Architecte de la modernisation de la Principauté, le Prince Rainier III a laissé une trace indélébile dans l’histoire de son pays et des Monégasques. Et ce, dans tous les domaines, sport y compris. Des infrastructures sportives – comme le Louis-II ou encore le Stade nautique qui porte son nom – aux grands événements sportifs, en passant par les programmes scolaires et d’encouragement à la pratique de haut niveau, le Prince Bâtisseur a fait du Rocher une place forte du sport au niveau local comme international.
Ils ne passent pas inaperçus aux balcons et sur les lampadaires de la Principauté. Aux côtés du drapeau national flotte un étendard blanc et gris, rehaussé de rouge, orné d’un profil bien connu du monde entier et en particulier des Monégasques. Dix-huit ans après son décès, le Prince Rainier III est à l’honneur cette année à l’occasion du centième anniversaire de sa naissance.
Cérémonies, films et autres expositions… Depuis le mois de mai, les hommages au Souverain se sont multipliés, le tout sous la houlette du Comité Rainier III piloté par la Princesse Stéphanie et le regretté Albert Croesi. Tour à tour, toutes les institutions monégasques ont apporté leur témoignage, et exposé leurs souvenirs de ce chef d’État tant aimé de son peuple.
Il faut dire qu’en 56 ans de règne, aucun domaine n’a échappé à sa vision. Du quartier de Fontvieille au tunnel ferroviaire, en passant par la constitution, le Prince Bâtisseur, comme on le surnomme, a modelé la Principauté. En faisant un État moderne, connu et reconnu à travers le monde. En matière de sport aussi, le Prince Rainier III a laissé un riche héritage.
Une vision d’ensemble, un véritable fil conducteur que continue de tisser aujourd’hui son fils, le Prince Albert II. Une transmission dans la lignée de celle de ses aïeuls, et notamment de son arrière-grand-père, ce précurseur qui a notamment vu dans le sport un outil de rayonnement international. « Je crois que Rainier III se situe vraiment dans le prolongement du message d’Albert Ier. Il est dans cette continuité qu’il a ensuite mise au goût du jour, c’est-à-dire qu’il a conjugué cette vision humaniste du sport avec la modernité qui se traduit notamment par toutes les infrastructures qu’il a lancées, les événements qu’il a initiés, tout en ayant en même temps aussi le souci d’éducation physique chez les jeunes », avance Bernard Maccario, historien du sport, qui a participé au film rendant hommage à l’action du Prince Rainier III présenté en juin dernier par le Comité Olympique Monégasque (COM).
Monaco, place forte du sport mondial
Quand le Prince Rainier III arrive aux affaires en 1949, la Principauté possède déjà une solide réputation sur la place mondiale. Devenue un haut lieu d’hivernage sous le règne d’Albert Ier, elle offre à ses visiteurs de nombreux divertissements, y compris sportifs. Course de canots et rallye automobile font également de la Principauté un laboratoire de l’innovation incontournable tandis qu’elle acquiert une certaine aura en devenant, dès 1908, la 25e nation membre du Comité International Olympique (CIO).
Désireux de redonner un élan supplémentaire à la Principauté, dans un contexte d’après-guerre où le développement du tourisme de masse fait naître une certaine concurrence, le Prince Rainier a bien compris que le sport est l’un des éléments de soft power qui permettra de faire rayonner son pays à l’échelle mondiale. Aux incontournables Grand Prix de Formule 1, Rallye de Monte-Carlo et Monte-Carlo Masters, s’ajoutent ainsi au fil de son règne de nombreux événements d’envergure internationale, comme le meeting d’athlétisme Herculis (1987) et celui de natation (1983), permis par la création du nouveau stade Louis-II en 1985, ou encore le Jumping de Monte-Carlo et sa célèbre piste installée sur le Port Hercule.
Des manifestations rencontrant immédiatement un vif succès qui ne s’est jamais démenti depuis. « Il y a la marque Monaco mais il n’y a pas que ça. Les athlètes savent qu’ils vont trouver les conditions à la fois d’hébergement et de performance », appuie Bernard Maccario. Il crée également, en 1953, le Yacht Club, dont la vocation est d’être un véritable outil de rayonnement international. C’est sous son haut patronage également que Sportel voit le jour en 1990, un événement dont la cérémonie d’ouverture est co-présidée par son fils et Juan Antonio Samaranch, à la tête du Comité International Olympique.
Mais au-delà des événements qu’elle organise, la Principauté attire. Le Tournoi Européen junior de football – laboratoire des nouvelles règles de la discipline – est organisé en collaboration avec la Fédération internationale du football (FIFA) et avec l’Union européenne (UEFA) pendant plus de dix ans tandis que ce climat favorable est propice à l’installation d’entités d’envergure. Pêle-mêle, on retrouve ainsi l’Association internationale contre la violence dans le sport, l’Association générale des fédérations internationales de sport, ou encore l’IAAF (athlétisme), les unions internationales de motonautisme et de pentathlon moderne, l’Association des tennismen professionnels (ATP)…
La grande famille des anneaux
Terre d’accueil des institutions internationales, la Principauté et le Prince Rainier cultivent également des liens étroits avec le CIO. « On peut même dire que Monaco fait partie de la famille olympique », souligne Bernard Maccario. Dix ans après le décès du Comte Albert Gautier Vignal, premier président du COM (1908-1939), le Prince Héréditaire Rainier est nommé à son tour membre du CIO en 1949. Le début d’une histoire longue et courte à la fois.
Car si le décès de Louis II trois jours plus tard l’amène à démissionner en 1950 et à proposer son père pour le remplacer (le Prince Pierre restera membre du CIO de 1950 jusqu’à son décès en 1964), le Souverain n’a jamais cessé de défendre et promouvoir les valeurs olympiques. Et tels les anneaux, les chemins de deux entités se rejoignent régulièrement. En parallèle des Jeux, auxquels participent 97 athlètes monégasques entre 1950 et 2005 – 29 pour ceux d’hiver, 68 pour les Olympiades -, le Comité Olympique Monégasque est reconnu par le CIO en 1953.
Quelques décennies plus tard, en 1993, la Principauté accueille la 101e session du CIO. Le Prince, président de la cérémonie d’ouverture, se verra d’ailleurs remettre pour son organisation la Coupe olympique Pierre de Coubertin des mains du président de l’institution internationale. Une deuxième récompense de prestige après l’Ordre olympique d’or qui lui fut décerné en 1988.
Juan Antonio Samaranch n’en était d’ailleurs pas à sa première visite sur le Rocher. On le retrouvait déjà aux côtés du Souverain en janvier 1985 lors de l’inauguration du nouveau Stade Louis-II. « Il y a manifestement un lien entre les deux. Le Prince Rainier est un grand collectionneur de timbres, il se trouve que Juan Antonio Samaranch l’est aussi. Monaco participe à la dimension culturelle de l’olympisme parce que ce sont des œuvres d’art en miniatures. Rainier considérait le timbre comme l’un des premiers ambassadeurs de la Principauté », précise Bernard Maccario en s’appuyant sur le livre Les Timbres Olympiques de Monaco de Maurice Boule, Jean Fissore, Georges Majeski et Robert Prat.
D’ailleurs lors de la session de 1993, les deux philatélistes ne sont pas arrivés les mains vides. « Samaranch est venu avec une partie de la collection du Musée Olympique, tandis que le Prince Rainier a présenté le matériel olympique de sa propre collection, qui n’avait jamais été dévoilée au public auparavant », narre l’historien du sport. « En 1999, le président Samaranch s’est d’ailleurs vu remettre le Grand Prix International de la Philatélie à Monaco. Il fait également partie des membres du Comité d’honneur des Expositions Internationales en Principauté ainsi que du club de Monte-Carlo. »
Supporter n°1 de l’AS Monaco
S’il fait du rayonnement international l’un de ses chevaux de bataille, le Souverain n’en a pas oublié pour autant son pays. Né en 1923, il est le témoin de l’évolution de la pratique sportive chez les Monégasques, qui n’a de cesse de se développer depuis le règne d’Albert Ier. L’exposition « Rainier III, le Prince Bâtisseur – Une ambition pour Monaco » qui lui est consacrée au Quai Antoine-Ier dévoile également le jeune Rainier sur des skis nautiques, en compagnie de sa sœur Antoinette. Tout un symbole à l’heure où la Principauté devient le fleuron de la saison estivale.
Lui-même pratique de nombreux sports depuis son enfance : tennis, golf, plongée ou encore du ski. Il existe même une salle de squash au Palais princier. Aux côtés de son grand-père, le Prince Louis II, Rainier sera le témoin d’une page majeure de l’histoire sportive du pays avec la construction et l’inauguration du premier stade de la Principauté.
Nous sommes en 1939, dix ans tout juste avant le début de son long règne. Dans ce lieu, au pied de son palais, le Prince célébrera notamment quatre des sept titres de champions de France de l’AS Monaco dont il sera témoin. Grand amateur de football, il se définit d’ailleurs comme le supporter n°1 des Rouge et Blanc lors d’une interview accordée au journaliste d’Antenne 2 Daniel Cazal en 1978, quelques jours après le troisième titre de champion de France.
L’occasion pour lui de rappeler son rôle déterminant dans la création de cette équipe professionnelle, pour laquelle il a dû convaincre le Conseil national. « Ils ont compris que c’était une nécessité sociale d’avoir une équipe professionnelle qui joue et participe au championnat de première division française et qui peut participer à la Coupe de France parce que je pense que c’est une activité qu’il faut offrir à la population. Il n’y a pas tellement de manifestations que la population peut suivre. On en fait beaucoup de très grande classe pour attirer la clientèle et alimenter l’industrie touristique de la principauté. Quant à la population stable, je pense qu’on faisait assez peu de choses, et je crois que finalement c’est peut-être cet argument qui l’a emporté et qui a décidé le Conseil national à voter les crédits régulièrement qui permettent d’entretenir une équipe professionnelle de football et de procéder à son renforcement annuel », rappelle celui que l’on retrouvait souvent en tribunes, l’écharpe rouge et blanche au cou.
Mais il n’y avait pas que le foot qui avait ses faveurs. « On peut dire qu’à la fois le contexte, les installations et l’ouverture d’esprit du Prince permettent à tous les sports d’exister et de performer », confirme Bernard Maccario qui souligne l’importance du patronage accordé par Rainier III à certaines épreuves comme le Challenge de foot corporatif ou encore la Coupe de la Première Compagnie de tir à l’arc. « Il est intéressant aussi de voir qu’il a donné son nom à des épreuves de masse comme à des sports un peu médiatisés, et donc il y a vraiment cette idée qu’à Monaco, il y a tous types de sports. »
Quand la Principauté s’équipe
Conscient de l’importance de l’activité physique, le Prince Rainier a également œuvré pour en offrir l’accès au plus grand nombre, grâce à des infrastructures adaptées à tous. Avec en fer de lance, le nouveau Louis-II, érigé sur le quartier de Fontvieille gagné sur la mer. Un stade né dans l’esprit du Prince seulement 40 ans après son prédécesseur, « ce qui est court comme délai. Il a été capable de saisir que les installations ne permettaient plus de répondre aux enjeux du sport tel qu’il était devenu », souligne Bernard Maccario.
« Il avait cette double idée : l’événementiel mais aussi la population. Et dans ce territoire réduit, il fait un ensemble qui permet de répondre à tous les besoins. C’est assez formidable. On peut également mentionner l’école Saint-Charles, qui possède un gymnase et une piscine. Le Prince a eu cette vision et cette volonté (…). Et le Louis-II lui permet de réaliser ses ambitions avec de grands événements. Je ne sais pas quel était le cheminement de sa réflexion mais on voit bien qu’il faut un complexe omnisports pour que la population puisse utiliser cet équipement et qu’il soit mis à disposition des clubs après les horaires scolaires, etc. »
Si le premier Louis-II était l’antre d’une salle d’escrime et d’haltérophilie, son contemporain, facilement identifiable à ses grandes arches, offre un équipement complet avec un terrain et une piste d’athlétisme à ciel ouvert, une piscine olympique, un gymnase omnisports et de nombreuses salles. D’autres infrastructures, comme notamment les salles de gymnastique Princesse Stéphanie, le stand de tir Rainier III à Fontvieille ou encore le stade nautique, créé au port Hercule en 1961 pour remplacer l’ancienne zone de baignade délimitée par une barrière flottante, viendront compléter cette offre.
De véritables écrins pour les sportifs amateurs, mais aussi les générations de scolaires qui ont vu, dès l’école primaire, la place du sport renforcée dans les programmes scolaires et son enseignement réalisé sous la direction de professeurs spécialisés et diplômés. Cette politique ambitieuse a également bénéficié aux sportifs de haut niveau. Outre les installations, le règne du Prince Rainier a été le témoin de la création de classes à horaires aménagés, de bourses sportives et l’instauration d’un statut de sportif de haut niveau… de quoi offrir – alors et maintenant – toutes les armes à ceux qui ambitionnent de représenter les couleurs rouges et blanches à l’international, comme notamment aux Jeux des Petits États d’Europe dont Monaco accueillera la deuxième édition en 1987 (il y en aura une également en 2007, avant la prochaine en 2027).
Car comme il l’a si bien dit, « mon action ne s’achèvera pas avec moi. Ce que l’on réalise, on le fait en pensant à son successeur ». Une vision à long terme qui animera sans doute le Prince Albert II dans son passage de témoin avec le Prince Héréditaire Jacques et la Princesse Gabriella.