Amatrice de sport et membre du bureau du club et de la Fédération monégasque de badminton, Céline Cottalorda, déléguée interministérielle pour la promotion et la protection des droits des femmes, revient sur l’importance du sport dans la recherche de parité et d’égalité…
Depuis sa création fin 2018, le Comité monégasque pour la promotion et la protection des droits des femmes multiplie les initiatives en faveur de l’égalité homme-femme et de la lutte contre les violences faites à ces dernières. Placé sous l’égide d’Isabelle Berro-Amadeï, Conseiller de Gouvernement – Ministre des Relations Extérieures et de la Coopération, il est piloté par Céline Cottalorda qui est chargée au quotidien d’animer et de mettre en oeuvre ces politiques au travers d’actions diverses et qui touchent tous les domaines : législatif, sensibilisation, formation… Un vaste sujet qui trouve un écho dans le sport.
Le sport peut-il contribuer à mettre tout le monde au même niveau ?
En matière de promotion de l’égalité, il est intéressant de par ses valeurs intrinsèques, dont le dépassement de soi… Bien entendu, il faut le promouvoir de manière identique auprès des garçons, des filles, des hommes et des femmes. C’est capital dans la société actuelle parce que cela place tout le monde sur un pied d’égalité. Cela leur permet aussi de s’émanciper, de se libérer, de s’affirmer d’une certaine manière, notamment par les résultats. Après, ici, à Monaco, il y a une pratique sportive très ancrée dans les mentalités parce que ce sont des valeurs portées depuis toujours par le Prince Albert II, notamment par sa pratique personnelle au plus haut niveau… Son exemple est très fort pour le sport en général, qui est très accessible, aussi bien pour les femmes que les hommes, et au niveau scolaire pour les garçons comme pour les filles.
Du côté des pratiquants, le sport monégasque s’illustre par cette belle représentativité filles-garçons. Qu’en est-il par ailleurs ?
Sur un plan plus administratif, entre le Comité olympique monégasque, dont le Secrétaire Général est Yvette Lambin-Berti, Isabelle Bonnal à Direction de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ou Sylvie Bertrand, directrice du Stade Louis-II, nous avons des femmes qui dirigent le sport. Et il ne faut pas oublier la Princesse Charlène, qui est une ancienne nageuse olympique. En termes d’image et de promotion, nous avons des modèles. Mais quand on regarde un peu plus dans le détail, notamment au niveau de la présidence des fédérations, ce n’est pas encore cela en termes de représentativité. Plus on monte dans les sphères décisionnelles de pouvoir, moins il y a de femmes. En ce sens, le sport est un peu le reflet de notre société.
Même si on peut constater une certaine évolution, le sport féminin n’a pour le moment pas la même aura que son pendant masculin…
Il y a encore un souci par rapport à la médiatisation. La Coupe du Monde 2019 a permis de parler du football féminin, d’autant que certains matches ont eu lieu à Nice. Cela a donné un élan et l’AS Monaco Football Féminin (ASM FF) a accueilli pas mal de filles dans la foulée. Comme quoi, cela donne envie. Mais, globalement, vu qu’il y a moins de sports féminins à la télévision, donc moins de sponsors, les joueuses professionnelles sont moins payées que leurs homologues masculins. C’est un cercle vicieux. Heureusement, cela bouge. Les Américaines, championnes du monde, sont très « pushy » sur la question. La Fédération espagnole de football a indiqué qu’elle allait verser les mêmes primes à ses joueuses. Mais c’est vrai qu’il faut enclencher la seconde, montrer du sport féminin pour susciter l’intérêt des sponsors, et faire que ce soit plus rentable économiquement, afin que ces athlètes puissent en toucher les bénéfices. Parce que les différences sont tout de même nombreuses.
Promouvoir le sport féminin pourrait-il permettre de changer les mentalités ?
Le valoriser, c’est aussi donner des modèles inspirants aux jeunes, filles comme garçons. Moi qui pratique le tennis, je me souviens, petite, des matches de Chris Evert, Martina Navratilova… Cela m’a donné envie. J’essayais de jouer comme les championnes et d’aller à la volée parce que je voyais Navratilova faire. On s’imprègne de tout cela. Sans elles, je n’aurais peut-être pas pratiqué le tennis ou joué comme je l’ai fait. C’est vraiment important qu’il y ait des femmes pour cette source d’inspiration, notamment dans des sports moins ouverts aux filles comme le football ou le rugby. Il est capital de montrer que les filles peuvent pratiquer des disciplines comme la boxe par exemple et à l’inverse, que les garçons peuvent faire des activités comme la gymnastique.
En septembre dernier, le Comité pour la promotion et la protection des droits des femmes a décidé d’axer sa campagne sur le sport…
De manière globale, cette campagne vise à lutter contre les stéréotypes, faire prendre conscience des inégalités et faire évoluer la société. A travers celle-ci, nous avons abordé plusieurs thématiques aussi bien dans la sphère privée que professionnelle. Le sport et les loisirs nous ont semblé intéressants. En étudiant les statistiques, on s’est aperçu qu’à Monaco, 75 % des licenciés au football étaient des garçons, 88 % en rugby alors qu’en gymnastique, les filles représentaient 66 %. C’est pour cela qu’on a choisi ces deux dernières disciplines. Nous voulions casser les stéréotypes et montrer qu’il n’y a rien d’impossible pour les filles comme pour les garçons. Qu’il fallait dépasser la vision que l’on se fait. Le rugby, par exemple, peut impressionner parce qu’on a l’image des hommes, mais la pratique féminine n’est pas la même. Pareil dans le football.
Le sport peut-il mettre à mal les clichés ?
Dans les clubs monégasques, les clubs sont ouverts aux garçons comme aux filles. Il n’y pas de différence. C’est finalement le meilleur message. Dans la pratique, on se mélange. Prenons par exemple Lisa Caussin-Battaglia qui est vice-championne d’Europe de jet ski dans un sport hyper masculin. Avoir une fille comme ça, c’est super parce qu’elle met à mal les clichés. Elle évolue dans un milieu masculin et finalement, elle joue à armes égales. Elle donne un bon exemple.
Lors des derniers Jeux olympiques d’été, la délégation monégasque a atteint la parité. Cela est-il capital pour le développement du sport en Principauté ?
Tout à fait, c’est pour cela que la question de la représentativité est très importante dans la pratique, dans les athlètes qui participent aux Jeux ou les professionnels. J’espère que le football féminin, qui est en pleine ascension, va continuer à avoir ces bons résultats. Aujourd’hui ce sont des amateurs, peut-être que si le club se professionnalise, ce sera différent, on aura passé un autre pallier aussi. Il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que des hommes professionnels. En plus, la discipline se développe partout. Des grandes villes françaises ont déjà des clubs importants, notamment au niveau européen. Pour Monaco, terre de football et de Grand Prix, ce serait formidable… Après, il restera la course automobile !
De plus en plus d’équipes tapent à la porte du niveau professionnel. Si des choix doivent être faits, est-ce que les équipes masculines ne risquent pas d’être privilégiées ?
Ça, ce n’est pas à moi de le dire. Bien sûr, il faudrait que tout le monde puisse pratiquer, sans différence. Mais en étant réaliste, le stade Louis-II est à la fois pour les professionnels, les clubs amateurs et les scolaires. Il faut arriver à faire rentrer tout ce monde dans un seul endroit. Il faudrait pour le moins une synergie entre sport féminin et masculin. Et j’espère bien qu’on trouvera de la place pour les clubs féminins si jamais demain l’opportunité d’avoir des professionnelles se présentait.
Des actions ont été mises en place par le comité avec certains clubs de la Principauté, dont les sections masculine et féminine de l’AS Monaco…
En dehors des associations qui font partie du comité, j’essaie toujours de trouver des synergies, de mettre en place des partenariats avec les acteurs locaux. L’ASM FF m’a contactée après la création du comité et très vite nous avons mis en place une collaboration. Les joueuses ont participé à des campagnes, comme par exemple celle de la Journée internationale des droits de la femme, le 8 mars. On essaie de collaborer intelligemment. Eux pour promouvoir le football féminin, moi pour mettre en avant ce qu’ils sont en train de faire. Nous avons également de très bonnes relations avec l’AS Monaco FC. Là, nous sommes dans une autre dimension. J’essaie de m’appuyer sur leur aura et leur grande visibilité sur les réseaux sociaux. Ils relaient aussi nos actions et ont des joueurs qui ont participé à des journées internationales. Pendant la pandémie, nous avions aussi signé une convention nous permettant, si besoin, de mettre des femmes battues à l’abri dans ses infrastructures.
D’autres actions à venir avec les clubs de la Principauté ?
Mon envie, c’est de continuer dans cette voie et de faire une action un peu plus massive autour de la pratique féminine. Peut-être sous la forme de petits tournois d’exhibition et d’essais, lors d’une journée multisports qui permettrait aux jeunes filles de tester une discipline ou de voir des joueuses en action, afin, derrière, de susciter l’envie. Cela mettrait aussi en avant les joueuses à un certain niveau. C’est une idée qui est en train de germer. On en a déjà parlé avec certains clubs…
Vous-même, pratiquez-vous également un sport ?
Je fais du tennis depuis toute jeune en loisirs. Je fais aussi du badminton et du golf. Mais j’aurais adoré faire du football. A mon époque, ce n’était pas comme maintenant. Cette discipline, c’était exclusivement pour les garçons. Mais cela m’a toujours plu. J’allais voir les matches de l’AS Monaco avec mon père. J’ai vécu le match d’inauguration du stade Louis-II en 1985, un Monaco-Lens. Je me souviens aussi avoir regardé la Coupe du monde à la télé. Le football m’a toujours plu. Je suis supportrice de l’ASM FC et de l’ASM FF.
Propos recueillis par Aurore TEODORO