Le Buhurt Prime annulé à Monaco en 2022, les Grimaldi Milites devaient disputer pour la première fois de leur histoire la Ligue des champions de combat médiéval à Belgrade le 26 février. Devaient, car la guerre en Ukraine a éclaté l’avant-veille et la compétition, si elle a été maintenue, s’est disputée dans un format atypique.
On aurait dû conter l’aventure des Grimaldi Milites dans la plus grande compétition de leur sport, le Buhurt Prime. La Ligue des Champions du combat médiéval devait initialement se tenir sous le Chapiteau de Fontvieille, comme en 2019 et en 2020. Mais le Gouvernement princier a décidé qu’il était plus prudent de reporter les retrouvailles sur le sol monégasque, trois semaines après avoir déjà annulé le Festival international du cirque de Monte-Carlo. Les craintes d’un brassement de foules, entre 90 combattants venus du monde entier et la population locale, étaient trop fortes.
L’Association internationale de béhourd (HMBIA), dirigée par une forte majorité de Russes, s’est mise en quête d’un nouveau lieu d’accueil et a jeté son dévolu sur Belgrade, où les règles sanitaires avaient évolué. La compétition devait réunir les dix meilleures équipes mondiales le 26 février. En temps normal, on aurait dû évoquer la progression des représentants de la Principauté, leur lutte féroce en match d’ouverture face au Partizan, primé dix fois. Mais le temps normal n’existait déjà plus le jour de la compétition.
L’avant-veille du rassemblement, la Russie avait déclenché une invasion armée de l’Ukraine. En Serbie comme dans le monde, les questions succédèrent à l’incompréhension. Le contexte géo-politique prit le pas sur le sport. Cinq formations refusèrent de participer au Buhurt Prime. Plus tard, une assemblée générale exceptionnelle décidera de ne pas bannir les équipes russes et biélorusses, mais de geler l’organisation d’autres évènements en attendant un éventuel cessez-le-feu.
« Nous étions à Belgrade et avons retrouvé deux équipes russes, Bear Paw et Partizan, une polonaise KSR et l’équipe officielle des Etats-Unis, Cerberus Emissus, composée d’anciens militaires et combattants de MMA. Le tournoi a été maintenu et s’est déroulé de manière atypique », témoigne Philippe Rebaudengo, secrétaire général des Grimaldi Milites.
Trois entraînements hebdomadaires
Une opposition amicale à huis clos s’enclenche entre les cinq formations restantes. « Les Serbes ont tout mis en œuvre pour nous accueillir dans les meilleures conditions. L’ambiance était chaleureuse, tout le monde était marqué par les récents évènements, poursuit Philippe Rebaudengo. On était désolé pour les autres équipes qui ont annulé leur venue, mais il fallait dépasser la politique et se réfugier dans la fraternité du sport. »
Vaincus par les Russes, les Monégasques ont relevé la tête pour battre les Américains et les Polonais. Grâce à la méthode d’entraînement de leur manager Nikita Vostorgin, ils ont terminé deuxièmes ex-aequo avec le Partizan. « Nous faisons trois séances hebdomadaires depuis trois mois : du full contact en armure (au bas mot une vingtaine de kilos) avec des armes en bois, de la lutte en armure puis on tourne avec des armes en mousse, éclaire le secrétaire général. L’équipe s’est très bien comportée pour une première dans la cour des grands (elle avait combattu en exhibition lors de la précédente édition). Nous n’avons jamais été ridicules face aux meilleurs. L’entraînement de Nikita a payé. »
Changement de réglementation
Une semaine avant le départ pour la capitale serbe, Code Sport Monaco avait observé l’ultime séance dans la lice du troisième étage du Triton, un immeuble sis avenue du Gabian. La guerre en Ukraine n’avait pas encore éclaté. Les membres de l’équipe s’enthousiasmaient à l’idée de défendre les armoiries de la Principauté. « On respecte tout le monde, mais nous n’avons peur de personne. Sortir de la phase de groupes serait un très beau résultat », assurait Giancarlo Bizzio, agent immobilier quand il retire l’armure.
A l’entendre, les regards sur les Grimaldi Milites ont changé : « Lors de notre premier tournoi, les adversaires nous prenaient pour des petits bourgeois. Même si on a été bousculé, on a produit une sacrée performance pour une équipe débutante. Depuis, on a élevé notre niveau et on fait partie des trois, quatre meilleures formations d’Europe, hors Russie. »
Antoine Lutz acquiesce en hochant la tête : « Le Buhurt Prime sera une compétition compliquée. Les règles ont changé. Elles vont rebattre les cartes et offrir un spectacle plus impressionnant. » Celui qui se définit comme le logisticien de la bande fait référence à l’interdiction de s’accrocher aux structures en bois entourant la lice, entrée en vigueur récemment. « Il n’y aura plus d’huîtres accrochées au rocher, ironisait-t-il en ajustant son armure. Des équipes de pointe, qui s’entraînent pourtant quotidiennement, ont été surprises par ce changement. Il sera intéressant de voir les conséquences. »
Le Buhurt Prime de retour en 2023
Aux côtés des deux historiques des Grimaldi Milites, Luc Rebaudengo se préparait consciencieusement. Le jeune combattant devait faire ses débuts dans un tournoi international de renom à l’occasion du Buhurt Prime : « J’ai un peu la pression, mais je n’ai pas peur. Mon objectif est de ne pas tomber et d’aider mes collègues. C’est la première règle enseignée ici. » Se définissant comme un « geek qui restait à la maison pour jouer » avant de rejoindre l’équipe monégasque, Luc Rebaudengo reconnaissait un intérêt déjà prononcé pour l’univers médiéval et les armures. « Grâce aux jeux vidéo, précise-t-il. Le béhourd, ça m’a donné envie de faire du sport. Et ce côté frères d’armes est grisant. »
Comme lui, ils sont plusieurs à pousser les portes du Triton pour s’essayer au combat médiéval. Mais peu restent. « Pourtant, les demandes d’adhésion sont nombreuses, coupe poliment le secrétaire général des Grimaldi Milites. Mais les types font une ou deux séances avant d’abandonner. Et souvent pour des raisons financières, quand ils apprennent qu’il faut mettre la main au portefeuille. En 2022, on espère trouver des partenaires financiers, déjà pour conserver Nikita (Vostorgin, l’entraîneur), puis progressivement pour défrayer les gars sur les équipements et les déplacements. »
Pour le moment, la section, présidée par Pierre Casiraghi et intégrée à l’ASM en 2021, compte 16 membres très motivés. Neuf d’entre eux ont traîné épées et boucliers du côté de Metz, le 19 mars, pour la première manche du championnat de France. Amputée de trois éléments majeurs, l’équipe monégasque a accroché la troisième place en 5 vs 5 et la deuxième place en 12 vs 12.
Le 7 avril, elle devait disputer un tournoi européen en Suisse, alors que l’Association Internationale a annulé la Bataille des Nations, la Coupe du monde du béhourd, organisée début juillet en Roumanie, toujours en raison de la guerre en Ukraine.
En Principauté, on espère pouvoir accueillir le Buhurt Prime en 2023 pour accélérer la promotion de ce sport, peu épargné par les aléas. Mais la visibilité passe aussi par d’autres actions. « La HMBIA aimerait être présentée au Sportel comme une organisation capable de générer des programmes, de fournir des images à une chaîne qui veut faire de la programmation. Des discussions sont en cours », révèle Philippe Rebaudengo.