L’Association Sportive de Monaco (ASM) fête cette année son centenaire. Un siècle d’histoire qui l’a vue se développer pour devenir une solide entité de plus de 4 600 membres et 24 sections.
Son nom est connu aux quatre coins du monde. Mais l’Association Sportive de Monaco, ce n’est pas qu’une équipe professionnelle de football (voir notre dossier sur le centenaire de l’ASM FC), et aujourd’hui de basket. C’est avant tout, et surtout, une entité bien plus large, qui fait rayonner les couleurs de la Principauté à l’international grâce à ses 24 sections et plus de 4 600 adhérents. Le résultat d’une histoire commencée en 1924. Le sport est alors déjà bien ancré en Principauté, après avoir connu ses premiers développements au début du siècle sous le règne du Prince Albert Ier (1889-1922). En parallèle de la pratique des riches sportsmen, quelques clubs avaient ainsi vu le jour : l’Étoile de Monaco, Herculis, le Ravanett-Club, le Monte-Carlo Swimming Club ou encore le Riviera Athlétic Club et l’ASPTT du voisin beausoleillois… C’est de l’union de ces dernières entités qu’est née ainsi l’association monégasque, sous l’impulsion de Louis Passeron, le président de Monaco Sports créé un an plus tôt de la fusion entre Herculis et l’Etoile. Comme l’a rappelé le Prince Albert II dans la revue de l’ASM de 1999, c’est ce dernier qui « persuade les principales sociétés sportives de Monaco de s’associer pour fonder un grand club omnisports sous le nom d’Association Sportive de Monaco, en leur faisant valoir que l’association de tous les efforts donnerait une impulsion majeure au sport monégasque ». A cela s’ajoute aussi « un souci d’utilisation des espaces sportifs, et déjà une pénurie de dirigeants », ajoute Roland Biancheri, le nouveau président de l’ASM, qui a succédé cet été à la figure historique du club, Louis Biancheri. Le début d’une grande aventure.
Système D
Athlétisme, football, cyclisme, gymnastique, natation : cinq sections indépendantes voient ainsi le jour. Toutes affiliées aux fédérations françaises de leur discipline respective. En 1928, elles sont rejointes par le basketball avant que, l’année suivante, la section gymnastique ne reprenne son indépendance et son nom initial – L’Etoile de Monaco – lassée de la prédominance du football, devenu le sport phare du club. Dès sa création, cette nouvelle entité fait briller les couleurs rouge et blanche. Des événements sont créés, tandis que les sociétaires sont nombreux à participer aux compétitions extérieures, comme en témoigne Claude-Aline Encenas dans « Honneur et Persévérance, le développement sportif en Principauté de Monaco », publié dans les Annales Monégasques de 2004 : « La jeune association organisa de nombreuses épreuves que le Journal de Monaco, dans sa rubrique »Echo et Nouvelles », relatait ainsi »La section gymnique (…) a pris part au Concours de Gymnastique qui a eu lieu en Avignon. Les vaillants gymnastes monégasques ont remporté un succès qui peut être considéré comme particulièrement brillant. »

Pourtant une ombre plane encore sur l’ASM qui ne dispose pas d’infrastructures capables d’accueillir ses activités. Le stade, réclamé par les sportifs dès la fin des années 1910, n’a toujours pas vu le jour. Le terre-plein de Fontvieille, utilisé jusque-là, est par deux fois amputé, avant d’être finalement délaissé en 1928. En attendant un nouveau terrain, les Asémistes s’entraînent chez les clubs voisins alors qu’un stade est construit en urgence aux Moneghetti. Mais les dimensions de cette nouvelle structure ne permettent pas son homologation pour la compétition, freinant ainsi le développement de l’équipe de football. La tentative de professionnalisation lors de la saison 1933-1934 se solde par un échec, en raison de ces problèmes d’installation mais aussi financiers. Il faudra attendre la création du premier stade Louis-II en 1939, et de son terrain de foot réglementaire, pour retrouver cette ambition. « Dans la presse nationale, les journalistes se disent qu’avec le Louis-II, l’équipe de Monaco va devenir professionnelle », raconte l’historien du sport Bernard Maccario. « Quand le stade est inauguré, le journal L’Auto, le prédécesseur de L’Équipe, le présente comme l’un des trois plus beaux stades du monde. »
Un saut dans la modernité
En effet, avec le Stade Louis-II de 1939, la Principauté se dote d’une infrastructure des plus modernes avec notamment terrain de football et de basket, piste d’athlétisme, salle d’escrime… Avec le bassin nautique créé sur le port quelques années auparavant par la municipalité, théâtre des triomphes des nageurs et poloïstes de l’époque, les Asémistes – et les Monégasques en général – se voient enfin offrir des infrastructures confortables. Et le début de la Seconde Guerre Mondiale – concomitante à l’inauguration du Louis-II – ne fait que mettre en pause cette vocation sportive. Au sortir du conflit, le football vit une scission entre les amateurs et l’équipe professionnelle, qui voit sa gestion confiée à une entité privée avec de connaître une ascension fulgurante, encouragée notamment par le Prince Rainier III. En 1949, la boxe rejoint l’ASM, puis en 1952, c’est au tour du volley-ball. Sous le règne du Prince Rainier III (1949-2005), dix autres sections (haltérophilie, rugby, yoga, tennis de table, handball…) rejoignent ainsi la grande famille asémiste. En cette année 2024, le chiffre symbolique de 24 est en passe d’être atteint, avec l’arrivée prochaine du padel. « En cinquante ans de règne, le sport a évolué. Pour moi, le prince Rainier III a accompagné cela. À partir des années 60, il y a une forme de démocratisation du sport avec le baby-boom, qui est présent aussi dans le système éducatif. On a une demande sociale qui est prise en compte par le pouvoir monégasque et qui profite à l’AS Monaco Omnisports », avance Bernard Maccario, qui voit aussi dans le développement de l’ASM « cette capacité du club à suivre de très près l’évolution de la »demande », à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif.

La date d’apparition de certaines sections est en cohérence avec le poids que prend une discipline dans la galaxie des sports. Par exemple, le karaté do/taekwondo devient une section en 1972, décennie durant laquelle on a senti une certaine poussée des arts martiaux. » L’inauguration du nouveau stade Louis-II en 1985 a aussi ouvert une nouvelle page dans l’histoire du club, en offrant à tous – ou presque – un lieu d’entraînement, mais aussi un siège social pour le club comme pour toutes ses entités. Une première pour l’institution qui a notamment eu pour siège la « Brasserie Universelle » de l’avenue de la Gare, jusqu’en 1938. « L’arrivée dans ces locaux fut une bouffée d’oxygène », confirment Roland Biancheri et son vice-président Alain Bermond.
Une histoire de famille(s)
Liée intrinsèquement à l’histoire du développement du sport en Principauté et de ses souverains, l’AS Monaco se veut une grande famille, dans la lignée de ses statuts de 1924 dont l’ambition était la « propagation et la diffusion des sports en général, propres à développer les forces physiques de ses membres et de créer entre eux des sentiments d’union et de bonne camaraderie ». Animée par la transmission de cette passion du sport et du club, le fleuron de la Principauté se distingue par les générations de sportifs et de Monégasques qui s’y sont entraînés, ces dynasties familiales qui ont marqué son histoire, ces sportifs qu’elle a formés et qui se sont distingués sur la scène internationale ou encore ces événements auxquels elle a contribués. Il y a aussi cette extraordinaire « longévité des dirigeants, des gens comme le basketteur Yvan Quenin ou Emile Battaglia, qui commencent en étant joueurs ou athlètes, et qui prennent ensuite des responsabilités. On ne voit pas ça dans tous les clubs », souligne Bernard Maccario. Au rang des personnalités marquantes du club, on compte bien sûr Louis Biancheri qui en fut le président pendant 45 ans, et qui « a quand même réussi à maintenir et à fédérer toutes ces entités, en allant plus d’une fois batailler auprès des instances », tient à rappeler son successeur Roland Biancheri (voir son interview pages 44-45), ou encore Yvette Lambin-Berti, présidente de l’ASM Natation et secrétaire général du Comité olympique monégasque. Avec un siècle d’histoire, tant de noms pourraient figurer au panthéon de l’ASM aux côtés d’Antoine Romagnan, un des membres fondateurs du club qui fut également son président et inspecteur général des sports, de Pierre Vigarello, professeur de sport et entraîneur d’athlétisme de 1931 à 1974, ou encore de son élève Emile Battaglia (athlète puis président de l’ASM athlétisme de 1965 à 1974), Armand Bessonne pour le football, Guy Mierczuk… Pour ne citer qu’eux.
Aurore Teodoro