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L’AS Monaco Football Féminin trébuche sur la dernière marche

Un rien. C’est ce qui a manqué à l’AS Monaco Football Féminin pour valider sa montée en Division 2 pour sa première saison sous pavillon américain. Impitoyables face aux équipes du coin en Régional 1 (22 victoires en autant de rencontres, 101 buts marqués pour 6 encaissés), elles ont écarté Bourges (0-1, 3-1) pour atteindre l’ultime étape avant le deuxième niveau national. 

En finale des barrages, les footballeuses de la Principauté ont rencontré un adversaire de taille, le Toulouse Football Club (TFC). Un ogre habitué des divisions supérieures : quadruple champion de France (1999, 2000, 2001, 2002), vainqueur de la D2 à deux reprises (1994, 2012), demi-finaliste de la Coupe de l’UEFA en 2001-2002. Et qui bénéficie, surtout, de l’appui et des moyens d’une structure professionnelle.

Au premier tour des barrages, les Toulousaines avaient renvoyé l’AS Mazères Uzos Rontignon à ses chères études (15-0 en aller-retour). Du côté du Rocher, on craignait un écart de niveau fatal. « On s’est dit que l’équipe était hyper impressionnante et combative, témoigne André-Pierre Couffet, le président de l’ASM FF. Finalement, on a fait jeu égal sur le premier match. On aurait même mérité de gagner. »

Un nul 2-2 au bout de 90 minutes au Stade Prince Héréditaire Jacques, le 19 juin, et une égalisation tardive des Occitanes sur un centre-tir. « Mes joueuses ont manqué d’efficacité (défaite 0-1 au retour). Toulouse et Monaco ont le même niveau, on en a la certitude à présent », commente Stéphane Guigo, entraîneur en poste depuis 2017, remplacé par Laurent Banide la saison prochaine.

Quatre joueuses américaines

Un constat qui en dit long sur la progression de son équipe et, plus globalement, du club. Elle est le fruit d’un travail de longue haleine des dirigeants. Ce dur labeur a connu une brusque accélération l’été dernier, lorsque Peak6, un groupe américain basé à Chicago et dirigé par Jenny Just et Matt Hulsizer, est devenu actionnaire majoritaire.

Les premiers contacts ont été initiés en 2020 par l’entremise de Jérôme de Bontin, ancien président de l’AS Monaco (2008-2009). Les deux parties se sont rapidement entendues sur une aide financière. « Peak6 nous a laissé les mains libres. Notre stratégie existait déjà, elle n’a pas changé du jour au lendemain », assure André-Pierre Couffet.

Le président poursuit : « Une entité s’est créée à Monaco. Elle est dirigée par Rudy Tarditi. Jérôme de Bontin a fait le déplacement depuis l’Illinois pour le match aller contre Toulouse. Il a un rôle d’intermédiaire avec Peak6, il nous conforte dans notre rôle. Ils prendront un peu plus de pouvoir avec le temps, ce qui est normal. Mais notre politique de club s’est pérennisée. »

Les Américains n’ont pas l’intention de faire une révolution de palais. Mais plusieurs changements sont déjà perceptibles. Le recrutement a été admirablement géré par l’équipe dirigeante. L’effectif s’est renforcé dans les secteurs où il affichait une faiblesse. Il s’est américanisé avec l’intégration de quatre joueuses originaires du pays de l’Oncle Sam.

Si Maddie Watson a rejoint l’ASM FF par ses propres moyens, Mary Niehaus (gardienne), Moeko Morse et Bree Fuller (milieux) ont gagné la Principauté par le biais d’un partenariat avec l’académie américaine Rush Soccer. L’objectif étant que ces joueuses connaissent une première expérience en Europe dans un cocon.

Parcours remarqué en Coupe de France

« Je viens d’Hawaii, se présente Bree Fuller. Je m’étais préparée pour l’écart de niveau sur le terrain, je n’étais pas surprise en arrivant. Les premiers temps ont été difficiles, mais je suis contente d’avoir profité de l’opportunité. Mes coéquipières et les dirigeants m’aident grandement. »

La société Capelli Sport a également emboîté le pas et équipe désormais toutes les licenciées de l’ASM FF. « On sent les moyens mis à notre disposition », tranche Houleye Deme. Capitaine de la formation monégasque depuis sa signature en 2019, la jeune femme met en lumière les entraînements « plus nombreux », associés à un travail de renforcement musculaire en matinée.

« Les filles ont des primes de victoire et sont défrayées pour venir aux séances, dévoile André-Pierre Couffet. C’est du donnant-donnant : si elles ne se présentent pas, elles écopent d’une amende. Sur les trois voire quatre entraînements hebdomadaires, on obtient un effectif quasiment complet. Stéphane a pu convenablement préparer ses matches. »

L’exigence est montée d’un cran. Les performances sur le terrain ont gagné en qualité. L’AS Monaco FF a changé de statut. Toujours dans les clous du carnet de route – déjà en position de barragiste pour la D2 en 2019/2020 avant le gel des compétitions -, elle s’est transformée en prétendante sérieuse à la montée.

La formation monégasque a rendu la vie impossible à ses adversaires, les martyrisant à tour de rôle : 8-0 contre Toulon, 7-0 face à Carros, 10-2 infligé à l’ASPTT Marseille et 9-0 à Mouans Sartoux… « Notre championnat est limité. On a profité des matches amicaux de pré-saison et de notre parcours en Coupe de France (élimination en 1/8e contre Reims, une équipe de D1) pour prendre des repères et se jauger », avoue le président.

Hôtel et jet privé

Léa Malaret est plus incisive : « Le niveau de notre groupe a rarement été aussi faible. On l’a survolé. C’est le tort de notre région : il n’y a pas d’adversité préparatoire à l’étape supérieure. Avec l’OGC Nice, j’ai fait six ou sept barrages avant d’accéder à la D2. On s’écroulait à chaque fois parce qu’on rencontrait des équipes différentes, joueuses et mieux armées que celles du Sud-Est. »

Rien d’anormal, donc, à voir l’ASM échouer aux portes de la deuxième division. L’attaquante reprend : « Le club est prêt pour le grand saut. Les dirigeants ont déjà les réflexes et le comportement inhérents à une structure professionnelle. En début de saison, notre match à Avignon était programmé à 13 heures. On est arrivé sur place la veille et on a passé la nuit à l’hôtel. Scénario inconcevable pour une équipe de troisième niveau ! Pareil pour le déplacement de Coupe de France à Bastia en jet privé. On a tout entre nos mains pour réussir, les moyens et le soutien du club et des Américains. »

Ce n’était que l’an 1 sous la bannière étoilée. Et, malgré la déception finale, il augure de grands succès.

Jérémie BERNIGOLE-STROH

TROIS PISTES POUR UN STADE

L’AS Monaco Football Féminin dispute ses rencontres à domicile au Stade Joseph-Merceron de Blausasc. Outre la distance séparant la Principauté de la commune située dans l’arrière-pays niçois, l’enceinte ne répond pas aux exigences de la Fédération française de football (FFF). « Pour que le stade soit homologué en D2, il doit être de niveau T3. Or, celui de Blausasc ne remplit que les critères T5 », expose le directeur sportif, Thomas Martini. Un problème anticipé par l’ASM FF, pour ne pas se retrouver démuni aux portes du professionnalisme. Ainsi, trois tendances se dégagent. La première consiste à aménager le Joseph-Merceron pour valider le niveau T4 et demander une dérogation à la FFF. Cela permettrait aux Monégasques de s’entraîner et de jouer sur le même site. La deuxième piste les enverrait sur la pelouse du Stade Lucien-Rhein (T3) de Menton, qu’elles ont déjà foulée en Coupe de France contre Saint-Etienne en 2017. « On échange avec la mairie dans l’optique de disputer seulement nos rencontres, confirme Thomas Martini. On pourrait ainsi offrir un bon accueil à nos partenaires. » La troisième et dernière solution, c’est le Stade Prince Héréditaire Jacques à Beausoleil : « Nous avons pris attache avec les services concernés pour une formule entraînements + matches le week-end. »

JBS

UN DÉVELOPPEMENT EN MARCHE

Le 26 février dernier, la FFF a décerné à l’ASM FF le Label Or « école de football féminine », la plus haute distinction fédérale. Depuis quatre ans, le président André-Pierre Couffet et son équipe s’évertuent à développer la pratique en Principauté et dans les communes limitrophes. Aujourd’hui, ce sont 160 footballeuses qui détiennent une licence et garnissent les équipes monégasques dans toutes les catégories. Les éducateurs sont formés, passent des diplômes et assistent à des formations dispensées par la Ligue Méditerranée de Football, comme « accompagner une équipe de football U6 à U11 ». Récemment, l’ASM FF a mené une action en région parisienne. Elle a organisé un tournoi U15 en collaboration avec la Fondation Groupe Aéroport de Paris. Vainqueur de la compétition, le Paris Football Club (PFC) a été invité à un tournoi à Nice. L’idée était dans les cartons dès 2020, démontrant une longue réflexion concernant l’ouverture à l’échelle nationale. Interrogé à ce sujet, le club évoque également le projet de création de bourse, toujours en collaboration avec la Fondation, pour les jeunes profils issus des quartiers. Des adolescentes auraient ainsi l’opportunité de terminer leur cursus scolaire et sportif à Monaco en intégrant un établissement en internat – dont les coûts seraient pris en charge – tout en jouant pour l’ASM FF.

JBS

Publié le 26 Juil. 08:51