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Meeting international d’Athlétisme de Monaco

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Meeting Herculis, la naissance d’un géant

Alors que le 36e Meeting Herculis se déroulera le 10 août prochain, nous sommes partis sur les traces de la naissance de cette légendaire compétition d’athlétisme, bien aidés par son directeur de toujours, Jean-Pierre Schoebel.

A l’image d’Hercule qui, selon la croyance nationale, a construit le Port éponyme avec son pied, la Fédération monégasque d’Athlétisme (FMA) a bâti quelque chose de grand, avec « son » Herculis. Élu meilleur meeting au monde à sept reprises (1998, 2008, 2011, 2014, 2015, 2018 et 2020), membre de la prestigieuse et élitiste Diamond League depuis 2010, lieu d’un nombre incalculable de records du monde…

Marie-José Pérec, Carl Lewis.

Depuis sa création il y a 36 ans, le rendez-vous monégasque de l’athlétisme mondial n’a cessé de monter en puissance. Et fait se déplacer les foules et les athlètes. Usain Bolt, Carl Lewis, Marie-José Pérec, pour ne citer qu’eux, ont marqué de leurs empreintes le tartan du Louis-II. Un parcours que jamais Jean-Pierre Schoebel, le directeur du meeting depuis ses débuts, n’aurait pu envisagé en 1987, lui qui a tout appris « sur le tas » comme il n’oublie pas de le rappeler.

Deux matches internationaux en mise en bouche

Rembobinons le fil de l’histoire. Automne 1986. Le stade Louis-II a ouvert ses portes l’année précédente, après quatre ans de construction. La FMA, elle aussi, vient de voir le jour. « La création du stade a créé une chose, c’est la fédération qui, jusqu’alors, n’existait pas. Nous étions un club de l’AS Monaco, associés avec la France, mais on n’avait pas d’identité nationale monégasque. La FMA a été créée en 84 avec, dès ses débuts, le Prince Albert, qui était alors prince héréditaire, à la présidence. Elle fut officiellement affiliée la même année à l’IAAF (International Amateur Athletics Federation, aujourd’hui World Athletics, dont le siège est basé à Monaco depuis 1993, ndlr). Et c’est de là qu’ont commencé à naître les premières ambitions. En 85, quand on a voulu faire une compétition d’inauguration, on a pu voler de nos propres ailes et contacter quatre pays pour leur proposer de s’affronter lors d’un match international », se rappelle Jean-Pierre Schoebel.

Sergey Bubka

En mai 1985, seulement quelques mois après son inauguration par le Prince Rainier, le Louis-II accueille la toute première épreuve de la FMA. Un match sur deux jours, entre l’Allemagne, la France, les Etats-Unis et l’Italie. L’expérience sera reconduite l’année suivante, en juillet, avec une épreuve entre la France, la Pologne, l’Espagne et l’Italie cette fois durant « laquelle nous nous étions franchement ennuyés sous un ciel gris et pluvieux ce qui est tout de même très rare ici », soulignait d’ailleurs le Prince Albert II dans l’ouvrage Herculis, 30 ans d’athlétisme à Louis-II de Michel Fradet.

Car si l’organisation de ces matches furent un succès pour la FMA, leur bilan est en demi-teinte. « Je pense que les gens ne veulent pas venir voir une équipe nationale. Ils sont intéressés par celles-ci lors des championnats d’Europe ou du monde, mais sinon le public veut voir les meilleurs, les stars… et ces dernières ne venaient pas forcément pour les matchs. Ceux qui ont fait le meeting, ce sont les Carl Lewis, Merlene Ottey, Sergey Bubka, Marie-José Pérec… », analyse Jean-Pierre Schoebel. Mais si le succès ne fut pas forcément au rendez-vous auprès du public, il pave la voie du futur. Car à l’heure d’organiser l’événement de 1987, la question se pose.

Merlene Ottey

Le directeur se remémore la scène : « A la suite d’une des réunions de fédérations, on s’est demandé ce que l’on allait faire. C’est là que notre président nous a dit que l’année suivante, nous ne ferions plus de matches, mais un meeting. » Avant d’ajouter : « Le vice-président de la fédération, Bernard Fautrier, marchait un peu sur les œufs. Moi j’étais très réticent parce que je me doutais un peu de ce que ça serait. Mais le Prince nous a dit : ‘Non, non, on fera un meeting’« .

Apprentissage sur le tas

Et ils l’ont fait, même si au premier abord, l’ambitieuse idée du Souverain inquiète. Il faut dire que si Jean-Pierre Schoebel, ancien décathlonien qui a participé aux Jeux de Munich en 1972, connaît bien le monde de l’athlétisme, il n’en était certainement pas de même en matière d’organisation d’un événement d’une telle envergure. Recruté en 1974 pour entraîner au club asémiste et enseigner au Lycée Albert Ier, le responsable technique de la FMA avait pour seule expérience le Meeting Nikaia, du voisin niçois, où il fut officiel bénévole.

Le Prince Héréditaire Albert, président de la Fédération monégasque d’athlétisme, son vice-président Bernard Fautrier et Serge Premont, secrétaire général.

Heureusement, dans sa mission, il trouvera des aides précieuses, notamment Raymond Lorre, le directeur du meeting du Paris, et par Jacky Delapierre, en charge de celui de Lausanne. « Je me souviens des premières fois… Lors de mes déplacements, personne ne me connaissait. J’ai vraiment été pris par la main par Jacky. Après avoir discuté pour sa propre épreuve, il leur disait :  »maintenant, je vous laisse avec mon collègue qui s’occupe du meeting de Monaco ». Je ne connaissais pas les managers, qui sont les personnes à connaître. Cela se fait vite mais c’est plus facile d’être introduit par quelqu’un, surtout lorsqu’on est une compétition qui démarre », se remémore le directeur d’Herculis qui reconnaît avoir bien été aidé par un autre argument de poids… la localisation. « Quand j’ai commencé avec mon bâton de pèlerin, je venais avec un dépliant avec photo du bord de mer. Quand on le donnait à un agent, c’était  »Ah, un meeting à Monaco !’« 

De quoi commencer les négociations du bon pied à cette époque où le directeur se déplaçait de compétitions en compétitions pour recruter son plateau. Jean-Pierre Schoebel est alors un simple bénévole amateur, qui fait cela en plus de son travail d’enseignant. Mais rapidement, avec la montée en puissance du rendez-vous monégasque dès l’année suivante, l’organisation s’est structurée. « J’ai été mis à mi-temps sur le meeting, puis à plein temps et ensuite on a embauché. D’abord Frédéric (Choquard), très vite, puis Piera (Parodi), qui est presque de l’aventure depuis le début… On a grandi, on s’est étoffé. Et il y a eu ensuite plein d’autres évolutions. »

Match international de 1986 : Stéphane Caristan (au centre) remporte l’épreuve en 13″44, bien devant Carlo Sala (à droite) et Gianni Tozzi.

A voir la belle équipe de cinq personnes qui s’occupe, à l’année, du meeting et le bureau de la Fédération, au quatrième étage du Louis-II, ils semblent bien loin ces tout-débuts. « Quand je l’ai rejoint, il travaillait dans un petit bureau, sans fenêtre, qui faisait la moitié de celui que nous partageons aujourd’hui. Il y avait le télex, on venait travailler la nuit pour appeler les Américains », se rappelle Frédéric Choquard, entraîneur au club, et l’adjoint de Jean-Pierre Schoebel depuis 1988. « C’était horrible parce que tout se faisait au téléphone. Et les Américains ne connaissaient pas le décalage horaire. Ils m’appelaient à mon domicile, je me levais la nuit pour répondre au téléphone, cela réveillait presque toute la maison. Quand le fax est arrivé, ça a été la grande révolution », renchérit Jean-Pierre Schoebel .

Son nom sera Herculis

A force de travail, Herculis voit le jour quelques mois plus tard. Et avec lui, la Principauté renoue aussi avec la tradition des « Meetings de Monaco » qui ont émaillé les précédentes décennies, dès le début du siècle sous le règne du Prince Albert Ier. Outre les liens de la Principauté avec le semi-dieu de la mythologie romaine, c’est aussi à Herculis, l’un des premiers clubs monégasques, qui a rassemblé de 1903 à 1920 des sections gymnastique athlétisme et football, avant de fusionner avec l’Etoile de Monaco et ensuite de laisser place en 1924 à l’AS Monaco, que ce nouveau rendez-vous doit son nom. Un bel hommage proposé à l’unisson par le Prince Albert et Bernard Fautrier. Mais retournons sur le tartan du Louis-II en ce soir de la mi-septembre 1987.

Carl Thackery (au centre) remportera la course de l’heure avec 20,075 km parcouru devant Christophe Herlé (19,959), à sa droite, et Kipsubai Koskei à sa gauche (19,947).

Le ciel est dégagé, un léger vent balaie la Principauté, tandis que les températures tournent encore autour de 31°. Pour cette grande première, environ 80 athlètes, de toutes nationalités, ont répondu à l’appel de la Principauté. Parmi eux, on retrouvait quelques médailles des Jeux de Los Angeles (1984), à l’instar du marathonien irlandais John Treacy, du spécialiste jamaïcain du 100 mètres, Ben Johnson, ou encore du perchiste Thierry Vigneron, vainqueur du deuxième match de la FMA 1986. Pour sa toute première édition, le choix des épreuves s’est porté sur les épreuves pour lesquelles « on pouvait déjà trouver, nationalement, en France, des premières réponses favorables. On a été tout de suite intéressé aussi, vu la proximité, par les athlètes italiens. Maintenant encore, notre public est presque à 30/40 % composé de Transalpins », précise Jean-Pierre Schoebel.

Au programme, un format particulier, combinant épreuves traditionnelles (100 mètres, le 110 mètres haie, saut à la perche…) et le « Challenge Mondial de l’Heure ». « On a voulu faire quelque chose avec le quotidien L’Équipe, avec qui on s’est associé, et qui voulait relancer cette course qui leur était chère. Une course durant laquelle les athlètes parcouraient la plus grande distance possible sur une heure, avec un record du monde à battre », souligne le directeur. Un format qui ne fut plus jamais repris en Principauté. « La Course de l’Heure était un projet intéressant mais qui, pour moi, n’avait pas sa place dans un meeting. Déjà une course de 10 000 mètres, c’est plus de trente minutes. 5 000 mètres, c’est un maximum. Et à choisir, on préfère même un 3 000 mètres. C’est plus dynamique, sinon vous vous levez et vous allez boire une bière au bar », plaisante le directeur.

Si les tribunes sont encore clairsemées cette année-là, il ne faudra pas attendre longtemps pour que le rendez-vous monégasque trouve son public. L’année suivante, déjà, Herculis s’étoffe avant de connaître une véritable explosion en 1989, en accueillant la finale mondiale du Grand Prix IAAF Mobil, qui réunissait les meilleurs athlètes des plus grands meetings mondiaux. Avec 18 000 spectateurs, 350 journalistes, 30 télévisions nationales présentes… la machine est lancée. Mais ça, c’est un autre chapitre de cette belle histoire.

Aurore TEODORO

La 36e édition en août

En raison des championnats du monde qui se dérouleront du 15 au 24 juillet prochain à Eugène (USA), ce n’est pas au mois de juillet mais en août que se tiendra la 36e édition du Meeting Herculis de la Fédération Monégasque d’Athlétisme. Et c’est le mercredi 10 août que l’élite mondiale de la discipline a rendez-vous sur la piste monégasque avec, au programme chez les dames le 100m, 400m et 1500m, ainsi que le 400m haies et 3000m steeple. Le Louis-II accueillera également du saut à la perche, triple saut et le lancer de javelot. Du côté des hommes, les champions s’affronteront sur le 200m, 1000m, Mile, 3000m et le 110m haies, sans oublier le saut en hauteur et en longueur. Encore un beau programme en perspective !

Publié le 09 Juin. 08:51