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Waterpolo - Les jeunes poloïstes de l'AS Monaco se font respecter en N2M.Waterpolo – Les jeunes poloïstes de l’AS Monaco se font respecter en N2M.

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Waterpolo – L’ascension irrésistible des jeunes de l’AS Monaco : « On vit un truc de fou »

Véritable institution monégasque, la section waterpolo de l’ASM Natation enchaîne les titres et les victoires depuis plus de trois ans. Le fruit d’un long travail et d’un projet lancé en 2015, qui promet encore de beaux jours au meilleur club « français » de la saison 2023-24.

Tout part d’une statistique, brute et éloquente. Avec trois titres de champion de France décrochés en U15, U17 et en National 2 (ainsi que deux sacres régionaux en U13 et en U15 Excellence), l’ASM Natation a été le meilleur club « français » de waterpolo toutes catégories confondues en 2023-2024. Au classement des succès, les Monégasques ont ainsi éclipsé des titans tels que le Cercle des Nageurs de Marseille et Aix-en-Provence. « Nous sommes passés d’un club à l’image sympathique et au rôle honorifique dans les divers championnats auxquels nous participons, à une entité très compétitive, qui gagne avec ses gamins et avec ses idées », pose d’emblée Sébastien Dervieux. Le responsable de la section waterpolo se garde de toute forfanterie. Il est simplement factuel. Et ce ne sont pas ses joueurs, bien partis pour réaliser une nouvelle moisson fantastique cette saison, qui le contrediront. L’équipe fanion dirigée par Julien Guilloteau, promue en N1M, est composée de joueurs nés essentiellement entre 2007 et 2009, Florian Payan, 34 ans, étant le seul ancien né avant 2007. Ces adolescents, « agréables à vivre et sérieux à l’école », s’entraînent le matin avant d’aller en cours, et le soir après leur journée au lycée. Un quotidien aussi dense qu’exigeant, qui ne les empêche pas de tenir la dragée haute aux équipes aguerries de l’antichambre de l’Élite. A mi-saison, les poloïstes de la Principauté pointent à la troisième place, avec le maintien quasiment en poche et un regard déjà tourné vers un podium qui semble à leur portée.

Frères d’eau

Une revue de presse suffit pour évaluer leur nouveau statut dans l’Hexagone. En novembre, le quotidien régional La Montagne saluait ce « promu pas comme les autres », « plus jeune, plus rapide et tout simplement plus fort », qui est venu surclasser Moulins (18-4). Un mois plutôt, une consœur de Sud Ouest écrivait déjà : « Malgré une moyenne d’âge extrêmement basse, les Monégasques font une belle entrée dans le championnat et sont partis pour être le caillou dans le bonnet des clubs qui font la course au podium. » CQFD. Dans les autres catégories, la situation est encore plus simple : les U14, U16 et U18 sont les leaders invaincus de leur championnat respectif ! Le tout, avec un effectif restreint qui oblige systématiquement les entraîneurs à surclasser les joueurs. Comment expliquer un tel phénomène ? Comment ces gamins du cru, plus jeunes que leurs adversaires, parviennent-ils à dominer des équipes plus expérimentées et mûres, dans un sport éprouvant physiquement et réclamant de la roublardise ? Pour comprendre l’avènement du waterpolo monégasque, il faut remonter dix ans en arrière. Sébastien Dervieux, tout juste nommé à la tête de la section, prend une décision qui va profondément changer le visage de l’ASM : « Avec d’autres dirigeants, nous avons rapidement tracé une feuille de route avec des objectifs à long terme, en nous basant sur la culture de notre club qui existe depuis 1924. Notre projet reposait principalement sur l’abaissement de l’âge minimal d’inscription à 7 ans, afin d’initier les enfants au goût de l’effort et au plaisir du waterpolo le plus tôt possible. Ce gain de trois voire quatre ans s’est avéré précieux dans notre développement. » Et diablement efficace. Très vite, des gamins se prennent au jeu. Un groupe se forme et évolue au fil des années, apprenant à perdre pour mieux gagner. Ces enfants, devenus « des frères », composent aujourd’hui l’effectif des U18 et de l’équipe première. « On leur a montré qu’ils étaient capables de rivaliser avec les meilleures équipes de France et d’Europe en les inscrivant à des compétitions internationales comme HaBaWaBa. Dès qu’ils ont compris que le travail serait l’ingrédient principal de leur réussite, ils se sont mis à travailler deux fois plus fort. » Les défaites par 20 points d’écart se sont progressivement transformées en revers encourageants, puis en victoires étriquées et, enfin, en succès maîtrisés.

La touche monégasque

En ce sens, l’arrivée de l’ancien international français Manuel Laversanne en octobre 2018 marque aussi un tournant dans la dynamique de la section. Sous sa houlette, les U15 passent de trois à cinq entraînements par semaine. « Les jeunes ont adhéré à ce rythme, certes difficile mais nécessaire pour aller au bout de nos idées, atteste l’entraîneur. Une osmose s’est naturellement créée entre eux. Depuis trois ans, on vit un truc de fou. » En 2022, l’équipe U15 de l’ASM fait une entrée fracassante dans le championnat national excellence. Elle s’offre une victoire historique à Marseille et devient contre toute attente championne de France. Un titre qu’elle défend avec succès en 2023, sous les yeux du Prince Albert II, et en 2024. Le waterpolo monégasque prend alors son envol : la formation senior, après avoir grimpé de la N3 à la N2 en 2023, réussit l’exploit d’une seconde montée consécutive en juin dernier. « Monaco a joué trois saisons en première division après la seconde guerre mondiale, mais c’était une autre époque. Voir le club à ce niveau d’exigence, qui plus est avec une aussi jeune génération qui se connaît depuis très longtemps, c’est inédit dans notre histoire », juge Sébastien Dervieux. La clé du succès de l’ASM réside principalement dans son jeu de contre-attaque, rapide, tranchant, presque instinctif. Un style qui lui est propre. Simple, mais létal lorsqu’il est bien maîtrisé. A l’instar du tiki-taka cher au FC Barcelone, les Asémistes sont passés maîtres dans l’art de la riposte. « Dès le départ, on a favorisé une approche défensive pour attirer l’adversaire, avant de le piquer en se projetant. Ce projet de jeu est devenu la pierre angulaire de notre philosophie », explique le responsable de la section, qui n’hésite pas à parler d’une « touche monégasque » qui se cultive et se transmet dès le plus jeune âge. Pour l’anecdote, la séance du lundi débute automatiquement par des exercices de contre-ataque, quelle que soit la catégorie d’âge. La progression des joueurs s’explique aussi par une somme de petites choses. L’investissement ô combien important des parents, par exemple, ou bien la formation à l’arbitrage, anodine au premier abord mais des plus avisées. « En connaissant parfaitement le règlement, ils savent jusqu’où ils peuvent aller, à quel moment l’arbitre va les sanctionner ou siffler une faute en leur faveur, décrypte Sébastien Dervieux, qui a officié comme arbitre aux Jeux olympiques de Tokyo et de Paris, et compte une centaine de matches internationaux à son actif. Des clubs se concentrent uniquement sur le jeu. Nous, on prend le parti d’en faire un peu plus pour acquérir des compétences et les réinvestir en match. »

Renouvellement naturel

Les efforts paient, aussi bien collectivement qu’individuellement. L’ASM Natation a pris l’habitude de voir ses jeunes et talentueux joueurs appelés en sélection nationale pour participer à des camps d’entraînement ou à des compétitions : Dario Danovsky (Euro U19 avec la Bulgarie), Maximilian Malyshev (championnat du monde U16 avec Israël), Zianna Wright (Euro U19 féminin avec la Grande-Bretagne), Camille Dervieux et Luca Barnat (tournoi de qualification à l’Euro U19 avec la France)… La nouvelle génération n’est pas en reste dans ce domaine. Trois U14 ont ainsi goûté à l’équipe de France pendant les vacances de Noël. Le futur semble assuré. « Les 2011 laissent entrevoir de belles promesses, tout comme les 2015, 2016 et 2017 qui jouent avec les U10 et ont gagné leurs premiers tournois dans la région. Notre défi est de créer une alchimie entre les différentes générations pour garantir la continuité », prévient le responsable. Si ce dernier évoque la relève, c’est que le trio qu’il forme avec Manuel Laversanne et Julien Guilloteau s’attend malheureusement à enregistrer des départs inévitables : « Certains joueurs vont nous quitter pour poursuivre leurs études en France ou à l’étranger. Nous avons anticipé d’éventuelles pertes en intégrant les 2009 au groupe U18. Ils participeront notamment aux rencontres amicales contre la sélection maltaise U18 en février et à Pâques. » Une chose est certaine : si, exceptionnellement, 1 ou 2 recrutements extérieurs « ne sont pas à exclure » cet été, ceci afin de maintenir le niveau de l’équipe fanion pour la saison prochaine, la formation locale restera toujours la priorité de la section. Une section qui a gagné en visibilité à Monaco et qui croule sous les demandes d’inscription. « Même une hypothétique montée dans l’Élite ne se fera pas au détriment de nos valeurs et de notre philosophie, conclut Sébastien Dervieux. L’ASM Natation est un club familial, où les gens travaillent dans la solidarité et la confiance. Cet été, on a reçu énormément de CV de joueurs français et étrangers. C’est beau, cela veut dire qu’on est devenu très attractif. Mais notre volonté est de continuer avec nos jeunes, des gamins que nous formons depuis plusieurs années. On ne se détournera pas de ce qui fait notre identité. » Aujourd’hui, la section grandit à une vitesse impressionnante. Elle attire et elle inspire, en témoigne la centaine de spectateurs qui se massent au Centre nautique Albert II à chaque rencontre. Chaque victoire écrit un peu plus l’histoire du waterpolo monégasque. Et le meilleur reste peut-être encore à venir.

Jérémie Bernigole

Publié le 11 Mar. 14:28