Leader de Burgos-BH, vainqueur chez les professionnels et en discussion avec une grande équipe du World Tour, Victor Langellotti n’imaginait pas vivre autant de moments forts dans sa carrière.
Coureur-cycliste de l’équipe de deuxième division Burgos-BH, Victor Langellotti n’a pas participé au Tour de France et donc à ce sublime contre-la-montre entre sa Principauté natale et Nice. « Je fais ce parcours durant mes entraînements », se consolait-il avec humour par téléphone, le 15 juillet, en amont de l’ultime étape. Le Monégasque de 29 ans venait de débuter la seconde partie de saison au Portugal avec sa formation espagnole dont il est l’un des leaders. Pour combien de temps encore ? D’incessantes rumeurs l’envoient en effet garnir les rangs de INEOS Grenadiers, l’une des meilleures équipes de la planète vélo. Ses deux victoires d’étapes depuis 2022 et ses coups d’éclat réguliers lui ont ouvert les portes d’un nouveau monde. Langellotti savoure.
La dernière étape du Tour de France au départ de Monaco, c’est…
Magnifique pour les amoureux de sport et très difficile pour les coureurs. Ce contre-la-montre aurait pu être décisif, mais avec ce qu’a réalisé Tadej Pogacar dans les Pyrénées, je ne vois pas le Slovène perdre le Tour. Il devrait réussir à gérer le parcours entre Monaco et Nice, qui est très dur. Il n’y a pas un mètre de plat. Les coureurs devront garder de la force et de la lucidité.
Vous semblez le connaître par cœur.
Je fais ce parcours durant mes entraînements. C’est la maison ! Les pros résidant dans le coin avalent ces routes très régulièrement. J’y ai croisé Pogacar il y a quelque temps. Il était en pleine reconnaissance. Je suis sûr qu’il connaît la moindre plaque d’égout du trajet.
Vous souvenez-vous du Grand Départ du Tour de France en 2009 à Monaco ?
Et comment ! J’ai vécu un moment exceptionnel. Le jeudi se tenait la présentation des équipes. Chacune d’entre elles était accompagnée par un ou deux enfants des clubs de la région. J’ai eu la chance d’escorter les coureurs d’Astana, la grande formation de l’époque, composée de superstars comme Alberto Contador – qui remportera d’ailleurs le Tour. J’avais des étoiles dans les yeux. J’espérais connaître la même trajectoire que lui sans trop y croire.
Rencontrer vos idoles a peut-être été le déclencheur pour vous ?
C’est même certain. Ce départ a eu un impact important sur moi, une vocation est née. Cet épisode m’a permis de m’attacher encore plus au cyclisme et de me lancer dans l’aventure. Je rêvais d’être pro, de participer à un grand tour…
Comme la Vuelta ? Le Tour d’Espagne s’élancera depuis Monaco en 2026…
(Avec entrain.) Je ressentirais un immense bonheur. Prendre le départ depuis la Principauté, chez moi, devant mes proches, c’est mon objectif à moyen terme. Je ne peux même pas dire que j’en ai rêvé car ça dépasse l’entendement. Si ça se fait, je bouclerais la boucle en quelque sorte. En plus, je nourris un lien particulier avec l’Espagne puisque je roule pour une équipe espagnole depuis sept ans.
Vous venez d’attaquer la seconde partie de la saison. Comment jugez-vous vos six premiers mois de 2024 ?
La première partie s’est très bien déroulée, je suis assez satisfait de mes résultats. J’ai pu participer aux deux plus grandes courses de l’année pour Burgos-BH, le Tour de Catalogne et le Tour du Pays Basque, et côtoyer le gratin mondial comme Pogacar, Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel… J’ai bien « marché » au Pays Basque avec deux top 15 et une quatorzième place au classement général. La semaine suivante, je suis monté sur le podium de la Classique Grand Besançon Doubs entre Lenny Martinez et David Gaudu (Groupama-FDJ). J’espère faire au moins aussi bien dans la seconde partie de la saison avec notamment le Tour de Burgos.
On vous sent changé depuis vos victoires d’étape au Portugal et en Turquie. Quels effets ont-elles eu sur vous ?
Elles m’ont donné énormément de confiance en mes capacités et m’ont permis de croire un peu plus en moi. Je sens que je progresse énormément de course en course. J’ai passé un cap mental, et ça crée une sacrée différence. Pour savoir gagner, il faut avoir gagné. Quand on n’est pas habitué à jouer la victoire et qu’on se retrouve devant tout le monde, on se met une pression énorme et on perd ses moyens. Quand je me retrouve dans cette situation, je ressens toujours un peu de stress, mais je sais comment le gérer et rester concentré.
Comment expliquez-vous votre progression ?
Je roulais en catégorie espoir U23 lorsque les dirigeants de Burgos-BH m’ont recruté, il y a sept ans. Ils m’ont aidé à grandir, m’ont appris le métier. J’ai commencé en soutenant les leaders de l’époque, et j’en suis devenu un à mon tour par la force des choses. L’équipe m’a donné le temps d’apprendre, de franchir les paliers et m’a offert l’opportunité de performer. Je sais ce que je dois à mes coéquipiers, au staff et aux directeurs sportifs qui ont toujours cru en moi. Le cheminement a été assez long, j’ai beaucoup travaillé pour obtenir cette chance. Ça va au-delà de mes espérances.
C’est-à-dire ?
J’étais le plus heureux des hommes de passer professionnel. C’était mon rêve. Je me voyais faire une carrière honnête, courir toute l’année à un niveau un peu moindre. Les pros ne passent pas tous à la télé et pourtant ils vivent eux aussi ce rêve. Le travail est le même, les sacrifices également. Je pensais appartenir à cette catégorie de coureurs »anonymes », si je puis dire. Je n’aurais jamais pensé avoir la possibilité ou même la capacité de gagner des courses importantes. Au fond, on recherche tous ça. Aujourd’hui, je peux dire que j’ai porté le maillot de meilleur grimpeur de la Vuelta, l’un de mes meilleurs souvenirs sur le vélo.
De quoi peut donc bien rêver un cycliste monégasque de 29 ans après sept saisons chez les pros ?
De progression, encore et toujours. D’un passage dans une équipe du World Tour, la première division, dans une formation disputant les plus grandes courses du monde. J’aimerais courir à un meilleur niveau toute l’année, pas seulement trois ou quatre fois par an.
Vous nous tendez une perche qu’on ne peut ignorer : des rumeurs vous envoient avec insistance chez Ineos Grenadiers. Confirmez-vous l’information ?
(Eclat de rire.) Je m’attendais à cette question. On m’a envoyé l’article l’autre jour (L’Equipe du 5 juillet). Je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Je travaille avec mon agent pour trouver une équipe du World Tour. Les discussions sont en bonne voie.
Donc vous confirmez qu’il y a bien un intérêt ?
Oui, mais je ne peux pas dévoiler l’identité de l’équipe. Si un accord est trouvé, vous le saurez tôt ou tard… que ce soit pour un renouvellement de contrat ou une signature ailleurs…
Propos recueillis par Jérémie Bernigole