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Myron Boadu (AS Monaco) : « J’aime me battre pour marquer »

Depuis son but libérateur à Nantes, Myron Boadu a fait trembler les filets adverses à trois reprises, offrant même une importante victoire à son équipe sur le terrain de Metz le 3 avril. L’attaquant néerlandais se sent à nouveau lui-même.

C’était un peu la course au Centre de performance de l’AS Monaco, le 5 mai. Entre la dernière séance d’entraînement et le départ pour Lille (36e journée de Ligue 1), Myron Boadu a tout de même pris le temps de s’installer vingt minutes autour d’une table pour répondre à nos questions. La série de victoires du club, son efficacité retrouvée, les dangers d’être présenté comme un futur grand joueur… Comme face au but, le buteur néerlandais s’est montré tranchant.

Comment expliquez-vous la fin de saison en boulet de canon réalisée par votre équipe ?

C’est vrai que nous avons terminé en boulet de canon avec une série incroyable de victoires et un nul. Peu de personnes s’attendaient à nous voir sur le podium en fin de saison mais en interne, nous n’avons jamais douté et le coach n’a cessé de nous encourager et à nous transmettre sa confiance. Au final, on laisse passer cette deuxième place à la dernière minute mais cela n’efface en rien notre excellente dernière partie de saison. Je pense que nous pouvons être fiers d’avoir rempli l’objectif du club et d’avoir donné du plaisir à nos supporters, notamment sur cette fin de saison.

Il y a ce succès écrasant contre le Paris Saint-Germain, le 20 mars.

C’était le match référence dont nous avions besoin. Nous avons eu la confirmation que nous nous trouvions sur le bon chemin. Le groupe ne se contente jamais d’une victoire. Nous voulons étendre la série aux trois derniers matches de la saison.

Vous semblez libéré depuis votre but contre Nantes en Coupe de France, début mars. Est-ce le cas ?

Oui, je me sens moi-même. Ma blessure aux ischios n’a pas été simple à traiter. A mon retour, l’entraîneur m’a mis en confiance. Ce but à la Beaujoire était la récompense d’un long parcours. Je n’ai jamais douté.

Vos coéquipiers vous ont soutenu durant cette période de disette ?

Toute l’équipe m’a dit : « On connaît ton potentiel, ce que tu as déjà accompli. Ce n’est qu’une question de temps. Connaître des hauts et des bas les six premiers mois, c’est normal. On va avoir besoin de toi. » Je pense avoir gagné en importance depuis le début de la saison.

Il fallait s’attendre à ces difficultés ?

Les jeunes joueurs ont besoin d’un temps d’adaptation lorsqu’ils découvrent un environnement. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit de ma première expérience à l’étranger, dans une langue différente. Je ne veux pas donner l’impression de chercher des excuses, parce que je dois évidemment faire mieux. Mais ce n’était pas facile du tout.

Quelles sont les grandes différences entre le championnat néerlandais et la ligue française ? Vous étiez si dominant en Eredivisie.

(Il est ravi de la remarque) Hum.

Ça vous fait sourire !

Oui, parce que c’est vrai ! (Rires) L’aspect physique et la manière de jouer diffèrent. Aux Pays-Bas, on veut développer un beau football. La France entretient la culture de la gagne. Ici, on met l’accent sur le résultat.

C’est pourquoi les scores sont souvent larges aux Pays-Bas ?

Certainement. Contre les petites équipes, tu sais que ton équipe va marquer deux voire trois buts. En France, chaque match est une sacrée bataille ! Tu ne sais jamais à quoi t’attendre, même contre le dernier.

Vous préférez l’incertitude du résultat ?

Oui ! Bien sûr, je ne veux pas qu’une équipe joue avec cinq défenseurs. Mais, parfois, c’est leur seul moyen de décrocher des résultats, alors il faut respecter. J’ai la compétition ancrée en moi, j’aime me battre pour gagner, glisser le ballon au fond des filets. Regardez le classement de la Ligue 1 : entre la troisième et la huitième place, il n’y a que sept points d’écart. Autrement dit, rien. C’est fou ! En Eredivisie, il y a un gouffre de 31 points ! Il y a l’Ajax, le PSV Eindhoven, Feyenoord et l’AZ Alkmaar qui se battent pour le titre, et le reste. Quand tu joues pour ces équipes, tu sais que tu vas gagner 90 % des confrontations.

On s’habitue vite à la vie monégasque ?

L’acclimatation a été facile parce que le club m’a beaucoup aidé dans mon installation et que la ville me correspond. La sérénité dégagée par Monaco et ses environs est une excellente chose pour moi. Je ne suis pas un fêtard, un gars qui traîne le soir. Ici, je me relaxe. J’aime être tranquille. Ma famille me rejoint souvent.

On sait finalement peu de choses sur vous. A quoi ressemble la vie de Myron lorsqu’il n’est pas à l’entraînement ou en match ?

J’aime bien déjeuner. Je ne sors pas souvent manger en ville, même si Ismail (Jakobs, latéral gauche de l’AS Monaco) me force parfois. Après les matches, je me détends à la maison, en famille. Je vous l’ai dit, j’aime la paix ! (Il sourit) Avec tout ce temps passé à la maison, jouez-vous aux jeux vidéo ? Ça m’arrive. Call of Duty, NBA, Madden… (Il sourit) Non, en réalité, je suis un vrai gamer !

Que pensez-vous de votre avatar dans les jeux de football ?

Je suis très rapide et ambidextre sur FIFA. Ils m’ont vraiment bien fait, cette fois ! (Il rit)

On vous a toujours présenté comme l’un des futurs meilleurs attaquants du monde. Ce type de publicité peut être dangereux pour un jeune de 17, 18 ans ?

Ça peut l’être si tu commences à t’estimer meilleur que tout le monde. Je m’explique : il faut avoir une bonne opinion de soi, c’est la clé pour réussir, mais pas au point de dévaloriser le talent des autres. Ton entourage doit t’aider à garder les pieds sur terre. Mes parents remplissent ce rôle. Si j’inscris un but, mon père va conserver un œil critique et souligner ce que je n’ai pas bien fait. La réaction de ma mère contrebalance. Qu’il marque ou qu’il perde, son fils est le meilleur. (Il sourit)

Deux grosses blessures ont entaché votre début de carrière. Avez-vous eu peur de perdre votre football après deux saisons blanches ?

Non, jamais. Pour la première (ligament croisé, du 11 août 2017 au 20 avril 2018), je réfléchissais plutôt à la manière dont je pouvais revenir sur les terrains en étant plus fort. Mon premier entraînement après ma fracture de la cheville (du 16 septembre 2018 au 15 avril 2019) n’était vraiment pas bon. Mais j’ai continué à penser que les séances suivantes me redonneraient confiance.

Mais vous avez connu deux saisons blanches, ce n’est pas rien…

(Il montre sa tête) Le mental. Pour mon genou, Zlatan Ibrahimovic et Mino Raiola, mon agent (décédé cinq jours avant l’interview), m’ont accompagné. Zlatan a connu la même blessure à 35 ans. Vous avez vu sa guérison ? Je ne pouvais que m’entraîner durement et revenir à mon meilleur niveau. Vous avez été confronté très jeune aux déceptions.

L’Ajax, votre club préféré, vous a recalé de son centre de formation. Ca vous a fait grandir ?

Quand ils m’ont annoncé la nouvelle, j’ai fondu en larmes. J’ai pleuré toute la nuit. Le matin, mon père est entré dans ma chambre et m’a dit : « Maintenant, tu vas devenir un homme. » Il avait raison. Deux semaines plus tard, j’ai rejoint l’AZ Alkmaar.

Un but contre l’Ajax a-t-il le goût d’une vengeance ?

Pas du tout ! J’ai pu avoir ce sentiment en équipe de jeunes. C’est du passé. Chez les professionnels, j’ai été très content de marquer deux fois contre l’Ajax parce que c’est la meilleure équipe néerlandaise. D’ailleurs, le premier but nous avait donné la victoire à la dernière minute (1-0 en 2019/2020).

Devant la cage, vous paraissez froid. D’où vous vient ce calme ?

De l’entraînement, de la répétition des gestes. Je m’oblige à travailler calmement. Mes entraîneurs me l’ont toujours répété. C’est devenu naturel. Toutes les heures à jouer dans la rue avec votre frère Reginald ont aussi contribué à cette aisance. Racontez-nous ces parties. J’étais si jeune ! (Il sourit) J’avais six ou sept ans, lui treize. Je jouais gardien à l’époque, mais je partais balle au pied, je dribblais des gars plus âgés. Ils ne m’impressionnaient guère. Quand je tombais, je me relevais.

On a lu dans une interview que vous n’aviez jamais rien cassé chez vos parents… C’est vrai ?

(Il bombe le torse en riant) Les qualités étaient déjà là. Je frappais majoritairement contre une porte qui ne risquait pas de se briser en deux. Quand je tirais au mauvais endroit, ça résonnait très fort dans le salon et mon père me sermonnait. Donc je me concentrais sur une zone et je m’y tenais.

Vous vous rêviez footballeur de l’Ajax ? Vous habitiez à proximité du stade, en plus.

J’habitais à deux pâtés de maison. J’ai grandi si près du Johan Cruyff Stadium que je n’avais pas besoin de regarder le match à la télévision pour savoir quand l’Ajax marquait. Depuis mon lit, j’entendais les supporters comme si j’étais au stade. Mais mon envie de devenir footballeur s’est surtout forgée en regardant la Ligue des Champions avec mon père.

Une flopée de grands attaquants néerlandais ont animé les soirées européennes : Ruud van Nistelrooy, Marco van Basten, Dennis Bergkamp, Robin van Persie… Mais ESPN vous a comparé à Filippo Inzaghi. Qui est votre modèle ?

(Sans hésiter) Thierry Henry ! Mais je comprends la comparaison avec Inzaghi. C’était un renard des surfaces, à l’affût des opportunités. Il pouvait attendre 90 minutes pour planter.

Mais vous êtes plus costaud, plus véloce que lui.

Oui, c’est vrai, même si nous possédons la même première touche de balle. Mais Henry reste mon modèle. En plus, mon père est un fan d’Arsenal donc je le regardais tout le temps. Un de mes premiers souvenirs de football, c’est son slalom contre le Real Madrid en 2006. J’étais impressionné !

La troisième place en championnat peut vous permettre de goûter pour la première fois à la Ligue des Champions qui vous a tant fait rêver enfant. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Disputer la Ligue des Champions est un rêve en effet que j’espère réaliser très vite. Nous sommes passés tout proche la saison dernière de participer à la phase de groupe avec une équipe jeune dont beaucoup de joueurs découvraient la coupe d’Europe. Cela va nous servir pour la suite et nous allons abordé ces tours préliminaires avec encore plus d’envie et d’expérience que l’été dernier, c’est certain. Et avec la dynamique de notre fin de saison, nous aurons encore plus de confiance. J’ai hâte d’y être…

Jérémie BERNIGOLE-STROH

Publié le 06 Mai. 08:53