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Sylvie Bertrand : « Le stade Louis-II est un prestataire de services »

Directrice du Stade Louis-II depuis huit ans, Sylvie Bertrand est également la présidente du club et de la Fédération monégasque de badminton.

Le sport, le fil directeur de la carrière de Sylvie Bertrand. Cette ancienne professeure d’éducation physique et sportive, passée par la Direction de l’Education nationale, est aujourd’hui à la tête du plus grand bâtiment public de la Principauté, mais aussi du badminton monégasque. Une double casquette sur laquelle elle s’est longuement confiée. 

Comment s’organise une journée dans la vie de directrice du stade ? 

L’avantage de ce poste, c’est qu’aucune journée ne ressemble à une autre. Mon agenda est très rempli mais je ne peux jamais savoir ce qui va se passer. Il y a deux principales parties : une administrative et une autre technique. La première concerne donc cette gestion du personnel, mais aussi l’aspect budgétaire, forcément. Nous travaillons aussi en étroite relation avec les associations puisqu’on est le siège de nombreux clubs et fédérations mais aussi du Comité Olympique Monégasque. Le stade est un bâtiment de prestations de service. C’est l’endroit où sont organisées le plus de manifestations dans l’année. Nous sommes en relation quasi-quotidienne avec les dirigeants pour organiser les compétitions. Il faut préparer celles-ci en amont – parfois même il y a plusieurs événements en même temps – aider au montage puis au démontage pour rendre les installations libres le plus rapidement parce que nous accueillons les scolaires de 8 à 18 heures, avant d’enchaîner avec les associations. Ça ne s’arrête jamais. 

Qu’en est-il de la partie technique ? 

La majeure partie de notre staff de 66 personnes est du personnel technique. Au-delà de l’aspect technique, il y a la maintenance. Moi j’élabore les marchés de contrat de maintenance, les appels d’offres… Une fois que les sociétés choisies et les marchés signés, il y a cette maintenance quasi quotidienne d’un bâtiment vieillissant inauguré en 1985. C’est un volet très important. Chaque année, nous avons des projets inscrits au budget pour faire évoluer et maintenir le stade à un niveau d’excellence, notre but étant de le conserver en bon état jusqu’à la restructuration. Pour cela, il faut doser les travaux engagés maintenant. Ceux-ci doivent être utiles et permettre de continuer encore quelques années jusqu’à ce que la restructuration concerne cette partie, tout en n’engageant pas des frais trop importants parce que tout sera refait ensuite.

Comment va se passer la restructuration ?

Un peu comme cela a été fait au Vélodrome, nous allons restructurer le stade morceau par morceau. On va créer un nouveau gymnase, déplacer les salles actuelles, les agrandir en faisant un jeu de Tetris. Il n’y a que deux pièces qui ne bougeront pas, sinon on modifiera tout à l’intérieur. Cela va être un gros chantier. Sur ce dossier-là, nous travaillons en étroite collaboration avec l’architecte en charge de cette restructuration et avec la direction des travaux publics.

Le stade est-il amené aussi à gérer des gros travaux d’envergure ?

Oui comme par exemple ceux de la salle Gaston Médecin qui ont lieu cet été. Là il faut que je sois suffisamment affûtée pour pouvoir redresser si besoin parce que là j’en suis responsable. La technique est un domaine plutôt masculin. Je n’ai rencontré que peu de femmes dans nos réunions, du coup pour être crédible il faut travailler un peu plus que ceux qui baignent là-dedans. La technique n’est pas mon métier de base mais j’ai appris, parce que cela me plaît d’apprendre. Il faut savoir argumenter quand on est convaincu de quelque chose et aussi faire preuve d’humilité quand on ne sait pas et ne pas hésiter à poser des questions pour comprendre de quoi on parle.

Qu’en est-il des travaux de la salle Gaston-Médecin ?

L’année dernière, nous avions littéralement poussé les murs. Là, on casse et on enlève tout, y compris les sièges jaunes. Nous allons construire une véritable aréna, avec deux mezzanines qui descendent. Puis il faudra remettre l’éclairage sportif aux normes. Ce n’est pas un petit chantier. Et nous nous devons d’être hyper vigilant car on ne peut se permettre un seul jour de retard. Sur ce genre de projets, je laisse peu de place à l ‘improvisation car je ne peux pas me le permettre et c’est pour cela qu’on fait autant de réunions que nécessaire pour essayer de tout maîtriser, même si l’on ne peut pas tout contrôler sur un chantier. On passe beaucoup de temps dessus en amont et pendant. Il y a beaucoup d’enjeux, on se reposera après.

La gestion du stade est un travail d’équilibriste alors ?

Le stade est un prestataire de services. On est là pour rendre service à tout le monde, sans discrimination, toujours dans l’intérêt général mais jamais pour l’un au détriment d’un autre. Je prends l’exemple des matches de football, notamment ceux sous l’égide de l’UEFA. Celle-ci exige la privatisation du stade le jour du match, mais aussi celui d’avant et d’après. On a fait comprendre à l’UEFA qu’on est un stade omnisports, ce qui est de plus en plus rare, et donc qu’en plus du football, il abrite une autre équipe professionnelle qui s’entraîne deux fois par jour et qui éventuellement peut jouer le même jour ou la veille. On est obligé chaque année de négocier pour qu’ils comprennent les enjeux. Et nous devons trouver des palliatifs pour que les autres associations qui ne sont pas professionnelles puissent continuer leur pratique sans être impactées. Quand il s’agit de l’UEFA, le club d’escrime l’est parce qu’on se sert de leur pièce comme salle de presse, le dojo attenant aussi. On essaie de maintenir les activités, sauf jour de match bien sûr. Et il ne faut pas oublier les salariés des différentes associations qui ont leur siège ici et qui doivent pouvoir travailler.

Qu’est-ce que cela représente d’être une femme dans ce milieu plutôt masculin et à un poste avec une aussi haute responsabilité ?

Le Louis-II est le plus gros bâtiment public, et étrangement deux de mes prédécesseurs étaient des femmes. Pour ce poste, il faut avoir envie de s’investir. Moi on m’a fixé un objectif, je sais où je vais. C’est sûr que je ne fais pas l’unanimité, mais personne ne la fait. Je suis parfois obligée d’être directive et ça fait grincer des dents. Il faut toujours avoir un argumentaire suffisant. Mais après il faut prendre les choses en main et ne pas avoir peur. Avec huit ans à ce poste, je ne dirais pas que c’est facile, mais c’est plus facile. Au début, il a fallu que je prenne beaucoup sur moi pour imposer les choses qui méritait de l’être. Ensuite, quand on a commencé les travaux sur la restructuration avec l’architecte, j’ai aussi dû dépasser un peu mon côté réservé. Je n’ai pas mis beaucoup de temps à y parvenir, je n’en ai pas eu le luxe parce que j’avais un objectif. Il a fallu certaines fois que je me fasse violence pour dire  »non, ça ne peut pas être comme ça, ça sera comme ça ». Au début c’était compliqué, même si c’était vraiment ce que je voulais car ce poste, je l’avais évalué. En travaillant à l’Éducation Nationale, j’étais en relation avec le stade. Je m’étais fait une idée de ce que cela représentait. C’est pour cela que j’ai posé ma candidature. Et pour la petite anecdote, à mon arrivée, en plus du stade, il y avait en plus l’espace Saint-Antoine.

En parlant d’Éducation nationale, vous étiez avant professeur d’éducation physique. Le sport a toujours fait partie de votre vie, comment vous êtes-vous orientée dans cette voie ?

Après le bac, comme beaucoup de gamins, je ne savais pas trop quoi faire. J’aimais le sport, la pratique sportive. Je pratiquais un peu de tout mais surtout du tennis, pas mal de course à pied et aussi du volley. A l’époque pour rentrer il fallait un concours d’entrée en STAPS. Malheureusement je l’ai raté la première année à cause d’une mononucléose. Après une année en faculté de sciences, qui m’a beaucoup plu, j’ai retenté et réussi le concours. J’ai adoré ces études. Puis j’ai eu l’opportunité de commencer à travailler en m’engageant à passer le CAPES. On m’a fait confiance, je l’ai réussi et j’ai enseigné pendant 7 ans. J’ai adoré ce métier, notamment le contact avec les gamins, et au bout de sept ans, on m’a proposé de continuer à suivre l’éducation physique mais côté administratif. J’ai quitté l’enseignement et je suis rentrée à la direction de l’Éducation nationale où, petit à petit, j’ai eu plus de responsabilités. Là-bas, en parallèle, même si je n’y étais pas obligée, j’ai passé un DESS de management du sport, comme ça la boucle était bouclée. 

Un mot sur la création de Monaco Badminton en 2010 ?

Monaco n’avait pas de club de badminton et dans mon entourage, on le regrettait. Avec des amis, j’étais allée quelques fois jouer à Menton et franchement ça m’avait bien plu. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de créer le club. La Fédération monégasque de badminton (FME), qui fête ses dix ans cette année, est née deux ans après. Tous deux ont des objectifs différents : le club offre au niveau local une pratique quotidienne tandis que la FME, qui est affiliée à Badminton Europe et à la fédération internationale, a pour mission la représentation à l’international.

Vous-même vous vous êtes mise au badminton à la création du club. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce sport ?

C’est mon petit dada. Après deux années compliquées sans jouer, j’ai pris la bonne résolution à la rentrée de retourner y jouer au moins une fois par semaine parce que cela me manque. C’est un sport ludique, très cardio qui permet de tout oublier. Je cours encore un peu de temps en temps, cela fait du bien mais ce n’est pas la même chose. Le badminton, ça se partage. Pour nous, le plus important est de garder l’esprit familial du club. On se connait, on se parle, tout le monde joue avec tout le monde. 

Au club, comme à la fédération, la parité est respectée au sein du bureau. Était-ce voulu ?

Cela s’est fait comme cela. Ce n’était pas recherché. Les gens pensent que c’est un sport de plage et de femmes, ce qui est faux. J’invite tous ceux qui disent cela à venir essayer et après on en reparle. En termes de licenciés, on est à peu près à égalité aussi.

Le fait d’être présidente de club/fédération vous aide à mieux comprendre les problématiques des entités monégasques et vous aide dans votre fonction de directrice ?

Oui et non. En tant que présidente, je comprends les demandes. En tant que directeur, je suis obligée de les étudier mais je ne peux pas donner systématiquement une réponse positive. Je dois toujours tenir compte du fait que tout doit toujours se passer en harmonie ici et que si je dis oui à l’un cela ne doit pas être au détriment de l’autre. L’équilibre existe, il n’est pas précaire du tout mais il ne faudrait pas le mettre à mal.

Propos recueillis par Aurore TEODORO

Publié le 21 Sep. 09:06