Pour sa première participation à l’Euroleague, la plus prestigieuse des compétitions du Vieux continent, l’AS Monaco Basket a déjoué tous les pronostics. L’équipe entraînée par Sasa Obradovic a fait douter l’Olympiakos, grand d’Europe, dans des quarts de finale endiablés. Et s’est érigée en porte-drapeau du basket français.
Une série dantesque comme acte de naissance ? On serait tenté de le penser, au lendemain de la fin de parcours en Euroleague de la Roca Team, tombée avec les honneurs en quarts de finale face à l’Olympiakos dans un Stade de la Paix et de l’Amitié tout sauf pacifique et accueillant. C’est dans un panache de fumée rouge que s’est dissipé le rêve monégasque. Privée d’Alpha Diallo, l’un de ses atouts défensifs, la Roca Team s’est arrêtée aux portes du dernier carré en concédant la dernière manche dans les ultimes instants (94-88), le 4 mai.
L’ASVEL reste donc, un an de plus au minimum, le dernier club français à avoir atteint le Final Four de la prestigieuse compétition continentale. C’était en 1997. Hasard ou destin, l’Olympiakos a conquis son premier titre européen la même année. Depuis, le club grec est devenu un monstre sacré. Il a fait main basse sur deux nouveaux trophées en 2012 et 2013. A érigé une forteresse presque imprenable.
La légende raconte que nombreuses furent les équipes à sortir traumatisées de cette salle et ses tribunes incandescentes, décrite comme l’une des plus chaudes d’Europe. Le genre d’ambiance électrique à faire disjoncter les plus grands joueurs. Star des Brooklyn Nets, Kevin Durant a assisté à la rencontre depuis les tribunes. Il était déjà aux premières loges à Gaston-Médecin cinq jours avant. En Grèce, l’ami de Mike James a posté une vidéo de la fin du match entre les pétards, les fumigènes et l’envahissement du terrain qui se tramait. La légende ? « Apocalypse. »
Renverser des montagnes
Impressionné, le triple champion NBA ? Cela suffit à mesurer l’exploit déjà majuscule accompli par les hommes de Sasa Obradovic, parvenus à pousser un grand d’Europe dans ses retranchements, dans un Match 5 au scénario hitchcockien. C’est la première fois de l’histoire de la compétition qu’un club débutant disputait les playoffs. L’affaire était loin d’être entendue. Elle était même plutôt mal embarquée. Car le rêve asémiste s’est transformé en cauchemar plus d’une fois.
La série de cinq défaites entre novembre et décembre présageait une funeste destinée à cette équipe talentueuse, menée par les caractériels Zvezdan Mitrovic sur le banc et Mike James sur le parquet. La machine de guerre monégasque, qui avait roulé sur l’EuroCup l’an dernier, était-elle déjà en train de s’éroder ? Un panier au buzzer de William Howard depuis le milieu du terrain avait créé le désordre au pied du Rocher. Paradoxalement, ce revers contre l’ASVEL (84-85) sur une action incroyable fut aussi le tournant de la saison. Deux nouvelles défaites ont eu raison de Mitrovic, que l’on disait en conflit avec son meneur américain.
Sasa Obradovic, passé par la Principauté entre janvier 2019 et juin 2020, a accouru au chevet de la Roca Team. Avec une mission bien définie mais franchement compliquée : remporter treize des seize dernières rencontres et se qualifier pour les playoffs. Condition sine qua none pour une reconduction en Euroleague la saison prochaine. La suite ? Treize victoires. Simple. Basique. Vraiment ? Non.
Péripéties
Parce que, patatras, voilà que la guerre en Ukraine éclate en février. Et que, dans le sillage des sanctions prises à l’encontre des entités russes, le CSKA Moscou, l’UNICS Kazan et le Zenit St Petersbourg se retrouvent exclus de la compétition en mars. Avec eux disparaissent leurs résultats. Adieu, donc, les trois victoires en quatre matches de l’AS Monaco, équipe la plus pénalisée par cette décision de l’instance. Du cinquième rang, elle chute à la huitième place, synonyme de dernier strapontin pour les playoffs. L’Etoile Rouge de Belgrade, club de cœur d’Obradovic, est en embuscade.
Mais le Serbe et ses joueurs réalisent un sans-faute dans le sprint final et dépassent même le Bayern Munich. « Quand je suis arrivé, j’avais forcément de nombreux doutes, assumait l’entraîneur de la Roca Team à la sortie du Match 5 contre l’Olympiakos. Je me posais la question : que faire ? J’ai eu le soutien de tous, et les joueurs ont suivi en travaillant dur en permanence aux entraînements. En tant que coach, je ne peux qu’être fier et heureux de ce qu’on a fait. »
Nouvelle présidence
En quelques mois, l’AS Monaco Basket s’est posée en porte-drapeau du basket français. Ce statut, elle le doit en majeure partie à Sergei Dyadechko. L’homme d’affaires ukrainien l’a sorti des méandres des basses divisions en 2013 pour la porter sur le toit de l’Europe, huit ans plus tard. S’il a pris du recul en février dernier après avoir conquis plusieurs titres, l’ancien président n’a pas laissé son bébé dans les mains de n’importe qui.
Le nouvel homme fort de la Roca Team n’est autre qu’Aleksej Fedoricsev, milliardaire russe à la tête de Fedcom, une société de négoce spécialisée dans la vente d’engrais. Un partenaire majeur du club depuis plus de trois ans… et un sponsor de l’Euroleague. Toujours utile pour une transition dans la douceur. Et pour pérenniser la présence monégasque dans la compétition européenne.
Après la défaite contre l’Olympiakos, alors que son équipe a fait la course en tête durant une grande partie du match, Sasa Obradovic traçait la route à suivre : Il faudra, par exemple, réussir à conserver les Mike James, qui figure dans l’équipe type de l’Euroleague, Donta Hall ou encore Dwayne Bacon. Ou bien faire venir d’autres grands noms français et étrangers au bord de la Méditerranée, dans une salle Gaston-Médecin rénovée cet été et portée à 5 000 places. Pour continuer de grandir. D’espérer. De gagner. Après ce galop d’essai, une chose est sûre : si la fumée blanche annonce la nomination d’un nouveau pape, la fumée rouge du Pirée, elle, augure l’avènement d’un nouveau cador.