Détecté et approché en juin 2017 pour intégrer l’Academy, l’Ariégeois Christian Mawissa a fini par rejoindre le Rocher en provenance du Toulouse FC, cet été.
Si les footballeurs ariégeois ayant atteint le monde professionnel se comptent sur les doigts d’une main, Christian Mawissa n’est pourtant pas le premier représentant du 09 à revêtir le maillot de l’AS Monaco. Avant lui, Fabien Barthez a brillamment défendu les cages du club de la Principauté. Formé au Toulouse Football Club (TFC), tout comme le « Divin chauve », le Français d’origine congolaise est un défenseur prometteur de 19 ans qui aspire à suivre les traces de son compatriote. Après avoir écumé les clubs amateurs de son département et fait ses débuts en pro avec le TFC en 2022, le champion d’Europe U17 franchit un nouveau cap. De son enfance à Saint-Quentin-de-la-Tour, village de 300 âmes, à la découverte de la Ligue des Champions « dans un grand club », Mawissa a déroulé le fil de son parcours, le 30 octobre.
Christian, comment se passe votre adaptation ?
Très bien. L’adaptation est plus facile dans des régions comme la Côte d’Azur et Monaco. (Sourire.) Sur le plan sportif, l’accueil que j’ai reçu a dépassé mes attentes. Je connaissais déjà quelques joueurs croisés en sélection comme Eliesse (Ben Seghir), Mayssam (Benama), Saïmon (Bouabré)… A l’ASM, les joueurs sont humbles, ce qui facilite l’acclimatation des nouvelles recrues. Après trois mois ici, je peux donc dire que je suis parfaitement intégré. J’ai eu le temps de découvrir mon nouvel environnement, notamment le Centre de performance qui est un outil exceptionnel pour s’entraîner.
La décision de faire le grand saut de Toulouse à Monaco a-t-elle été facile à prendre ?
Je suis constamment à la recherche de progression et de défis. J’ai estimé que mon apprentissage serait plus rapide en rejoignant l’ASM. Quand un club aussi prestigieux vient vous chercher, il est difficile de décliner. Thiago Scuro et Adi Hütter m’ont assuré que ma place était ici, que je progresserais. J’ai reçu d’autres offres, mais je souhaitais rester en Ligue 1. L’histoire et la dynamique sportive du club, ainsi que la qualité de vie, ont pesé dans ma décision. Vous ne débarquez pas non plus dans l’inconnu. A 11 ans, vous aviez participé à quatre jours de détection à l’ASM… J’étais encore un bébé ! (Rires.) A ce moment-là, pour moi, c’était soit Toulouse, soit Monaco. J’avais des étoiles dans les yeux en visitant la chambre de Kylian Mbappé. Mais comme je venais de l’Ariège, ma famille préférait que je reste à proximité.
Leur avis influence-t-il vos choix de carrière ?
Oui, on prend toutes les décisions ensemble. A l’époque, il était difficile pour ma famille de quitter l’Ariège pour me suivre à Monaco, et on avait alors opté pour Toulouse. Je me souviens des premiers trajets dans le camion de mon père, il m’emmenait partout pour le foot. Mes parents m’ont toujours soutenu. Quand l’intérêt de l’ASM s’est concrétisé l’été dernier, je leur en ai parlé. Ils m’ont dit que c’était une bonne idée. On a prié ensemble et on a estimé que c’était peut-être la volonté de Dieu de m’envoyer sur le Rocher.
Justement, comment passe-t-on d’un petit village ariégeois à une ville cosmopolite ?
Le décalage n’a pas été aussi brutal qu’on pourrait le penser, car j’ai passé quelques années à Toulouse. Pour intégrer le centre de formation du TFC, il fallait impérativement vivre à 30 kilomètres du club. Ma famille a donc déménagé à Auterive (Haute-Garonne) lorsque j’avais 13 ans. Mais j’ai beaucoup aimé vivre en Ariège. On ne manquait de rien, on était heureux avec mes frères et sœurs. On prenait nos vélos pour se promener dans le village. C’était la campagne. (Rires.)
Vous n’avez pas été tenté par le rugby ?
Si, mais ce n’était pas vraiment mon truc. (Rires.) J’ai essayé après que le maître de l’école primaire a remarqué ma rapidité. A 12 ans, j’alternais entre foot et rugby. Quand il a fallu choisir, j’ai opté pour le foot. Le rugby était un sport trop brutal pour moi.
Quelles pensées vous ont traversé l’esprit lors de la signature de votre premier contrat professionnel à 17 ans ?
J’ai réalisé que la situation devenait de plus en plus sérieuse, concrète, mais que le plus dur m’attendait. Je souhaite rendre ma famille fière, la mettre à l’abri, lui offrir une nouvelle vie. Ma « réussite » ne peut pas être uniquement personnelle, elle est collective.
Comment s’imposer chez les professionnels à un si jeune âge ?
Je n’ai jamais cherché à brûler les étapes. Tout s’est déroulé naturellement dans mon début de carrière, sans que je ne m’en rende compte. Je vivais à Saint-Quentin-de-la-Tour et, du jour au lendemain, je me suis retrouvé sur la pelouse du stade Vélodrome pour mon baptême du feu en professionnel contre l’Olympique de Marseille (défaite 6-1). J’ai démarré latéral droit, ce qui n’était pas un cadeau, mais une telle opportunité ne se refuse pas. On pourrait penser que tout m’a souri, mais j’ai également connu des moments difficiles.
Faites-vous référence à votre retour en réserve après la débâcle marseillaise ?
Oui, par exemple. Je m’entraînais avec le groupe pro, j’étais parfois convoqué pour les matches, mais je restais sur le banc sans jamais jouer… C’était dur. (Silence.)
Comment avez-vous surmonté la frustration de ce déclassement ?
Je me suis réfugié dans la foi. La Bible dit : « Car je connais les projets que j’ai formés sur vous, dit l’Eternel, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l’espérance. » (Jérémie 29:11) J’y ai cru, et mon heure a fini par arriver.
Quelle place occupe la religion chez vous ?
La religion est très importante. Dans ma famille, on est tous croyant. J’ai découvert la foi grâce à ma mère, qui m’emmenait à la messe. Je continue à aller à l’église chaque mardi. J’aime Dieu. Quand quelque chose m’arrive, que ce soit bon ou mauvais, je me dis que ce n’est pas le fruit du hasard, mais un message divin. Je remercie Dieu à chaque fois.
Il vous a sacrément gâté pour vos débuts à l’ASM : première apparition, premier but contre le FC Barcelone !
C’est allé tellement vite. La veille, je signais mon contrat, et le lendemain, je marquais six minutes après mon entrée en jeu (victoire 3-0 dans le Trophée Gamper, le 13 août) ! Contrôle, crochet du gauche, frappe enroulée, filet opposé. (Il sourit) J’ai gardé certains réflexes d’attaquant…
Vous n’avez pas toujours été défenseur ?
Non, je le suis devenu en U12. A l’époque, j’étais grand, costaud et rapide, donc on me plaçait devant. En grandissant, j’ai reculé de deux crans et développé ma polyvalence. Vous avez aussi les deux pieds… Ç’a toujours été le cas, sans que je ne le travaille. Plus jeune, je ne savais même pas quel était mon pied fort. Les entraîneurs pensaient que je me moquais d’eux, mais en me voyant sur le terrain, ils comprenaient que je n’étais pas un menteur. (Rires.)
Si on vous demande de tirer un penalty, vous le tirez de quel pied ?
(Sans hésiter.) Du droit ! (Il réfléchit.) En fait, je ne sais pas. J’ai eu une période où je les tirais du gauche, et je les ratais tous à l’entraînement. J’ai essayé du droit et j’en ai marqué quelques-uns avant d’en rater. Le dernier penalty que j’ai tiré, c’était du pied gauche.
Imaginons que vous ayez le tir au but de la victoire en finale de Coupe de France contre Toulouse. Pied droit ou pied gauche ?
Alors là… (Il réfléchit.) Je crois que je mettrais un boulet de canon plein centre… du droit. (Il sourit.)
Vous êtes perçu comme un joueur d’avenir à Monaco. Acceptez-vous plus aisément de rester sur le banc ?
Je suis conscient de l’environnement dans lequel je me trouve. La saison dernière, je boudais quand je ne jouais pas. Aujourd’hui, je fais partie d’un grand club, avec une grande histoire et des joueurs très expérimentés, donc j’accepte plus facilement d’être dans la rotation. Je prends ce que me donne l’entraîneur. Je reste calme, car j’aurai tôt ou tard l’occasion de m’exprimer. Je suis le plus jeune des défenseurs centraux, Thilo (Kehrer) et Mohammed (Salisu) me donnent toujours des petits conseils. Ils portent un regard bienveillant sur moi, ils veulent me voir réussir. De manière générale, on a un super groupe qui peut viser le podium en Ligue 1 et aller le plus loin possible en Europe.
Quand vous étiez au FC Mirepoix, imaginiez-vous découvrir la Ligue des Champions contre le Barça ?
Non, ça me semblait impossible, petit, quand j’écoutais l’hymne… Mais je dois reconnaître qu’un entraîneur a toujours cru en moi, Christophe Avalo. Je n’oublierai jamais cet homme. Il m’emmenait partout. C’est grâce à lui et à Nicolas Hérraïz que j’ai intégré le TFC. Parfois, mes parents ne voulaient pas que j’aille à l’entraînement. Christophe me récupérait discrètement et me conduisait au club. Pour les détections au TFC, mes parents m’avaient dit non car cela me faisait manquer l’école. Christophe avait pris le risque car il avait décelé quelque chose chez moi. Il a sa part dans ma réussite.
Quel message aimeriez-vous transmettre aux enfants des communes rurales qui rêvent de votre trajectoire ?
Je viens de Saint-Quentin-de-la-Tour, au fin fond de l’Ariège, et cela ne m’a pas empêché de devenir footballeur professionnel. Les recruteurs sont partout et se déplacent régulièrement. Il faut jouer chaque match comme si c’était le dernier et ne jamais abandonner.
Propos recueillis par Jérémie Bernigole