Melvin Viola, 15 ans, a fait ses débuts en championnat de France de Supermotard 250cc fin mars. Vice-champion national de la catégorie inférieure en 2021, le pilote du Moto Club de Monaco trace une route qui pourrait le mener vers les épreuves de vitesse.
Il roule, il roule, Melvin Viola. En cette fraîche fin d’après-midi de février, le pilote du Moto Club de Monaco s’amuse au Monti MX Track. Sur cet espace de l’arrière-pays mentonnais, où hurlent les engins chaque week-end, il est en terrain (quasi) conquis. Les gérants du domaine ne comptent plus ses tours de roue.
Sous le regard de quelques curieux garés sur le bas-côté de la route menant à Sospel, il enchaîne les passages dans la boue et les sauts avec l’insouciance d’un gamin. La maîtrise saute aux yeux. Les trajectoires sont calculées, anticipées et assurées dans la bonne ornière. « Il est dans son jardin », fait constater son père. Cheveux coupés à ras et barbe de trois jours, Gerome Viola observe attentivement sa progéniture. Ancien pilote, il a plongé son fils dans cette passion dévorante : « Il a grandi sur les circuits. A quatre ans, il voulait dormir avec sa petite moto. Il ne vit que pour ça. »
Les pétarades s’estompent. Melvin Viola nous rejoint, solidement installé sur sa bécane d’entraînement frappée du numéro 28, offerte par Loris Capirossi, troisième du championnat du monde de MotoGP en 2006. Son dernier entraînement sur la piste de Monti avant le début de saison s’achève par un échange avec Julien Ros, assistant mécanicien. A 15 ans, le vice-champion de France de Supermotard 125cc ne laisse aucune place au hasard. Tout doit être prêt avant le 26 mars et la première course à Magny-Court.
Cette année, il a décidé de sauter le pas et d’accéder à la catégorie supérieure, le 250cc. Au diable le titre national, qu’il a manqué d’un rien en 2021. Une histoire de manche manquée pour cause d’épaule déboitée. « Je me sens prêt, j’ai bien travaillé, assène-t-il en se décasquant. J’appréhende un peu, il y aura beaucoup plus de pilotes sur la ligne de départ. »
Un exploit en Corse
Sur la grille de départ, il sera le plus jeune. La décision de le surclasser a été mûrement réfléchie. Même si la progression de l’adolescent est linéaire, il était hors de question de précipiter son entrée dans la cour des grands. « Cette saison est très importante pour lui, pose Loris Capirossi, rencontré plus tard à Fontvieille. C’est un garçon intelligent, il a un esprit de champion et va travailler très dur pour atteindre ses objectifs. Je me vois en lui. »
Scolarisé au Lycée Pierre et Marie Curie de Menton, Melvin Viola a bâti son début de carrière de poles positions, de victoires et de podiums. Son titre de champion de France en 85cc en 2020 en est le meilleur exemple. Mais son plus beau fait d’armes a eu lieu en Corse. « Il avait été invité pour une course de côte et avait signé un Top 40 face à 200 concurrents, sous la pluie, avec un 65cc chaussé de pneus slicks, conte avec passion Gerome Viola. Les organisateurs l’avaient convié l’année d’après. Sur place, on discutait avec le gérant d’un magasin et il s’est mis à nous parler d’un ‘jeune continental qui a marqué les esprits’, qu’il appelait affectueusement ‘le petit Viola’. Quand il a appris que Melvin se trouvait face à lui, il nous a offert une casquette et un tee-shirt, et mon fils lui a signé son premier autographe. »
Sa réputation, Melvin Viola la construit sur les circuits de France et de Navarre. Il est présenté comme un jeune pilote doté d’une solide expérience, rapide et sans peur, mais franchement pas casse-cou. « C’est un diesel. Melvin ne sera jamais en haut de la feuille des temps lors des essais. Il a besoin d’analyser la piste. Quand il sent qu’il est à la limite, il travaille autour de cette zone pour maximiser sa vitesse », pose Gerome Viola. Loris Capirossi renchérit : « Ne pas beaucoup tomber à son âge est bon signe. Il doit cultiver cette propension à bien construire ses week-ends de course. »
Un attrait pour les épreuves de vitesse
La passion, surtout automobile, a un coût. Une saison coûte la bagatelle de 25 000 €, sans compter les motos financées par des partenaires et les pneus limés sur la piste. « Je travaille sans arrêt sur le budget. Le plus gros, ce sont les déplacements. On part en camion le mercredi après-midi, ce qui nécessite des nuits à l’hôtel, des repas…, dévoile Gerome Viola. Heureusement, on peut compter sur une main d’œuvre familiale. »
Sa garde rapprochée. Entre sa sœur Stessy qui s’occupe de l’administratif, des repas et de la préparation des équipements, ses oncles, mécaniciens, et son paternel qui chapeaute le tout, Melvin Viola est bien entouré. « Je suis à l’aise avec eux, je me sens plus serein que dans un Team à l’ambiance impersonnelle », avance l’intéressé, bien dans ses bottes.
Pour les neuf courses de la saison, il bénéficiera également d’un œil expert sur le châssis de sa machine. Un sacré coup de pouce, alors que le pilote du Moto Club de Monaco vise un Top 10. La régularité sera juge de paix. « Je suis rapide sur la portion terre, mais pas autant que sur le goudron, analyse-t-il. Peut-être que je dévierai, un jour, vers les épreuves de vitesse. »
On sent un réel attrait pour la discipline de ses idoles Marc Marquez, Valentino Rossi et Fabio Quartararo, avec qui il a d’ailleurs roulé à Monti. « J’aimerais bien lui faire tester la vitesse sur un circuit pour observer ses qualités et juger son niveau. Le talent se voit immédiatement », tranche Loris Capirossi. Melvin Viola n’a pas fini de rouler.
Jérémie BERNIGOLE-STROH