Septième du dernier championnat du monde de Formule 1, Charles Leclerc a vécu une saison aigre-douce, malgré le renouveau de la Scuderia Ferrari. Sans la malchance qu’il a rencontrée lors de certaines courses, le Monégasque aurait pu viser bien plus haut. Alors que la discipline connaît une profonde refonte technique en 2022, le joyau de la Principauté, qui entame sa cinquième saison dans l’élite, a une belle carte à jouer.
La saison 2021 de Formule 1 s’est refermée sur un feu d’artifice à Abu Dhabi, un final de rêve, une lutte palpitante entre Max Verstappen, nouveau patron de la discipline, et Lewis Hamilton, septuple champion du monde tombé de son trône. Le roi est mort, vive le roi ! Dans le sillage du Néerlandais de 24 ans, porte-étendard de la nouvelle vague, plusieurs jeunes pilotes affûtent discrètement leurs ailerons et travaillent leur coup de volant. Cette année, on a vu George Russell (Williams) marquer ses premiers points puis être promu chez Mercedes, Lando Norris (McLaren) flirter avec la victoire en Russie, Esteban Ocon (Alpine) inscrire son nom au palmarès des vainqueurs de Grand Prix…
Et Charles Leclerc, dans tout ce joyeux bazar ? Pour son troisième exercice sous la combinaison rouge, le Monégasque de 24 ans a achevé la saison à une belle septième place au classement Pilotes, dépassé lors de l’ultime course par Norris et, surtout, son coéquipier Carlos Sainz. Avec ce dernier, ils ont entamé un spectaculaire redressement de la Scuderia Ferrari, dont le niveau frôlait l’indigence l’année précédente, au grand dam du rapide et fougueux Leclerc. Si la mythique écurie a concentré toutes ses forces sur le changement de réglementation qui interviendra en 2022, elle a tout de même apporté un certain nombre d’améliorations sur la SF-21 en cours de saison. Le nouveau V6 Turbo Hybride installé en Russie coïncide d’ailleurs avec l’avantage pris par les Transalpins sur McLaren, leur principal adversaire. Forte de sa paire de pilotes, souvent présentée comme la plus équilibrée de la grille, la marque au cheval cabré a pris la lumière en se hissant sur la troisième marche du championnat Constructeurs. « Je l’ai souvent dit, mais je pense que nous avons le meilleur duo de la grille », s’est congratulé Mattia Binotto, patron de la Scuderia.
La malchance à Monaco, le bowling en Hongrie
Le plus équilibré, c’est certain. A eux deux, Sainz et Leclerc ont inscrit 323,5 points en 2021, soit 202,5 de plus que l’an dernier. Pour sa première saison en Rouge, et alors qu’il s’inscrivait dans le rôle d’un second couteau, l’Espagnol a pris la mesure du Monégasque et l’a battu de 5,5 unités. « Beaucoup de gens à Maranello sont surpris qu’il ait pu mettre une telle raclée à son coéquipier cette année », a osé Bernie Ecclestone, grand argentier de la F1 durant quatre décennies, dans le quotidien suisse Blick. « Pour moi, Leclerc a toujours été un très bon pilote, mais sans plus. » Connaissant le personnage, jamais avare en déclarations perfides, on ne s’attardera pas sur le tacle gratuit. Il est vrai que Sainz est monté à quatre reprises sur le podium (dont un après le déclassement de Sebastian Vettel en Hongrie), contre une seule fois pour le joyau de la Principauté. Ce léger avantage, il le doit à son opportunisme, sa régularité, son sens et son rythme de la course… mais aussi à la malchance de son coéquipier. S’il admet « avoir été beaucoup poussé » par le Madrilène, Leclerc a connu des hauts et des bas, sortant frustré de cette longue saison. Il a conservé sa pointe de vitesse sur un tour, en attestent ses pole positions décrochées à Monaco (abandon avant le départ) et en Azerbaïdjan (P4). Lors du Grand Prix de Grande-Bretagne, il fut à trois tours de signer la première victoire de Ferrari depuis Singapour 2019, avant de voir Hamilton (Mercedes) fondre sur lui dans une folle remontée. Pris dans un carambolage au départ du Grand Prix de Hongrie alors qu’il s’élançait depuis le septième emplacement – « une partie de bowling » regrettera l’intéressé, désabusé -, le pilote Ferrari a abandonné des points qui se seraient révélés précieux en fin de saison.
Prises de risque
Et, sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, sa pole à Monaco avait des allures de victoire, tant dépasser dans les rues escarpées de la Principauté est une corvée, même pour les meilleurs pilotes du monde. Binotto estime qu’il manque « au moins 40 points » dans le classement de « Carlito », qui aurait alors pris la quatrième place du général. « Je suis très heureux de voir les progrès que Charles a réalisés cette saison. Il a toujours été très rapide en qualifications, même dans la dernière partie de la saison où Carlos le défiait peut-être un peu plus. Il a en outre appris à mieux gérer les pneus, les situations et le rythme de course. Je suis donc plutôt satisfait des progrès qu’il a accomplis », a précisé le patron de la Scuderia Ferrari.
Leclerc, lui, affirme avoir progressé dans « la gestion de course » : « C’était l’une de mes faiblesses. Donc j’ai travaillé là-dessus en 2020, je me suis beaucoup amélioré et je pense que c’est devenu une de mes forces cette année. » Il consent toutefois une difficulté à trouver le bon équilibre entre des qualifications disputées le couteau entre les dents, et une épreuve maîtrisée le dimanche : « Je ne l’ai probablement pas encore trouvé. Parfois, je sacrifie un peu plus mes qualifications pour être bon en course comme nous l’avons vu quelques fois en 2021. » Avec des dégâts estimés à 4 046 000 euros par Sky Sports Allemagne cette saison (deuxième total derrière Mick Schumacher), le Monégasque devra tempérer ses ardeurs et mieux calculer sa prise de risque, même si son écurie ne lui en a pas tenu rigueur. « Nous avons encouragé nos pilotes à repousser les limites », a confirmé Laurent Mekies, responsable de l’activité piste de Ferrari. « Ce sera différent en 2022. Nous avons besoin de tout l’argent disponible pour le développement de la voiture. »
Resserrer les rangs en 2022
La Formule 1 entre, en effet, dans une nouvelle ère avec la refonte du règlement technique. Garantir plus de spectacle et équilibrer les débats entre les écuries étaient les objectifs annoncés par les instances lors de la présentation de la nouvelle monoplace, l’été dernier. Les voitures vont changer de style. La partie aérodynamique sera retravaillée et simplifiée, entraînant le retour de l’effet de sol. L’aileron sera agrandi, celui à l’arrière arrondi. Ces changements, couplés à la suppression des déflecteurs latéraux, auront pour conséquence directe de faciliter les dépassements. Lorsque les monoplaces se suivront, elles ne seront plus autant gênées par l’air sale (on évoque une réduction de 35 à 4% de pertes d’appui au sol lorsqu’un pilote se trouve à 20 mètres d’un concurrent). Les pneus passeront de 13 à 18 pouces pour lutter contre leur dégradation rapide. Ajoutez à cela un plafond budgétaire de 140 millions de dollars par écurie et le gel des moteurs pendant trois saisons, et vous devriez obtenir – normalement – des courses disputées et une lutte à trois, quatre voire cinq équipes pour le titre.
« Compte-tenu de l’écart encore grand avec Mercedes et Red Bull, notre objectif sera de gagner des courses. Le bouleversement va créer des opportunités, mais ce que nous voulons, avec ce changement réglementaire, c’est être capable de réagir vite lorsque nous découvrirons ce qu’ont fait les autres », a tempéré Binotto lors du bilan de fin de saison de la Scuderia Ferrari. Tout autre résultat final qu’une place sur le podium Constructeurs sera considéré comme un échec pour les Transalpins. Battu pour la première fois par son coéquipier en F1, Leclerc est donc attendu au tournant. « Mes sensations ne font que s’améliorer à chaque séance de simulateur », a-t-il indiqué à Motorsport.com à propos de la nouvelle monoplace. « C’est positif pour l’instant, car cela montre que nous travaillons dans la bonne direction. Nous verrons ensuite où nous nous situons une fois que nous aurons pris part aux essais de pré-saison (Barcelone les 23, 24 et 25 février, Bahreïn les 11, 12 et 13 mars). »
A l’aube de sa cinquième saison dans l’élite, le Monégasque a bien compris une chose : la vérité d’hier n’est pas celle de demain, encore plus en sport automobile. Surtout que la saison qui arrive sera la plus longue de l’histoire (voir encadré) et comportera six courses sprint. Entre lui et Sainz, les compteurs sont remis à 0. Chez Ferrari, il y deux très bons pilotes qui rêvent du titre mondial. Pas de numéro 1 ni de numéro 2. Du moins, pour le moment. Vivement l’extinction des feux à Bahreïn, le 20 mars.
Par Jérémie Bernigole-Stroh
Le calendrier 2022*
- 20/03 : Grand Prix de Bahreïn (16 h)
- 27/03 : Grand Prix d’Arabie Saoudite (18 h)
- 10/04 : Grand Prix d’Australie (7 h)
- 24/04 : Grand Prix d’Emilie-Romagne (15 h)
- 8/05 : Grand Prix de Miami (à définir)
- 22/05 : Grand Prix d’Espagne (15 h)
- 29/05 : Grand Prix de Monaco (15 h)
- 12/06 : Grand Prix d’Azerbaïdjan (14 h)
- 19/06 : Grand Prix du Canada (20 h)
- 3/07 : Grand Prix de Grande-Bretagne (16 h)
- 10/07 : Grand Prix d’Autriche (15 h)
- 24/07 : Grand Prix de France (15 h)
- 31/07 : Grand Prix de Hongrie (15 h)
- 28/08 : Grand Prix de Belgique (15 h)
- 4/09 : Grand Prix des Pays-Bas (15 h)
- 11/09 : Grand Prix d’Italie (15 h)
- 25/09 : Grand Prix de Russie (14 h)
- 2/10 : Grand Prix de Singapour (14 h)
- 9/10 : Grand Prix du Japon (7 h)
- 23/10 : Grand Prix des Etats-Unis (21 h)
- 30/10 : Grand Prix du Mexique (20 h)
- 13/11 : Grand Prix du Brésil (18 h)
- 20/11 : Grand Prix d’Abu Dhabi (14 h)
* Sous réserve de modifications