Du 13 au 16 septembre, une centaine de voiliers, motor-yachts et canots à moteur se sont donné rendez-vous en Principauté à l’occasion de la Monaco Classic Week, la 16e du nom.
C’est l’un des grands rendez-vous mondial du yachting de tradition. Créée en 1994, à l’occasion des dix ans de présidence du Prince Albert, la Monaco Classic Week (MCW) est un hommage au patrimoine maritime, qu’il soit à voile ou à moteur. Depuis, il réunit tous les deux ans, sur invitation, les plus belles unités au monde le temps d’une semaine de voyage dans le temps. Voilà cinq choses à savoir sur cet événement.
1 – L’Art de Vivre la Mer en démonstration
S’il y a bien une manifestation qui illustre cette devise si chère au Yacht Club de Monaco, c’est la Classic Week. Mais qu’est-ce que l’Art de Vivre la Mer ? Avant tout, c’est un style de vie, un concept engagé. « C’est le fait de pratiquer ses activités nautiques, en préservant à la fois l’environnement et le terrain de jeu sur lequel on évolue mais aussi le patrimoine en conservant une ligne qui correspond à l’étiquette navale et au bon sens marin », rappelle Fanny Brouchoud, chef de projet de la Monaco Classic Week depuis près de trois ans.
Tous les deux ans, cet Art de Vivre la mer est mis à l’honneur, que ce soit sur l’eau ou à terre, à travers cet événement hommage à la tradition maritime. « La MCW, c’est avant tout un rassemblement de passionnés. C’est l’une des particularités du rendez-vous monégasque par rapport aux autres étapes du circuit classique. Il regroupe à la fois les voiliers, les bateaux de tradition, les motor-yachts et les canots automobiles. Il rassemble dans une ambiance festive tous ces gens qui sont à la fois des passionnés des unités d’époque et de la mer, et met aussi en avant la restauration des bâtiments et la préservation du patrimoine », rappelle la chef de projet.
2 – Un plateau composé d’unités d’exception
A chaque édition, on y retrouve généralement les belles unités du patrimoine maritime. Avec 50 voiliers, 60 canots automobiles, 20 dinghy 12′ et 10 motor-yachts… cette 16e édition a encore été un carton plein. A quai, on retrouvait notamment des habitués comme les 15 M JI Mariska, The Lady Anne et leur sister ship Tuiga, le vaisseau amiral du YCM, ou encore Créole, vainqueur du Monaco Classic Week Trophy en 2013. Notons également la participation du Black Swan, un yawl à cornes de 1899 conçu par Charles E. Nicholson et récemment remis à flot après avoir été récupéré à l’état d’épave en Italie, mais aussi du Jap, du Royal Cork Yacht Club, une institution jumelée avec celle de la Principauté, venu d’Irlande pour l’occasion.
La MCW accueillait aussi pour la première fois les trois bateaux de la Classe P: Olympian, Chips et Corinthian. « C’est une jauge américaine, une classe qui attire plutôt les régatiers qui veulent un bateau classique. À bord de Corinthian, nous avions Sébastien Bazin, président du groupe Accor mais aussi le leader du défi français pour l’America’s Cup », précise Fanny Brouchoud. Si du côté des motor-yachts, on a relevé plusieurs unités très intéressantes, avec en point d’orgue le Stalca, qui a appartenu à la famille princière, et le Thelas de 1936, d’ailleurs vainqueur du Prix de la restauration, cette 16e édition s’est signalée par un nombre record de canots automobiles. Une soixantaine de Riva, Chris Craft et Hacker Craft mouillait ainsi au pied du YCM. Un bel hommage aux courses de canots automobile organisées en Principauté au début du 20e siècle.
Dans les rangs, on a eu quelques embarcations « plus anciennes qui valaient vraiment le détour » comme Scolopendra, un bateau de 1903 venu d’Angleterre et sister ship d’un vainqueur du Grand Prix de Méditerranée organisé à Monaco en 1909. Il y avait également Ida (1913) du chantier suisse Mégevet, tout juste restauré, mais aussi Wildcat (1929) et son moteur Rolls Royce d’origine ou encore Triton, un canot à vapeur de 1911. A noter la présence de nombreux Riva. « Nous voulions réunir une flotte importante de ces embarcations qui étaient chères au Prince Rainier III, qui a eu des liens très forts avec Riva », souligne Fanny Brouchoud.
3 – Le quai se pare de ses plus beaux atours
Dans la marina du YCM, le regard est forcément attiré par ces magnifiques bateaux d’époque. Mais la Classic Week, c’est aussi un village rassemblant notamment peintres, photographes, artisans, yacht clubs, chantiers navals ou encore l’Hydravion Club de Monaco. « On a eu des présences intéressantes dans le village avec notamment Ratsey and Lapthorn, qui a fait un atelier de voilerie en live. C’est la plus vieille voilerie du monde encore en activité. Elle a été créée en 1790. Beaucoup d’unités de la flotte en sont équipées », précise Fanny Brouchoud. Une véritable ode au savoir-faire d’antan.
Cette année, la MCW a également proposé un atelier « matelotage », dispensé par Patrick Moreau, LE spécialiste des cordages, nœuds marin et matelotage. Organisée par La Belle Classe Academy, le centre de formation du club destiné à favoriser le développement et la promotion des métiers du yachting, cette session un peu spéciale était ouverte aux membres et participants de l’événement. « Et cela a bien marché, il était plein », souligne Fanny Brouchoud. Au sein du Paquebot aussi, le patrimoine était à l’honneur.
Après avoir accueilli une exposition sur le thème « Meetings de canots automobiles à l’époque d’Albert Ier – La Collection du Yacht Club de Monaco restaurée », en 2021, cette année, c’est à son fondateur que le YCM a tenu à rendre hommage. A l’occasion des commémorations du centenaire de la naissance du Prince Rainier-III, l’institution monégasque – qui fête ses 70 ans cette année – a organisé une rétrospective intitulée « le Prince et la Mer ». Une exposition exclusive de photographies mettant en avant les plus beaux bateaux ayant composé la flotte de ce passionné de nautisme. Les curieux ont également pu découvrir à quai le Stalca, un motor-yacht de 24 mètres acquis par le Prince en 1973 et baptisé des deux premières lettres du prénom de chaque enfant du couple princier.
4 – Une semaine de concours à terre et en mer
La Monaco Classic Week, c’est un subtil mélange entre compétitions en mer et à terre. Si les conditions météorologiques le permettent, une régate est ainsi prévue chaque jour pour les voiliers de tradition, les 15 M JI ainsi que les Dinghy 12′, tandis que les canots automobiles ont notamment au programme un concours de manoeuvrabilité à l’intérieur du Port Hercule. Cette année, le club a innové en offrant à ces derniers une escapade en mer, le temps d’une chasse au trésor entre Roquebrune-Cap-Martin et Cap d’Ail. « L’idée était de proposer aux canots et aux motor-yachts une activité qui leur permettait de sortir et de découvrir aussi les environs. Chacun devait faire un parcours avec différents caps et repères, et nous envoyer une photo du bon endroit en fonction de ce qui était demandé. Cela a eu du succès », relate, satisfaite, la chef de projet.
Notons qu’en plus des régates et des compétitions pour les canots et les motor-yachts, trois concours sont organisés : le concours de restauration, celui des chefs et celui d’élégance. Ce dernier « récompense l’équipage le plus élégant en prenant en compte les vêtements, la tenue à bord, l’état du bateau, etc. Il se fait habituellement sous forme de parade à la sortie du port, mais cette année, comme les conditions de mer étaient mauvaises, les bateaux sont restés à quai et c’est le jury qui passait les voir. Pas mal de candidats ont joué le jeu malgré des conditions humides », constate Fanny Brouchoud.
Autre compétition fortement appréciée par les participants, le concours des chefs a encore fait le plein, avec « 10 places, 10 candidats. On a même un canot automobile, le Triton, qui a installé une cuisine pour y participer ». À bord de leur bateau, les cuisiniers ont ainsi dû concocter un repas avec la langouste comme thème d’entrée, suivi d’un plat principal composé de barbu (poisson proche du turbot) et de légumes de la Riviera. Le titre 2023 a été remporté par le motoryacht Sally suivi par le voilier de tradition Barbara of 1923 et de Stalca.
5 – On ne gagne le Trophée Monaco Classic Week qu’une seule fois
C’est un Graal qu’un bateau ne peut remporter qu’une seule fois. A chaque édition, au terme d’une semaine de festivités, un des participants se voit remettre le Trophée Monaco Classic Week. Une récompense prenant en compte le résultat sportif mais aussi le travail de restauration mené pour redonner aussi fidèlement que possible à ces navires parfois centenaires leur superbe d’antan, en s’attachant notamment au respect des plans d’origine, des matériaux utilisés et au savoir-faire de ceux qui les ont remis en état.
« Cet évènement est unique en son genre puisqu’il réunit à Monaco les plus belles unités classiques afin que le public s’aperçoive à quoi ressemblaient le yachting il y a 100 ans. Si on ne préserve pas l’histoire, que nous reste-t-il ? L’histoire peut nous dire ce que sera le futur », expliquait le navigateur britannique Sir Robin Knox-Johnston, le président du jury qui, toute la semaine, a examiné minutieusement chaque unité.
Après Puritan en 2019 et Mariella en 2021, cette 16e édition a vu The Lady Anne remporter cette prestigieuse récompense. Conçu et construit par le célèbre architecte naval écossais William Fife III dans le chantier familial de Fairlie en Ecosse, ce cotre aurique appartient aujourd’hui à la famille Botin « impliquée dans le circuit classique depuis très longtemps », précise Fanny Brouchoud. Notons que The Lady Anne est l’un des des quatre 15 M JI encore en activité aujourd’hui. On le retrouve régulièrement sur le circuit des bateaux classiques aux côtés de Mariska, Hispania et Tuiga.
Aurore Teodoro