Mise en place il y a quelques mois seulement, l’association Dojo Kendo Iaido Monégasque compte une quinzaine de licenciés. S’ils pratiquent en extérieur pour le moment, faute de salle, cela n’empêche pas les élèves d’Axel Diebold de suivre les préceptes de leur senseï. Et d’avancer dans cette pratique aussi particulière que passionnante.
Quatre hommes alignés. Agenouillés, dos à la mer alors que le soleil vit ses derniers instants, l’heure est à la concentration. Et au respect. A leurs côtés, un »men » et un »shinai » (voir encadré). Le men n’est pas directement sur le sol, il repose sur les gants de chaque pratiquant. Ce temps de recueillement terminé, tous effectuent un salut avant d’enfiler cette sorte de masque et se relever, épée en main.
Un nouvel exercice va débuter, où la frappe et le déplacement vont être au cœur des débats. Axel Diebold, senseï du Dojo Kendo Iaido Monégasque, détaille comment effectuer sa coupe (nom donné au coup porté), avec le haut du shinai. « Nous utilisons le shinai, qui est un sabre en bambou et une représentation du katana japonais. Et comme pour le katana, on utilise la dernière partie du sabre, celle qui est tranchante, et que l’on essaye d’amener sur l’adversaire en différents points, tous au-dessus de la ceinture, de quoi être en affrontement direct avec son adversaire. » Bienvenue au kendo.
Une discipline historique
Comme pour beaucoup d’arts martiaux, le kendo (« la voie du sabre ») trouve son point d’origine au Japon. Dans sa forme actuelle, il est la version moderne du kenjutsu (« technique du sabre »), art martial alors enseigné aux samouraïs et une des techniques guerrières du Japon féodal. Le kendo peut être vu comme une forme d’escrime au sabre, qui se pratique avec deux types d’armes : le shinai en bambou et le katana en bois.
« Ce sont deux pratiques qui se font séparément et sont complémentaires. Le bokken, la pratique du sabre codifié, ce sont les katas, les combats scénarisés. Le fait d’avoir une présentation de katana dans la main permet d’avoir un sens de la coupe plus précis. Et comprendre l’utilisation plus claire du sabre, ce que l’on va essayer de réutiliser avec le shinai, le sabre en bambou, plus léger et plus long, mais où on doit avoir la sensation de coupe, car elle est omniprésente. Il y a un aspect scénarisé, avec la stratégie, l’appréhension des distances et le côté vitesse, puissance, avec le shinaï et l’armure« , explique Axel Diebold, 6e Dan et également entraîneur de l’équipe de France. Si le port de l’armure n’arrive qu’au bout d’un moment (entre 3 et 18 mois selon les pratiquants), la base de départ est la même pour tout le monde. Et passe par un apprentissage avec l’autre.
L’importance du partenaire
Lors de l’entraînement auquel nous avons assisté, les pratiquants ont effectué la majorité des exercices à deux. Une constante dans le kendo, art martial d’affrontement. « Le premier point est d’être capable avec l’autre, car on ne progresse pas sans l’autre. Il faut être capable d’améliorer sa technique, donc il faut un niveau technique et un niveau de partenariat nécessaires pour ensuite enfiler l’armure. »
Apprentissage des déplacements, appréhension des distances, maîtrise de l’arme, nombreux sont les éléments à . Le déplacement est d’ailleurs l’un des points fondamentaux de la pratique, comme le rappelle celui qui a notamment été champion d’Europe par équipe avec l’équipe de France. « C’est le côté visuel de la connexion corps-esprit. Ce que tu es capable de percevoir et que tu vas donner comme ordre à ton corps va se traduire tout de suite au niveau de tes jambes. Le déplacement va, au fil du temps, gagner en puissance, en rapidité, en précision. »
Codifiés (le pied droit est toujours devant le pied gauche), les mouvements se font généralement en »glissant », de manière à maintenir un équilibre perpétuel au sol. Si le kendo se pratique normalement sur un parquet dans un dojo, le club monégasque doit pour le moment se contenter de séances en extérieur. Il faut dire que le Dojo Kendo Iaido Monégasque est encore très jeune. Officiellement lancé en février dernier, il compte une quinzaine de licenciés, tous majoritairement débutants. Les bases sont donc particulièrement travaillées lors des entraînements. « On débute par le déplacement, pointe contre pointe, quelque chose d’assez simple, où on bouge tout de suite à deux. »
Port de l’armure
La maîtrise des premiers éléments permet ensuite d’enfiler l’armure. « L’apprentissage s’accélère. Le traumatisme arrive, parce qu’on reçoit un vrai coup, tu reçois toute l’énergie de quelqu’un sur toi, c’est génial comme sensation, parce que tu vas la donner aussi. La première difficulté, c’est de mettre l’armure, parce que c’est un peu contraignant pour bien bouger avec« , glisse, rieur, Axel Diebold.
Les coups sont alors portés sur des zones précises. Et lorsque l’on assiste à un combat de kendo, une chose peut surprendre. Les combattants crient lors des assauts. « On porte nos coups sur la tête, les poignets, la gorge et le torse, là où les parties du corps sont protégées. Et il faut annoncer le coup qu’on porte au moment où on le donne, sinon, lors des compétitions, le point n’est pas comptabilisé. Le cri qui accompagne la frappe marque son intensité. »
Et pour bien gérer cet aspect, il est nécessaire de bien travailler sur sa respiration, l’un des points importants en kendo. « C’est un point fondamental dans la pratique. Sur l’expiration, tu es concentré, tu peux être présent, tandis que sur l’inspiration tu perds de la concentration. Il faut donc maximiser la longueur de l’expiration et apprendre à travailler sous une forme d’asphyxie légère car lorsque tu cries et que tu lances ton attaque, tu perds de l’oxygène. Mais il faut être capable d’être conscient et continuer ta frappe et ton action jusqu’à la fin. »
S’engager à 100 %
Si les entraînements sont construits sur un schéma simple, avec une partie sans armure, une avec, des combats en armure avant de terminer par une séance d’étirements, les kenshi ou kendoka (pratiquants du kendo) ressortent de ces séances d’environ deux heures assez fatigués. L’intensité des entraînements retranscrit celle des combats en compétition et de la philosophie même du kendo, où l’on doit s’engager à 100 %.
« Le kendo est un affrontement de la réalité. Et la réalité, dans le kendo, quand tu débutes, c’est d’affronter un nouveau milieu, inconfortable, avec un sabre, une armure, ce dont tu n’as pas l’habitude. Et là tu es dans l’étude du kendo, qui est de te sentir à l’aise, trouver tes marques, utiliser tes sens pour trouver ta place dans le dojo, en comprendre le fonctionnement. L’idée est ensuite d’aller dans d’autres dojo, d’autres milieux inconfortables pour se découvrir et gérer cet inconfort. Il ne faut pas oublier qu’on est sur un art martial lié à l’idée de vie ou de mort, on utilise un sabre, on peut mourir sur un seul coup. L’idée est de partir du fait qu’on peut mourir et de chercher de quelle manière on peut mieux le vivre. Ça met en lumière tout le côté émotionnel de l’être humain, voir comment il va être capable d’agir de manière sereine face à une situation compliquée. »