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RALLYE. Sébastien Loeb, papy fait de la résistance au Monte-Carlo

A 47 ans, 10 mois et 25 jours, Sébastien Loeb (M-Sport Ford) est le nouveau doyen des vainqueurs en WRC grâce à sa victoire sur le 90e Rallye Monte-Carlo, le 23 janvier dernier. Engagé dans un mano à mano haletant avec Sébastien Ogier (Toyota), le nonuple champion du monde s’est imposé avec 10 »5 d’avance sur son compatriote. A ses côtés, Isabelle Galmiche est devenue la première copilote depuis Fabrizia Pons (1997) à monter sur la plus haute marche du podium à Monaco.

Un salto arrière avec sa fille, place du Casino, pour célébrer un huitième Monte-Carlo achevé sur la plus haute marche du podium. Si l’acrobatie est la signature emblématique de Sébastien Loeb (M-Sport Ford), on ne peut s’empêcher d’y voir un malicieux pied de nez à ce succès qui immortalise le pilote français en plus vieux vainqueur d’une manche du championnat du monde (le record appartenait à Bjorn Waldegard, 46 ans et 155 jours au Rallye Safari 1990). C’était l’évènement du 23 janvier en Principauté : un retraité a gagné le plus mythique des rallyes.

A 47 ans, 10 mois et 25 jours, le nonuple champion du monde a remporté le bras de fer qui l’opposait à un autre retraité, Sébastien Ogier (Toyota), et s’est offert une 80e victoire en WRC, plus de trois ans après la dernière. « Je suis toujours jeune », a-t-il souri à nos confrères de L’Equipe. Compte-tenu de la leçon magistrale qu’il a administrée sur les routes de la région, impossible de le contredire. Et ce, malgré les lunettes désormais installées sur son nez. Sa maîtrise du volant, elle, n’a pas pris une ride !

Loeb a « pris du plaisir »

Autre preuve que Loeb défie les lois de la nature et du temps : il fallait avoir le cœur solidement accroché pour survivre à une 90e édition majestueuse, pleine de rebondissements, alors que la WRC débutait une nouvelle ère, celle des voitures hybrides aux carburants synthétiques (e-fuels) ou écologiques (bio-fuels). « C’est un défi vraiment excitant, s’impatientait, en amont de la manche inaugurale, le pilote historiquement lié à Citröen et engagé sous les couleurs de M-Sport Ford. La voiture est similaire à la génération de WRC précédente, mais avec ce système hybride qui la rend un peu plus compliquée à piloter. C’est intéressant d’avoir un paramètre supplémentaire à gérer. Quand j’ai essayé la voiture, j’ai vraiment été impressionné par son équilibre et la puissance qu’apporte l’hybridation. J’ai vraiment pris du plaisir. »

Le plaisir. Une donnée importante. Dix jours avant de prendre le départ du Monte-Carl’, il bataillait dans les dunes pour un Dakar qu’il a terminé à la deuxième place. Pas de repos. Cap sur Monaco. Changement de décor. Et de température. Du soleil brûlant d’Arabie Saoudite au froid des Alpes, il n’y a qu’un pas. Que Loeb a franchi. Lui, le pigiste de luxe en WRC qui, depuis son premier retrait en 2013, revient ponctuellement à son premier amour. Uniquement par passion. Sans pression de résultat. Même si la compétition colle à la peau de l’homme aux neuf couronnes mondiales.

Turini magique

Cela s’est vu. Et ressenti. La concurrence ? Elle n’a pas existé. Le troisième, Craig Breen (Ford), a été relégué à 1’39. Un gouffre. Ce n’était pas faute d’avoir un plateau relevé. Trahi par des problèmes de fiabilité, Thierry Neuville (Hyundai Motorsport) a terminé sixième. Adrien Fourmaux a connu une violente sortie de route lors la troisième spéciale, heureusement sans gravité pour le Nordiste (M-Sport Ford) et son co-pilote. C’est également sur un crash que s’est brutalement conclue la participation d’Olivier Solberg (Hyundai Motorsport), tandis que l’autre bébé de la promotion, Kalle Rovenperä, est resté scotché au pied du podium. Pour l’anecdote, les susnommés n’étaient pas nés lorsque Loeb a fait ses débuts en WRC, en 1999.

A l’époque, le Français avait affronté (et battu !) leur père respectif. En 2022, il s’est frotté aux fils… Il y a des traditions qui se respectent ! Le seul en mesure de l’attaquer, c’était l’autre Sébastien, Ogier, 38 ans et octuple champion du monde. Résultat : après la première manche de la saison, les deux retraités caracolaient en tête du classement. Ils avaient donné le ton dès le premier jour, après une nuit enivrante au Turini, entrée dans la légende du Monte-Carlo grâce à l’extraordinaire spectacle offert par les spectateurs. Des centaines de fans installés le long de la route qui, au milieu des odeurs de saucisses et de merguez, ont carminé le ciel sombre.

Isabelle Galmiche, la belle histoire

Le mano a mano s’est poursuivi et les deux hommes étaient à égalité parfaite samedi matin avant la spéciale la plus difficile d’un parcours remodelé à 95% par les organisateurs et centré autour de Monaco, où était installé le parc d’assistance. Ogier pensait avoir porté l’estocade en prenant 21 »1 d’avance sur son rival mais, victime d’une crevaison dans l’avant-dernière spéciale, il a perdu 34 »1. Loeb s’est engouffré dans la brèche et n’a plus lâché la position de leader. L’écart à l’arrivée était de 10 »5 après 300 kilomètres de roulage. Il aurait été de cinq dixièmes si le Gapençais n’avait pas volé le départ de la powerstage… Un scénario de fou, qui permettait à l’Alsacien de rejoindre son rival au nombre de Monte-Carl’ gagnés (huit chacun) ! « Je ne savais pas à quoi m’attendre en arrivant ici. Le niveau du WRC est généralement très haut, mais nous avons décidé de nous présenter au Monte-Carlo. Et finalement, le résultat est incroyable ! » se félicitait Loeb à l’arrivée. La belle histoire ne s’arrêtait pas là.

Son copilote historique Daniel Elena à la retraite, l’Alsacien a fait appel à Isabelle Galmiche. A 50 ans, cette professeur de mathématiques dans un Centre de formation d’apprentis à Bethoncourt (Doubs) est tout sauf une inconnue dans le milieu du rallye, qui rythme sa vie depuis une vingtaine d’années. Avant le départ, le nonuple champion du monde avait fait les présentations : « Isabelle, c’est la copilote avec qui j’ai le plus roulé excepté Daniel. Elle connaît mes notes, on est habitués à être ensemble. » Aux côtés de son ami Loeb, qu’elle a déjà assisté durant de nombreux essais privés, elle est devenue la première femme victorieuse en championnat du monde des rallyes depuis Fabrizia Pons. C’était en 1997… au Monte-Carlo ! « C’est une histoire de dingue, je ne sais pas quoi dire, peinait-elle à réaliser. J’étais déjà super contente de venir avec Seb, et puis on a gagné ! »

Loeb/Ogier : et si…

Le duo remettra-t-il le couvert cette année ou les prochaines saisons ? Rien n’est moins sûr. D’abord parce que Loeb a prolongé chez LW44, l’écurie de Lewis Hamilton dans l’Extreme E, un championnat de 4×4 électriques, et qu’il devrait prendre part à plusieurs manches du championnat du monde de rallye-raid. Ensuite, parce que le Monte-Carlo devait être la seule apparition du Français avec M-Sport en 2022. Mais ce 80e succès a ouvert l’appétit des deux parties. Richard Millener, le directeur de l’écurie britannique : « Je pense qu’il est réaliste de penser à une poignée de rallyes car il a un calendrier chargé, mais nous verrons bien, on ne sait jamais avec le WRC. »

Le propriétaire de M-Sport Malcolm Wilson s’est montré bien plus loquace : « J’aimerais vraiment qu’il fasse plus de manches. Il a été absolument incroyable de s’imposer à l’âge qu’il a, au plus haut niveau contre le gars qui a gagné huit fois auparavant. » Le principal intéressé, lui aussi intérimaire en WRC pour cause d’autres projets, a d’ailleurs remis une pièce dans la machine, à peine la 90e édition refermée. « Des rallyes comme ça, on en redemande. On va essayer de se caler ensemble, hein ? » a-t-il lancé à Loeb, dans un clin d’œil. Les papys font de la résistance !

JÉRÉMIE BERNIGOLE-STROH

Publié le 25 Jan. 09:23