Passionné de sport automobile, Lorenzo Tolotta-Leclerc a pris un chemin différent de celui de ses frères Charles et Arthur. Evoluant dans la finance et le conseil, il suit tout de même de près les activités familiales et tout particulièrement Arthur.
Pas de baquet ou de casque à son nom. Un bureau, simple, avec quelques petits casques en décoration. Un rappel clair à l’activité de ses petits frères. Des frangins qu’il évoque d’ailleurs avec facilité. Plus que lorsqu’il s’agit de parler de lui. « C’est assez compliqué, difficile de parler de soi-même », avoue d’ailleurs Lorenzo Tolotta-Leclerc. Aîné des trois, on l’aperçoit régulièrement au bord des circuits. Et très souvent dans les pas du plus jeune, Arthur. « J’endosse le rôle de grand frère, dans une certaine mesure de manager, même si je n’aime pas le mot. L’idée est d’accompagner Arthur dans sa passion et sa carrière. C’est quelque chose que je fais en plus parce que c’est mon petit frère et que cela m’a toujours passionné », précise-t-il.
Un moyen, aussi, de revenir dans un milieu quitté pour suivre une autre voie. Mais un retour qu’il avait gardé dans un coin de la tête. « J’ai toujours eu cette idée de vouloir revenir d’une certaine manière, sans vraiment savoir laquelle. Aujourd’hui, c’est peut-être la façon la plus intéressante et excitante. » Un rôle mariant parfaitement ses activités professionnelles, sa passion et son rôle de grand frère.
Pilote éphémère
Il faut dire que Lorenzo a lui aussi passé un moment au volant. C’était sur la piste de karting de Brignoles, où il s’est lié d’amitié, au fil des ans, avec le regretté Jules Bianchi. « Dans un sens, tout est arrivé un peu par hasard. Hervé (Leclerc) et Philippe (Bianchi) étaient des amis d’enfance et nous sommes allés les voir un jour où il pleuvait. C’est à ce moment-là qu’on a rencontré la famille Bianchi, dont Jules, qui avait 13 ans à l’époque mais évoluait déjà sur une autre planète », se remémore Lorenzo. Une planète qui le mettait toujours derrière ce copain d’enfance appelé à intégrer un jour les paddocks de la F1. « Je n’étais pas mauvais, mais Jules me mettait toujours 3 ou 4 dixièmes. Dans les bons jours, j’étais à 2,5 », glisse-t-il, sourire en coin, au moment d’évoquer ces souvenirs.
Egalement proche de Norman Nato (désormais chez Venturi), Lorenzo a cependant vu assez vite qu’il allait devoir trouver une autre voie que le pilotage. « J’ai fait quelques compétitions, j’aimais bien ça. Mais j’ai rapidement compris que je ne ferais pas une carrière de pilote, car il y a une problématique de budget assez conséquente. Ce sport a toujours été très cher et il est assez difficile d’en faire et d’arriver à en vivre. » S’il est pas contre enfiler de nouveau casque et combinaison pour le plaisir, il a cependant pu compter sur le soutien d’une grande figure monégasque pour trouver sa voie. Son grand-père, Charles Manni.
Le virage business
Lorenzo l’évoque sans détour. Charles Manni a été plus qu’un grand-père pour lui. Un point de repère, un modèle. « Il avait créé Mecaplast et commencé avec presque rien pour devenir une grosse société à Monaco et à l’international. Ça a toujours été pour moi un modèle absolu, en me disant que si j’arrivais à faire un dixième de ce qu’il avait fait, je serais content. Lorsqu’on est arrivé avec ma mère, Charles m’a beaucoup aidé à m’acclimater. A un moment, il a même commencé à miser sur moi », détaille Lorenzo. C’est d’ailleurs en suivant les conseils de cet aïeul que Lorenzo a choisi son orientation, laissant ainsi de côté le karting. « Au début, comme tous les gamins, je n’en fichais pas une à l’école. Il a essayé de trouver les moyens pour me motiver et ça a fini par fonctionner. C’est lui qui m’a accompagné dans les études. »
Plutôt bon en maths et en finance, comme il le dit lui-même, son orientation prend de plus en plus d’épaisseur au fil des ans. « N’étant pas mauvais dans ces deux domaines, mes profs me suggéraient de continuer dans cette voie, je me suis dit qu’il y avait peut-être un truc à faire. J’ai découvert les différentes facettes de ce que l’on pouvait faire en finance et j’ai souhaité me spécialiser en wealth management (gestion du patrimoine, NDLR)« , explique le titulaire d’un bachelor obtenu à l’IUM et d’un master passé à Sup de Co Reims. Une voie le ramenant naturellement vers les stands.
Manager et grand frère
Ce choix d’orientation lui permet effectivement de pouvoir s’épanouir professionnellement au sein d’une société de conseil, mais aussi auprès de sa famille et de ses frères. « 80% de mon temps est dédié à Square Capital, les 20% restant à Arthur », précise Lorenzo. Si la société dans laquelle il évolue est spécialisée dans la gestion de patrimoine, il met également ses aptitudes professionnelles au service de sa famille via une structure familiale qu’ils ont mis en place afin de gérer au mieux les intérêts de tout le monde. « On essaye d’y gérer nos différentes activités et participations », glisse Lorenzo. Travailler en famille. Plus simple ou plus compliqué qu’à l’accoutumée ? Un peu des deux à l’en croire. « L’avantage, c’est la confiance. Dans ces activités-là, ce sont des relations de confiance. Et le faire en famille est une force. Ce lien de parenté nous unit et fait que nous sommes tous alignés avec les mêmes intérêts. Pour autant, ce lien fraternel peut être complexe, parce que justement, on n’a parfois pas envie d’écouter son grand frère ou son petit frère. Ça marche dans les deux sens. On arrive, avec le temps, à comprendre aussi qu’on est tous là dans nos spécialités. »
Dans le suivi au quotidien, cette relation entre frères a ses avantages. « Il n’y a pas cette barrière de la personne qui se fait entre un manager et un pilote où il n’y a aucun lien, où chacun a sa position. On est en famille, on peut plus facilement se dire les choses. Ça peut être bien, ou pas, mais c’est là où il faut arriver à gérer cette chose-là. » Ce qui n’enlève rien à l’excitation de voir ses petits frères défier les lois de la vitesse pour aller accrocher podiums et victoires. Car Lorenzo reste avant tout leur grand frère. « Quand je suis sur une course où l’un ou l’autre roule, je suis très très nerveux. Je vis le truc à 200%. Je vois sur les courses de F3 cette année (2020), avec les péripéties de toute la saison, c’était les montagnes russes. On doit être un peu la personne stable donc je prends sur moi. Il y a un moment où il faut savoir s’effacer et un autre pour être là, aider. » Veiller sur eux, en somme.
Romain Chardan