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Alexander Ehlen a fini 10e du test event de Paris 2024 qui s'est déroulé à Marseille en juillet 2023.Alexander Ehlen a fini 10e du test event de Paris 2024 qui s’est déroulé à Marseille en juillet 2023.

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KITEFOIL – Alexander Ehlen, vent de liberté

Pensionnaire du Yacht Club depuis sa tendre enfance, en voile d’abord puis en kitefoil, le Monégasque Alexander Ehlen vise aujourd’hui une qualification pour les Jeux Olympiques de Paris.

Il en a coulé de l’eau sous les coques depuis notre toute première rencontre avec Alexander Ehlen. Retour en arrière. Décembre 2015. Lors d’un reportage au Yacht Club de Monaco (YCM), à l’occasion de la finale du circuit 2K Team Race (Code Sport Monaco n°21), nous avons rencontré un jeune adolescent de 14 ans. Cet adepte du catamaran, qui pratiquait la voile depuis ses 8 ans, nous expliquait vouloir « faire une régate en J/70 et voir ce qu’était le team racing ».

Depuis, l’adolescent un peu timide est devenu un grand gaillard à la carrure imposante et à la barbe bien fournie. Et l’un des grands espoirs de Monaco pour les prochains Jeux Olympiques… en kitefoil. Un sacré grand écart ? Au final, pas tant que cela. « Quand je pratiquais la voile, je voyais souvent des kites dans certains endroits. J’ai toujours aimé les sports de glisse. C’est une discipline que je voulais vraiment essayer « , confie le Monégasque épris de vitesse et de liberté.

Alexander Ehlen au Yacht Club de Monaco.
Alexander Ehlen au Yacht Club de Monaco.

Ses premières glisses en kitesurf, il les fait en 2017 lors de vacances en Allemagne, à l’occasion d’un stage offert par son père. Une révélation. D’autant que le timing est bon. En catamaran, il rencontre des difficultés à trouver une équipière monégasque tandis qu’en parallèle, un projet se monte dans son club autour d’un autre jeune espoir en kitesurf. « J’ai pu m’incruster par hasard sur leur première compétition. C’était dans le sud de l’Italie, un endroit où je vais encore souvent aujourd’hui. C’était au bout de deux semaines de kite. J’ai fini 100e sur 105 », se remémore le rider. L’expérience se révèle déterminante pour l’adolescent qui change alors de support et commence à concourir en kitesurf.

Progrès fulgurants

Les premiers résultats s’avèrent vite très prometteurs. Alors pour passer un autre cap, le jeune sportif doit quitter sa Principauté. Direction Hyères dans le Var et plus précisément l’Almanarre. Cette plage de sable de 5 km est un hotspot de kite et de windsurf bien connu des aficionados de la discipline à travers le monde. « C’est grâce au YCM qui m’a envoyé là-bas parce qu’à Monaco, nous n’avons pas les conditions pour cette discipline », explique Alexander Ehlen, reconnaissant.

A 17 ans, il emménage seul et fait sa rentrée en première. Là-bas, sa progression sportive est fulgurante. « Dès la fin des cours, j’allais à la plage. Comme j’étais mineur et que je n’avais pas de permis, je me déplaçais toujours en vélo. Je faisais plus de 10 km quotidiennement pour aller au lycée et j’avais une petite remorque pour le matériel de kite. A la fin, tout le monde me connaissait parce que j’étais le seul qui était à la plage tous les jours », retrace le sportif qui, naturellement mais avec rigueur, se dédie corps et âme à sa passion. « Il m’arrivait de passer des journées à attendre un souffle. Je partais à 8h du matin et rentrais à 8 h du soir. S’il n’y avait pas de vent annoncé, j’attendais parce qu’à Hyères il y a toujours un petit souffle pendant au moins 30 minutes – 1 heure, c’est ça qui a permis une progression très rapide au début ».

Le kitefoil est une planche avec un aileron en dessous qui permet de voler au-dessus de l'eau.
Le kitefoil est une planche avec un aileron en dessous qui permet de voler au-dessus de l’eau.

Le rider était alors déjà passé au foil, cette planche de kite avec un aileron en dessous qui permet de voler au-dessus de l’eau. « On peut naviguer dans moins de vent que du kitesurf normal, à partir de quatre nœuds (7,5 km/h), et atteindre des vitesses beaucoup plus élevées que d’autres supports, jusqu’à 45 nœuds (83 km/h)« , précise Alexander. Pour atteindre son objectif, il avait d’ailleurs mis la main à la pâte en construisant son propre équipement. Une opération qui lui prendra une semaine et nécessitera, pour la petite anecdote, de faire sécher l’aileron dans un sauna. « J’ai toujours été manuel, j’adore fabriquer les choses. Avec quelqu’un qui s’y connaissait, j’ai travaillé le carbone, c’était un projet amusant. J’y étais allé un peu à la louche mais il fonctionnait, j’ai appris avec. Quand je suis passé au foil de race, réputé pour être le plus difficile, j’ai trouvé cela aisé tant le mien était dur « , se remémore le sportif.

Celui qui est aussi passionné de parapente, une discipline qu’il pratique depuis 2021, travaille d’ailleurs aujourd’hui sur l’aménagement d’un van. « Je fais tout moi-même. C’est comme une petite maison. La liberté, c’est mon kiff (sic). Le kite, la montagne, la mer… tout cela fait partie de ma vie. Ce sont des endroits où je peux m’évader ».

Toute une équipe autour

Une fois son bac en poche en 2020, soucieux d’assurer ses arrières, Alexander Ehlen décide de passer le brevet professionnel pour devenir moniteur de kite. De janvier à novembre 2021, il partage son temps entre Leucate (au sud de Narbonne), Montpellier et Hyères. Il met la compétition de côté. Et est même à deux doigts d’arrêter. Mais il retrouve l’envie d’autant qu’en 2021, le kitefoil est annoncé pour la première fois aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Le soutien du YCM lui permet de continuer et le projet prend une réelle forme professionnelle fin 2021.

Alexander Ehlen tentera de décrocher son ticket en avril prochain lors de la Semaine Olympique Française qui se déroulera à Hyères.
Alexander Ehlen tentera de décrocher son ticket en avril prochain lors de la Semaine Olympique Française qui se déroulera à Hyères.

Depuis, ce sportif de haut niveau s’entraîne à plein temps, à raison de deux heures de préparation physique, en plus des 2 à 4 heures sur l’eau, et ce 6 jours par semaine. L’athlète monégasque est aussi accompagné par une équipe solide. « Il y a Paolo Ghione (DTN de la Fédération Monégasque de Voile), Maxime Albarel, mon coach principal et le patron de l’école où j’ai travaillé et en partie appris le kite. J’ai également un préparateur physique et mental, un médecin, sans oublier tous les gens du YCM », souligne l’athlète.

A ses côtés, il y a également Dagmar, sa maman que nous avons croisée le jour de l’interview, jamais avare d’histoires sur le parcours déterminé de son fils. « Elle a toujours été derrière moi. Encore maintenant, c’est elle qui gère un peu les compétitions, les budgets… » De Paris à Los Angeles Blessé cet été, Alexander Ehlen n’est pas du genre à laisser quoi que ce soit l’arrêter. Pas même une fracture des vertèbres. Interdit de planche pendant quelques semaines, il n’a pas pu participer aux championnats d’Europe, qualificatifs pour les JO, qui se tenaient fin septembre, mais il a repris dès octobre le chemin des compétitions avec le championnat de France.

Un retour sur l’eau très attendu pour l’athlète monégasque qui garde l’ambition de se qualifier pour Paris 2024. Un rêve ultime pour celui qui a également Los Angeles 2028 dans le viseur. Pour cela, celui qui fait partie de l’élite mondiale (il a atteint la 6e place, son meilleur classement, en septembre 2022) devra aller chercher son ticket lors de la Semaine Olympique Française qui se déroulera à Hyères en avril 2024. À domicile, sur ce plan d’eau qu’il connaît bien, le Monégasque a toutes ses chances.

Aurore Teodoro

Publié le 23 Oct. 14:56