Les 26 arbitres retenus pour les épreuves de taekwondo des JO de Paris se sont rendus à Monaco pour un dernier stage de préparation, début juin. Ils ont profité de la Coupe Prince Albert II, qui a fait de l’expérimentation son leitmotiv, pour corriger les derniers détails.
Alors que la Principauté se vide de ses travailleurs pendulaires dans la chaleur d’une fin de journée de juin, vingt-six personnes jouent les prolongations au stade Louis-II. Dans une salle de réunion directement accessible depuis la rue, il n’y a plus une chaise de disponible. Toutes les tables sont occupées, cahiers et stylos couvrant leur surface. L’ambiance se veut studieuse. Face à ces arbitres de taekwondo venus du monde entier, un orateur aux allures de professeur est assis derrière son bureau. Ses explications sont suivies religieusement, alors que des combats sont rétro projetés sur un grand écran blanc.
A l’aide de son ordinateur, Song Chul Kim isole des scènes et appuie fréquemment sur pause. Il se lève, révèle l’imperceptible, demande la participation d’un auditeur pour reproduire le mouvement pointé, joignant le geste à la parole, puis retourne s’asseoir et relance la vidéo. L’opération est répétée autant de fois que nécessaire. Tout le monde gratte énergiquement sur son calepin, y compris l’assistante du patron de l’arbitrage de la Fédération internationale. Le moment est important : en août, ces 13 hommes et ces 13 femmes n’auront plus le droit à l’erreur sur la grande scène olympique de Paris.
Dernier galop d’essai
« World Taekwondo a choisi notre pays pour l’ultime stage des arbitres car Monaco a une grande tradition sportive et représente surtout un terrain neutre. Ses officiels peuvent travailler sans courir le risque de subir une quelconque pression », affirme Stéphane Mannino, président de la section Karaté Do et Taekwondo de l’ASM et de la Fédération monégasque de taekwondo (FMT). Le charismatique Song Chul Kim, Coréen aux 40 années d’expérience dans la discipline, complète : « Les 26 arbitres que vous avez devant vous ont travaillé aussi dur que les athlètes pendant quatre ans, ils sont passés à travers tout un tas de procédures pour obtenir leur ticket. Pour eux, se retrouver ici est une récompense sans être une fin en soi. »
Au cours de la dernière olympiade, beaucoup ont été appelés mais peu ont été élus. Par exemple, à Bruxelles, en mars 2023, ils étaient 70 à tenter leur chance lors des sélections européennes. Seule une poignée se trouve parmi les finalistes dans l’enceinte monégasque un an plus tard. « Tout au long du week-end, nous allons analyser plusieurs vidéos des tournois de qualification continentale, sélectionner les cas les plus compliqués et les étudier. Le but est de pointer les petites erreurs qu’ils ont commises, mais également les bonnes décisions qu’ils ont prises. Ce travail est essentiel pour maintenir notre groupe dans l’excellence », explique Song Chul Kim après avoir mis fin à un premier cours très animé. Le stage en Principauté vient de débuter sur des bases très élevées. Ce n’est qu’une mise en bouche. Car, après la théorie, vient la pratique. Et quoi de mieux que la Coupe Prince Albert II comme dernier galop d’essai officiel avant de rejoindre la capitale française ?
Italie vainqueur
Cette compétition biennale, lancée à la fin des années 80 et disputée par de célèbres taekwondoïstes comme Pascal Gentil, est organisée pour les jeunes pratiquants. Stéphane Mannino la décrit comme « un laboratoire » où l’on éprouve nouvelles technologies (comme les plastrons électroniques à l’époque) et règles originales. L’édition 2024 ne déroge pas à la tradition : « Elle reste dans la droite lignée puisque l’on va tester une adaptation du règlement, à savoir les combats au meilleur des trois rounds, le système en vigueur à Paris-2024. » Il n’est donc plus question de faire triompher l’équipe qui marque le plus de points en trois manches, l’objectif étant de donner plus de rythme à la compétition.
La Coupe Prince Albert II s’est tenue le lendemain, le 8 juin, dans le grand gymnase de l’Espace Saint-Antoine en présence de « quatre fédérations amies« , insiste le président de la FMT : « Nous partageons des liens très forts avec nos voisins français et italiens, ainsi que les Espagnols et les Marocains avec qui nous avons noué un partenariat privilégié. » Les combats font rage. Comme les taekwondoïstes, les arbitres se succèdent sur l’aire de jeu. Tous sont concentrés et ont envie de bien faire.
L’après-midi se déroule comme prévu. Légèrement en retrait, Song Chul Kim supervise ses protégés en prenant des notes. Il n’est pas le seul à être attentif à leurs décisions. En plein milieu d’une confrontation débarque en effet le Dr. Chungwon Choue. Le président de la Fédération internationale, en fonction depuis 2004, rejoint le Prince Albert II dans les tribunes pour suivre le reste de la compétition. « C’est un honneur incroyable de les avoir parmi nous », avoue Angelo Spataro, directeur technique du taekwondo monégasque. Au centre du terrain, deux équipes sont au-dessus du lot. Ce sont finalement les Italiens qui triomphent des Ibériques, la première place se jouant à une victoire (10 à 9) ! Qui sait, certains Transalpins se retrouveront peut-être à Los Angeles 2028… Pour les arbitres internationaux, aussi, le contrat est rempli. « Ils ont fait du bon travail », valide Song Chul Kim. Après une dernière journée de cours théorique au stade Louis-II, il ne leur restera plus qu’à reproduire le même schéma à Paris.
Par Jérémie Bernigole