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Le Prince Albert II au village olympique avec la délégation monégasque.Le Prince Albert II au village olympique avec la délégation monégasque

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INTERVIEW – Le Prince Albert II sur Paris 2024 : « Il faut garder la flamme »

A l’heure de dresser le bilan des Jeux olympiques de Paris 2024, le Prince Albert II a accordé un entretien à Code Sport Monaco au cours duquel il s’est réjoui du succès de cette édition. Il espère également que l’enthousiasme suscité par cet évènement permettra d’inspirer les jeunes générations et de pérenniser cet héritage sportif en France, à Monaco et dans le monde.

Malgré un agenda des plus chargés, le Souverain a trouvé le temps de répondre à nos questions. Le temps d’une parenthèse bienveillante, il est revenu sur la quinzaine olympique pour Code Sport Monaco. Les Jeux olympiques sont terminés depuis le 11 août, mais ils ont laissé une marque indélébile dans l’esprit collectif malgré les critiques et la méfiance de la presse.

Comment qualifieriez-vous cette édition ?

Les médias n’ont peut-être pas été tendres avant le début des Jeux, mais ils ont été particulièrement dithyrambiques dès les premières épreuves. Ce revirement était tout à fait justifié, car tout s’est très, très bien déroulé. Certes, il y a eu quelques flottements dans les transports au cours des premiers jours, mais ces petites contrariétés, observées lors des éditions précédentes, n’ont en rien perturbé le bon déroulement des Jeux. Il suffit de se remémorer l’ambiance qui régnait autour de la cérémonie d’ouverture et des tournois de sports collectifs, comme le football et le rugby à sept, qui ont débuté un ou deux jours avant. Les stades étaient combles et bruyants. Les spectateurs ne venaient pas pour faire la sieste, mais pour contribuer à une atmosphère incroyable.

Comment avez-vous trouvé la cérémonie d’ouverture ?

Toutes les cérémonies sont conçues et mises en scène pour offrir de très belles images à la télévision. L’idée d’organiser un défilé en dehors du stade était merveilleuse. Les officiels, dont je faisais partie avec ma famille, se trouvaient dans la partie centrale au Trocadéro, comme bon nombre de spectateurs ayant acheté des billets. Malheureusement, nous nous trouvions loin de l’action et nous n’avons donc pas eu l’occasion de saluer les athlètes sur les péniches, contrairement à ceux qui s’étaient installés sur les berges de la Seine. Nous avons donc suivi le déroulement sur six grands écrans, dont trois sont subitement tombés en panne en raison de la pluie. Heureusement, ils ont été rapidement réparés. (Rires) Nous avons eu la chance d’assister à des moments mémorables de la cérémonie, le point culminant étant la prestation de Céline Dion sur la Tour Eiffel. L’allumage de la vasque, suspendue dans le ciel de Paris, était également une image magnifique.

Vous y avez assisté avec votre épouse la Princesse Charlène ainsi que vos enfants. Ont-ils pris conscience de l’importance du sport et de son pouvoir fédérateur ?

Ils ont apprécié le moment, bien qu’ils aient été trempés. (Sourire) Je ne saurais vous affirmer qu’ils ont pleinement pris conscience de l’importance du sport et des Jeux olympiques. Sur le moment, ils étaient préoccupés par la pluie mais, dès le lendemain, nous avons assisté à plusieurs disciplines et j’ai senti qu’ils avaient envie de rester à Paris malgré l’appel très tentant des vacances. En revanche, ils se sont pris au jeu des échanges de pin’s, c’est indéniable.

Quel héritage les Jeux de Paris 2024 laisseront-ils à la France et au sport mondial ?

Je pense que ces Jeux laisseront un héritage durable pour le sport français. Un événement tel que les JO est essentiel pour insuffler cette dynamique, déjà perceptible dans les clubs et dans plusieurs disciplines, notamment celles encore peu médiatisées. Les lieux de compétition extraordinaires, les performances exceptionnelles des athlètes, notamment des Français, expliquent cet engouement formidable. Cet élan se poursuit d’ailleurs, en témoigne l’accueil triomphal réservé aux médaillés originaires de Toulouse et de sa région immédiate, actuellement célébrés sur la place du Capitole (le 18 septembre, jour de cet entretien). On sent que personne ne souhaite que la fête s’arrête. Il le faudra bien, malheureusement, l’été touchant à sa fin, mais il est primordial de conserver cette exaltation. J’ai bien aimé le titre du journal L’Équipe à l’issue de la cérémonie de clôture : « Garder la flamme ». Il convient de préserver ce sentiment, aussi bien dans le cœur que dans l’esprit, pour continuer de progresser et d’inspirer les jeunes générations.

Quatre pays et l’équipe des réfugiés ont débloqué leur compteur de médailles à Paris. Qu’est-ce que cela dit de l’universalité et de la démocratisation du sport menées par le CIO ?

C’est un signe très encourageant pour nos actions. Il convient également de souligner qu’un nombre record de pays a remporté au moins une médaille (91). À titre personnel, je suis très heureux pour l’équipe des réfugiés. Leur réussite est un symbole et un exemple extraordinaires. Cette délégation, composée de 38 athlètes qui s’encourageaient sans relâche, a eu le sentiment d’appartenir à la grande famille olympique.

Thomas Bach, le président du CIO, a annoncé qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Comment décririez-vous ses 12 années de présidence ?

Je tiens à exprimer ma gratitude envers Thomas Bach, dont la grande expérience et la profonde connaissance de l’univers olympique ont été des atouts indéniables. Il a su donner au CIO une dimension encore plus internationale en tissant ou en renforçant des liens très forts avec des institutions importantes telles que l’ONU, l’UNESCO, etc. Il a mené toutes les démarches avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés afin de former cette équipe. Il a guidé le mouvement olympique à travers des périodes particulièrement délicates. Il n’est pas aisé de trouver des solutions optimales et de préserver l’équité dans le sport lorsqu’une pandémie mondiale et des conflits internationaux bouleversent le quotidien. Thomas Bach a ainsi été un très grand président. Il a toujours agi dans l’intérêt supérieur du CIO grâce à sa vision d’ensemble et à sa capacité de dialogue avec les chefs d’État et de gouvernement, les responsables d’organisations internationales mais aussi les jeunes sportifs de pays en développement. Il a su accompagner cette expansion formidable du sport. De plus, Thomas Bach a bien compris que le monde était en perpétuelle évolution et qu’il était indispensable que l’olympisme s’adapte au contexte international et aux nouvelles technologies.

Quel profil devra avoir son remplaçant ?

Son successeur devra faire preuve d’une expertise approfondie du sport et des relations internationales. Sept candidats sont actuellement en lice. Une présentation à huis clos devant l’ensemble du CIO aura lieu à la fin du mois de janvier 2025. L’élection, elle, sera organisée lors de la prochaine session en Grèce, en mars (du 18 au 21). Thomas Bach deviendra président d’honneur et a d’ores et déjà indiqué qu’il se tiendrait à la disposition de son successeur si celui-ci venait à solliciter ses conseils.

Les Jeux paralympiques se sont déroulés du 28 août au 8 septembre. Avez-vous suivi les épreuves ?

J’ai eu le privilège d’assister à la cérémonie d’ouverture ainsi qu’à la première journée de compétition. J’ai pu suivre les épreuves de tir à l’arc, de boccia, de rugby-fauteuil et de para-natation où j’ai eu l’honneur de remettre la première médaille d’or française à Ugo Didier (400 m nage libre). Ce fut un très beau moment. L’enceinte était pleine à craquer, les spectateurs ont fait monter les décibels. Il n’y avait aucune différence avec un titre olympique de Léon Marchand. Revenons aux Jeux olympiques.

Vous avez passé deux semaines au plus près des épreuves en soutenant vos athlètes, en rendant hommage à votre grand-père maternel, en participant à la 142e session du CIO ou en remettant les médailles en aviron… Racontez-nous votre quinzaine olympique.

Bien qu’ils permettent d’assister à des compétitions, les Jeux olympiques ne sont pas synonymes de vacances. Ces deux semaines à Paris ont été rythmées par des réunions formelles, des rencontres avec des chefs d’État et de gouvernement, des réceptions à différents endroits avec de nombreuses personnalités, la visite des maisons de France, d’Italie, des États-Unis ou encore de la FIFA. Il faut profiter de cette période pour entretenir les relations avec tous les comités, les fédérations, etc. J’ai également pu célébrer avec mes cousins le centenaire de la troisième et dernière médaille d’or de mon grand-père, John B. Kelly. Nous avons été très touchés que Thomas Bach ait pu se libérer ce jour-là. Mon ami Jean-Christophe Rolland, membre du CIO et président de World Rowing, nous a offert une réception très émouvante après la cérémonie des médailles du deux de couple masculin, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.

Six athlètes ont représenté la Principauté. Quel bilan tirez-vous de leur participation ?

Leurs résultats ont été contrastés. Ils ont toutes et tous fait de leur mieux. J’ai été déçu pour Xiaoxin (Yang). Notre pongiste a perdu contre une joueuse tchèque qu’elle avait déjà battue. Je pense qu’une qualification en quarts de finale était largement à sa portée. Pour Lisa (Pou), les conditions du courant étaient bien plus difficiles que ce que l’on pouvait percevoir à la télévision. Cela a perturbé beaucoup de nageuses, qui ont dû longer les bords de la Seine. De plus, Lisa était fatiguée par des pépins physiques. Mais ni elle, ni Théo Druenne, il faut le souligner, n’ont évoqué ces difficultés. J’ai appris bien plus tard que Théo avait souffert d’une gastro-entérite peu de temps avant sa série du 800 mètres. En athlétisme, Marie-Charlotte Gastaud s’est montrée très sérieuse. Elle a battu son record du 100 m, qui n’est pourtant pas son épreuve de prédilection, donc on ne peut rien lui reprocher. Marvin Gadeau a eu la malchance de rencontrer un ancien champion du monde. Il s’est bien battu, mais le défi était trop grand. Enfin, Quentin Antognelli a réalisé une performance honorable, bien que nous espérions une finale C comme à Tokyo. Il a bien terminé sa compétition en remportant la finale D de très belle manière.

De purs produits du sport monégasque comme Antoine Zeghdar et Cassandre Beaugrand ont remporté l’or olympique pour la France, quand d’autres comme Téo Andant n’ont pas démérité. Peut-on accorder une petite part de ces médailles à la formation monégasque ?

Nous pouvons évidemment attribuer un certain mérite à notre pays. Contrairement à Antoine, je n’ai pas eu l’occasion de m’entretenir directement avec Cassandre, mais je lui ai adressé un message de félicitations. Je suis très heureux de leur réussite. C’est une grande fierté pour Monaco, qui a participé à la progression de ces athlètes, comme à celle de Téo aussi. Cela témoigne de l’excellence de la formation monégasque. Nous pouvons nous en féliciter, mais il ne faut pas se reposer sur nos lauriers. Nous devons continuer à former des athlètes de haut niveau.

Justement, l’AS Monaco Omnisports fête son centenaire en 1924. Que représente sa pérennité à vos yeux ?

L’ASM est un club très important pour la Principauté, mon club de cœur, avec lequel j’ai pratiqué plusieurs sports. J’ai contribué à l’introduction de certaines sections comme le bobsleigh ou le pentathlon moderne. D’innombrables souvenirs me reviennent à l’esprit : mes débuts à l’école de football en 1965 alors que j’avais sept ans, mes premiers pas dans la catégorie « poussins », mes deux saisons de natation… J’ai également pratiqué le handball, principalement avec l’équipe du lycée même si je m’entraînais parfois avec celle de l’ASM. J’espère que nous clorons cette année de commémoration de la meilleure des manières avec ce match de gala de l’AS Monaco Football. La fête de l’omnisports, qui s’est tenue au début de l’été, n’a laissé que de beaux souvenirs. Il faut encourager les jeunes licenciés de l’ASM, ainsi que ceux qui les rejoindront, à perpétuer la belle tradition de cette association sportive, afin que le sport continue de prospérer à Monaco.

Propos recueillis par Jean-Marc Moreno et Jérémie Bernigole

Publié le 28 Nov. 08:46