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Le Prince Albert II a évoqué l'importance que le sport représentait pour son père. Une passion commune.Le Prince Albert II a évoqué l’importance que le sport représentait pour son père. Une passion commune.

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ENTRETIEN – Prince Albert II : « Nous bénéficions encore de son travail »

Infrastructures, réformes, vision… Le Prince Albert II assure que la vitalité du sport monégasque à travers les décennies découle de la voie tracée par son père, le Prince Rainier III.

Accueillant et bienveillant à notre égard, comme à son habitude, le Souverain a bien voulu se confier sur l’œuvre de son père en termes de sport. Avec grande humilité, il n’a pas fait allusion à ses propres actions pour le sport à Monaco. Car si le Prince Rainier III était un visionnaire, des réajustements nécessaires ont dû être opérés car le monde évolue, et le sport avec.

Que représentait le sport pour le Prince Rainier III ?

Mon père était un passionné. Il accordait une très grande attention au sport. L’éducation qu’il a reçue peut l’expliquer. Il a grandi à la fois en Suisse, en France et en Angleterre, où le sport occupe toujours une place importante. Il a ainsi goûté à plusieurs disciplines, principalement le football, le rugby et la boxe. Quand il était de retour à Monaco, il s’essayait aux sports nautiques, mais également au squash, au tennis, au golf… De plus, mon père croyait beaucoup aux bienfaits du sport-santé et du sport à l’école. Il a encouragé le développement des associations sportives en Principauté et de la pratique du sport de haut-niveau à travers la construction de nouvelles infrastructures et l’adoption de plusieurs réformes. Nous bénéficions encore de son travail.

Voyait-il le sport comme un moyen de fédérer un peuple et de faire connaître son pays à l’étranger ?

Tout à fait. Le tournoi de tennis ou encore le Grand Prix de Monaco existaient déjà avant son accession au trône, mais il a permis une diffusion internationale encore plus considérable. Mon père voulait être informé des évolutions dans le sport monégasque, de l’organisation des grands évènements sportifs… Avec ma mère, ils ont largement contribué à faire connaître la Principauté comme destination sportive. Leur priorité, aussi, était d’offrir le plus large éventail de disciplines à la jeunesse de notre pays.

Quel héritage sportif vos parents vous ont-ils laissé ?

Nos parents ont été une source d’inspiration pour mes sœurs et moi-même. Ils nous ont toujours encouragés à faire du sport. Je me souviens que mon père nous sondait avant chaque rentrée scolaire sur la discipline que nous souhaitions pratiquer. J’étais heureux de l’accompagner sur des évènements comme les Jeux olympiques ou d’aller au stade pour voir jouer l’AS Monaco.

Était-ce une manière, aussi, de passer du temps avec lui ?

Bien sûr. Ces sorties furent de belles occasions pour se retrouver et partager notre passion commune pour le sport.

Au sortir de son bureau, affichés sur le mur du hall, les souvenirs sportifs marquants en images et en diplômes du Prince Albert II.
Au sortir de son bureau, affichés sur le mur du hall, les souvenirs sportifs marquants en images et en diplômes du Prince Albert II.

Son règne a été marqué par un tournant considérable dans le sport scolaire. Quelle a été l’importance de ses réformes ?

Mon père a étudié le système mis en place dans d’autres pays et il est parvenu à l’adapter aux spécificités de la Principauté en termes d’organisation scolaire. Les horaires aménagés ont été compliqués à mettre en place car certains professeurs et directeurs d’établissement n’étaient pas tout à fait convaincus au début. Mais il a gardé le cap et a réussi à les instaurer. Il tenait également beaucoup au Pass’Sport et aux bourses sportives, qui permettaient aux athlètes sélectionnés par le Comité olympique monégasque de se consacrer à 100 % à leurs performances.

Quelle image a-t-il laissé au Comité international olympique (CIO), dont il fut membre de 1949 à 1950 ?

Il ne restait que peu de témoins de son époque lorsque je suis devenu à mon tour membre du CIO en 1985. Quelques anciens se souvenaient de son intérêt pour le sport, de sa gentillesse et de son ouverture d’esprit. Mon père nourrissait une amitié sincère avec deux anciens présidents du CIO : Lord Killanin, qui fut consul de Monaco en Irlande pendant une vingtaine d’années ; et Juan Antonio Samaranch, qu’il a invité pour l’inauguration du Stade Louis-II en 1985.

Le Prince Rainier III avait 16 ans lorsque le premier Stade Louis-II est sorti de terre. Quel souvenir en avait-il conservé ?

Pour être tout à fait honnête avec vous, il ne m’en a pas beaucoup parlé. Bien sûr, j’ai vu les photos et les films de l’inauguration. Mon père m’a dit que la préparation avait été quelquefois confuse, mais que la fête avait été belle et les célébrations à la hauteur de l’évènement. Il était surtout très fier de la seconde version.

Il était fréquent de le voir en tribune lors des matches de l’AS Monaco. Quel type de supporter était-il ?

Il était assez passionné. Il était capable de s’en prendre aux arbitres lorsqu’il estimait que les coups de sifflet n’étaient pas justifiés, ce qu’il fit assez régulièrement. (Il sourit) Il n’hésitait pas à manifester son mécontentement et sa frustration, mais il était tout aussi prompt à célébrer les belles actions et les buts. J’ai hérité de sa passion, même si je me suis beaucoup calmé. (Il rit)

Votre père disputait également des courses de véhicules historiques, à l’instar de la Londres-Brighton 1968 à bord d’une De Dion-Bouton de 1903.

C’est exact. Nous possédons d’ailleurs quelques images dans nos archives. Mon père participait à ce rallye de régularité avec Monsieur Benit, le patron de son garage. Il nous a autorisés à monter à l’arrière du véhicule sur certaines portions du parcours. Je me souviens qu’il faisait très froid. Nous étions emmitouflés. La voiture est tombée en panne à deux reprises, mais nous avions réussi à rejoindre Brighton. J’en garde un très bon souvenir.

Le Prince Rainier, la Princesse Grace et le Prince Pierre aux côtés des représentants monégasques pour les Jeux Olympiques de Rome.
Le Prince Rainier, la Princesse Grace et le Prince Pierre aux côtés des représentants monégasques pour les Jeux Olympiques de Rome.

Quelle fut sa réaction à l’annonce de votre carrière en bobsleigh ?

Il était surpris, et il le fut encore plus de ma longévité. (Il sourit) Mon père m’a posé quelques questions. Il m’a accompagné à l’un de mes entraînements à Saint-Moritz avant d’assister à une course durant laquelle il a pu parler aux entraîneurs. Comme tout sport de vitesse nécessitant le port d’un casque, le bobsleigh est assez dangereux. Mais mon père savait que tout était fait dans de bonnes conditions et que l’encadrement était sérieux. Il était content pour moi. Il n’a jamais essayé de me dissuader. L’aventure était belle et formatrice. Et puis le lien avec le CIO était formidable. Il était rare de mener de front une carrière administrative et une carrière sportive (Olympien à cinq reprises, le Prince Albert II était l’un des rares athlètes à disputer les JO tout en étant membre du CIO).

Vous avez perpétué son héritage avec des améliorations, des innovations et des consignes politiques qui, aujourd’hui, ont permis à plusieurs sportifs et collectifs d’éclore. Que penserait votre père du sport monégasque en 2023 ?

Je me pose la question de temps en temps. (Il réfléchit) Je pense qu’Il serait heureux et fier. Il aurait peut-être été frustré des résultats en dents de scie de l’équipe de football, même si le début de cette saison l’aurait satisfait. Mon père serait ravi que la réussite ne touche pas seulement les sports traditionnels : nous avons de plus en plus de très bons résultats dans des disciplines variées et la dynamique est bonne dans chaque catégorie d’âge. Il avait vivement encouragé la création des Jeux des petits Etats d’Europe (JPEE) car il sentait que cette compétition pouvait servir de tremplin pour le sport de compétition à Monaco. Il avait raison : le niveau général s’est indubitablement élevé. En étant le deuxième plus petit pays participant aux JPEE, Monaco s’est toujours stabilisé à la quatrième ou à la cinquième place du classement.

Et que penserait-il du Yacht Club qu’il a lui-même imaginé ?

Il en aurait été également fier. J’ose espérer qu’Il est satisfait du siège, du bâtiment et de tout ce qu’on peut y faire. Le Yacht Club est un formidable outil pour les amoureux de la mer et pour l’organisation d’évènements en Principauté. C’est une vitrine pour notre pays. Mon père nous inciterait à continuer.

Propos recueillis par Jean-Marc Moreno

Publié le 20 Déc. 09:42