? 

Pas du tout. Je savais que j’allais intégrer l’équipe première. Mon ambition était alors de montrer à l’entraîneur ce que je savais faire. Le reste, ce n’était que du bonus. Puis j’ai pleinement profité des occasions qu’il m’a données. 

Finalement, le bonus aura été un enchaînement de premières : apparition officielle, titularisation, but… 

(Il sourit) C’était un rêve, bien sûr, mais également un objectif. Ces premières ne sont que le résultat du travail que j’ai fourni durant la saison. J’ai pris ces moments comme des récompenses. Je suis très reconnaissant envers l’entraîneur.

Dans ce groupe très jeune, vous retrouvez notamment quelques camarades de l’équipe réserve, comme Chrislain Matsima, Enzo Millot ou Valentin Decarpentrie. 

C’est une sensation unique d’évoluer ensemble. Cela facilite notre intégration et la communication avec le reste de l’équipe. On se sent plus à l’aise quand on est avec des copains. 

C’est une chance d’être couvé par Cesc Fabregas, Aurélien Tchouaméni et Youssouf Fofana ? 

Oui. J’apprends énormément à leur côté chaque jour, dans l’attitude, dans l’implication à l’entraînement… Cesc, Aurélien et Youssouf me donnent beaucoup de conseils, car nous possédons une vision du jeu identique. On parle le même football. 

Quelles sont vos ambitions pour la saison à venir ? 

Faire mieux que la précédente. Je suis encore en apprentissage, j’ai envie d’engranger plus de temps de jeu. Je ne me fixe pas de limites. Je sais que tout viendra en travaillant. 

Si vous êtes hyperactif sur les terrains, vous cultivez en revanche le secret en étant très discret sur les réseaux sociaux. Qui est vraiment Eliot Matazo ? 

Je suis quelqu’un de très calme, focalisé sur le football. Je ne cherche pas à étaler ma vie privée, d’autant que je suis assez casanier. Mes déplacements se limitent à aller à l’entraînement, au restaurant avec ma famille ou chez le coiffeur. Mes coéquipiers me chambrent d’ailleurs sur la fréquence de mes passages chez le coiffeur. (Il rit)

Votre surnom dans les vestiaires, Rio, fait référence à l’ex-international français Mavuba. Pas pour le style capillaire, mais parce que vous partagez certaines caractéristiques sur le terrain. 

(Il sourit) Je le prends comme un compliment. Rio Mavuba est un grand joueur, qui a eu une belle carrière. Nos profils se ressemblent sur différents aspects, comme la combativité.

Vous vous sentez plus proche d’un autre joueur ? 

On m’a souvent dit que mon style de jeu ressemblait à celui de Youri Tielemans (joueur belge passé par l’AS Monaco entre 2017 à 2019, actuellement à Leicester). Sinon, je m’inspire de tous les milieux de terrain des grands championnats.

Comme Tielemans, vous avez gravi tous les échelons à Anderlecht avant de rejoindre l’AS Monaco. Qu’est-ce que vous devez à ce club belge mythique ? 

Tant de choses. J’y ai effectué ma pré-formation. J’ai appris le football à Anderlecht. En arrivant à Monaco, j’avais déjà une certaine base sur laquelle m’appuyer pour devenir le joueur que je suis actuellement.

Vous avez porté le brassard de capitaine dans toutes les catégories d’âge. Comment expliquez-vous cette faculté à diriger ? 

Je ne sais pas. Je pense que l’on ne choisit pas d’être le leader sur le terrain. C’est inné. Dès mon plus jeune âge, j’ai eu cette faculté à diriger mes coéquipiers. Je ne parle pas beaucoup, mais j’accorde beaucoup d’importance à montrer l’exemple. Être un leader, c’est avoir l’attitude, l’implication et le langage corporel adéquats sur un terrain de football. C’est la raison pour laquelle, je pense, mes coéquipiers me voyaient comme un modèle à suivre.

Mais ce caractère, vous l’avez également hors du rectangle vert ? 

(Affirmatif) Tout à fait. Je suis quelqu’un de très carré, j’aime quand les choses sont claires. A Monaco, je suis à l’écoute des anciens, je bois leurs paroles, mais j’observe beaucoup. C’est un réflexe que j’ai conservé.

Vous êtes l’aîné dans votre famille ?

Non, justement. (Il sourit) Je ne peux même pas expliquer mon âme de leader par ma position dans la fratrie, puisque je suis le seul garçon et le plus petit !

Votre mère et deux de vos soeurs vous ont suivi lors de votre signature à Monaco. Vivent-elles toujours avec vous ? 

Oui, même si l’une de mes soeurs a regagné la Belgique pour son mariage. J’avais besoin d’elles pour mon équilibre. C’est toujours le cas. Je suis arrivé en Principauté à 16 ans. C’est très jeune. Avoir ma mère et mes soeurs près de moi était primordial pour mon adaptation. Je conservais des repères, je n’étais pas dépaysé. Quand je sortais de l’entraînement, je les retrouvais à la maison. Elles m’ont apporté une certaine stabilité et du soutien, notamment durant ma blessure.

Celle à la hanche qui vous a éloigné des terrains pendant huit mois en 2018 ?

Oui. Cette épreuve m’a permis de me forger un mental de vainqueur. J’ai beaucoup appris sur l’hygiène de vie. J’ai découvert les petits détails à ne pas négliger pour avoir une longue carrière. J’ai gagné en maturité. C’était un mal pour un bien.

Quels sont les petits détails que vous évoquez ?

C’est un ensemble d’éléments : par exemple, je suis scrupuleusement les conseils de notre nutritionniste, y compris à la maison. De plus, j’utilise tous les outils qui facilitent la récupération, je fais les soins à chaque fin de séance, je m’adonne à du travail en salle, je passe régulièrement entre les mains du kiné… C’est ma routine : entraînement, repos et football à la télé. 

Vous parlez de football à la maison ? 

Bien sûr ! (Il rit) De toute façon, chez moi, c’est foot, foot et foot ! J’oblige ma mère et ma soeur à regarder les matches. Elles n’en peuvent plus, mais elles n’ont pas le choix.

Vous avez suivi l’Euro ?

Forcément. Mon ami Jérémy Doku (joueur du Stade Rennais) a été sélectionné avec la Belgique. On s’appelait régulièrement. Je suis très content de ce qu’il a accompli. C’était son premier grand tournoi, je pense qu’il s’en est très bien sorti.

Qu’avez-vous pensé du parcours de vos compatriotes ? 

On reste sur notre faim (élimination en quarts de finale contre l’Italie). Il y avait de grandes attentes autour de cette équipe composée de joueurs de classe mondiale. Mais le football est ainsi fait. Les meilleurs ne gagnent pas toujours ! (Il sourit)

Cela vous donne des idées pourla Coupe du monde 2022 ? 

Intégrer l’équipe nationale est un objectif, mais je n’y pense pas tous les jours. Une sélection sera le fruit de bonnes performances en club. Mais c’est vrai que regarder mon copain Jérémy jouer l’Euro m’a donné envie d’échanger des passes avec lui sous le maillot belge…

Propos recueillis par Jérémie BERNIGOLE-STROH

Publié le 15 Juil. 09:16