Dans une interview accordée aux médias de son pays dont Code Sport Monaco, le pilote monégasque a abordé plusieurs sujets mais surtout « son » Grand Prix qui se profile et qu’il adore.
Hier, à trois jours de reprendre la piste à domicile pour le Grand Prix de Monaco, Charles Leclerc s’est assis vingt minutes, montre en main, pour répondre aux questions des médias monégasque. Le discours du pilote de Ferrari n’a pas évolué depuis la dernière interview qu’il nous avait accordée, avant le début de la saison : il ne faut pas s’attendre à des miracles en 2021 et ce, malgré les progrès de la Scuderia et les performances de la SF21 qu’il a placée à deux reprises au pied du podium en quatre manches. Mais Charles Leclerc nourrit de grandes ambitions concernant la nouvelle réglementation technique, qui entrera en vigueur la saison prochaine. En attendant, il est impatient de courir chez lui ce week-end et a décrit le sentiment unique du pilote lorsqu’il dévale les rues de la Principauté à toute vitesse.
Charles, vous revenez à la maison deux ans après le dernier Grand Prix de Monaco. Sur Twitter, @AuRupteur a montré les dessins des élèves du Cour Saint-Maur vous encourageant. Qu’avez-vous pensé de cette délicate attention ?
Je les ai vus ! C’est juste trop mignon. (Il affiche un grand sourire) Ça m’a fait plaisir. Ça m’a aussi rappelé quand j’allais à l’école primaire. Ce sont des bons moments et ça fait chaud au cœur de voir que toute une classe a fait ces dessins pour moi et me soutient pendant ce Grand Prix. Ça me motive encore plus pour essayer de faire un bon résultat ce week-end.
Au moment d’aborder le rendez-vous monégasque, vous pointez en cinquième position du classement des pilotes, à sept petites longueurs du trio de tête. Auriez-vous signé pour ce scénario ?
Non, parce que j’espère toujours faire mieux. C’est sûr que, réalistiquement, si on se réfère à l’avant-saison, c’est le mieux qu’on pouvait espérer après une année 2020 très compliquée. On a beaucoup progressé, on est sur la bonne voie. On travaille bien. C’est positif. Mais je ne pense pas que j’aurais signé pour une 5e place. J’aurais peut-être signé pour la 1ère position du championnat, oui ! Même quand je débute une saison qui s’annonce compliquée, je crois toujours à la gagne. Mais bon, encore une fois, c’est une saison positive jusqu’à maintenant, on a toujours maximisé le potentiel de la voiture, ce qui est le plus important dans une année comme celle-ci où l’on est encore un petit peu en-dessous de nos attentes, parce qu’on essaye de récupérer le retard qu’on a pris après 2019. Cela fait partie du processus.
Comment expliquez-vous cette progression ?
Je pense que c’est clairement la façon dont on a travaillé tout au long de l’année dernière. La première partie de 2020 a été compliquée car il fallait accepter qu’on avait fait un pas en arrière et ce n’est jamais facile. Puis on a commencé à vraiment bien travailler, de manière constructive. On a tout de suite vu des petits progrès, même s’il est compliqué de faire des miracles. Surtout qu’il y a eu des restrictions techniques entre 2020 et 2021, donc on ne pouvait pas faire ce qu’on voulait avec la voiture. Mais on a bien bossé. Aujourd’hui, on le montre en piste. Je me répète peut-être, mais ce n’est clairement pas là où on veut rester, on veut se battre pour des victoires. Pour cela, il y a encore pas mal de boulot. Mais on travaille dans la bonne direction. Il n’y a pas une particularité qui s’est améliorée beaucoup plus que les autres, c’est vraiment un package global de la voiture, que ce soit le moteur ou l’aéro et le châssis. On a juste fait un pas en avant dans la bonne direction sur ces trois éléments, ce qui fait qu’on est plus compétitifs cette année que l’an dernier, en qualification comme en course.
Vous avez terminé deux fois quatrième en quatre manches. Vous ressentez un peu de frustration ou vous vous dites que c’est une étape obligatoire ?
De la frustration ? Non. C’est difficile, parfois, quand on fait tout parfaitement de notre côté, que ce soit la stratégie et le réglage, mais qu’il manque un peu de performance de la voiture pour aller chercher les premières positions. C’est toujours un peu compliqué à accepter de savoir que tout le monde donne absolument le maximum pour finalement prendre la 4e ou la 6e place. C’est encourageant, vu la situation dans laquelle on est, mais si on prend la photo globale de la Scuderia Ferrari, ce n’est clairement pas là où on veut se battre. C’est un peu bizarre mais je me dis surtout que cela fait partie de la reconstruction du Team, qu’on a fait des progrès. J’essaye de le voir, d’être assez objectif avec nous si on est en train de travailler dans la bonne direction. Et je pense que c’est le cas en ce moment. C’est vraiment le plus important pour l’instant. J’espère qu’on pourra se battre pour la gagne très bientôt.
Très bientôt, en 2021 ou en 2022 avec la nouvelle réglementation technique ?
Ce sera plus pour 2022. C’est une grande opportunité, les voitures changeront complètement. C’est la chance pour Ferrari de faire quelque chose de bien, surtout que cette nouvelle monoplace restera pendant quatre, cinq ans. (Il hésite) Je ne me rappelle plus exactement, je ne suis pas très bon avec le règlement technique ! Mais il est important de commencer sur de bonnes bases avec cette nouvelle voiture.
Verra-t-on des améliorations apportées sur la SF21 au cours de la saison ?
Pour 2021, il n’y aura pas de très grosses améliorations de notre part sur la voiture puisqu’on est très concentré sur 2022. Je ne m’attends pas à des miracles en 2021. On va essayer de maximiser la voiture qu’on a, mais il n’y aura pas de grandes modifications. Hormis les ‘normales’, celles concernant les appuis pour les différents circuits de la saison.
On sent une ambiance différente chez Ferrari cette année, depuis l’arrivée de Carlos Sainz Jr. Qu’est-ce qui change par rapport à Sebastian Vettel ?
Avec Seb, c’était un petit peu différent. Il avait beaucoup d’expérience, il connaissait très bien le Team quand je suis arrivé, alors que c’est tout nouveau pour Carlos. On est tous les deux très jeunes, c’est sa première année chez Ferrari. Il y a beaucoup d’enthousiasme, de motivation. On n’est pas dans la même situation qu’il y a deux, trois ans avec Seb où Ferrari sortait d’une période où l’écurie était assez forte et réussissait à se battre pour le titre. Là, on est plus dans une phase de reconstruction. Il y a beaucoup de motivation pour essayer de revenir au niveau où l’on veut être, c’est-à-dire se battre pour le titre. En voyant les améliorations en piste, ça nous fait espérer. Toutes les personnes dans le Team sont heureuses. Elles ont envie de retourner en piste pour montrer les progrès de la voiture. C’est un petit peu différent. Je ne crois pas que ce soit spécialement Carlos, mais plutôt la situation qui s’y prête.
Aujourd’hui, qu’est-ce qui sépare Ferrari de Mercedes ?
Honnêtement, ils ont plus de puissance et une meilleure voiture générale. On a fait une monoplace assez équilibrée cette année, dans le sens où, que ce soit le moteur ou l’aéro, on n’est pas beaucoup plus fort dans un domaine que dans l’autre, ce qui était le cas en 2019. Il faut vraiment qu’on réussisse à avancer, aussi bien le moteur que l’aéro pour 2022. Tous les Teams sont concentrés sur ce changement de règlement qui sera super important. Comparé à la Mercedes, c’est vraiment un package global. On doit bosser sur le moteur, sur l’aéro et le châssis. Ensuite, on réussira à atteindre leur niveau. On sait sur quoi travailler, on met tous nos efforts là-dedans pour essayer de combler le retard.
En juin 2020, Mattia Binotto avait dit que le souhait, chez Ferrari, était « que Leclerc devienne le meilleur pilote jamais vu en F1 ». Où en êtes-vous ?
C’est un objectif très haut ! (Il sourit) Ça fait très plaisir de l’entendre, ça montre que Mattia a confiance en moi et cela fait toujours plaisir de le savoir. Mais, très honnêtement, je me concentre sur moi-même, sur la route qu’il me reste à parcourir. J’ai encore énormément de travail. Je ne pense pas à toutes ces choses-là. Les éloges font toujours plaisir, mais ce sont les résultats qui comptent. Je veux ramener Ferrari dans la lutte pour le titre. Ce serait un challenge incroyable. Il y a un an, on n’était pas du tout dans notre position actuelle. On est bien meilleur. Ce serait juste génial de réussir à se battre à nouveau pour les premières places dans les prochaines années. Ensuite, ce sera à moi de faire la différence et le job. J’essaye de le faire dès maintenant, même si on se bat pour des positions un peu moins excitantes.
Le rapport de force peut-il changer à Monaco, où le pilotage peut se révéler plus important que la voiture ?
Je pense que c’était le cas à une époque, ça l’est encore un peu aujourd’hui mais, malheureusement, il y a tellement de différences et les pilotes sont si bien préparés pour les circuits comme Monaco… Le pilote peut bien sûr gratter deux, trois dixièmes, mais quand on parle des écarts entre Red Bull, Mercedes et les autres, c’est très compliqué pour nous de faire la différence. Surtout que ce n’est pas comme s’il y avait deux mauvais pilotes dans chacune de ces écuries ! Lewis et Max restent dans de meilleures voitures. Mais on ne sait jamais. En qualification, tout se joue sur un tour. Je donnerai tout et j’espère faire un bon résultat. Mais soyons réalistes : si Mercedes et Red Bull ne rencontrent pas de problèmes, ce sera très compliqué de les challenger.
Mais vous appréciez tout particulièrement les circuits urbains…
Oui. J’adore rouler à la limite de la voiture sans pouvoir jamais aller au-delà parce qu’avec les murs, on n’a pas le droit à l’erreur. C’est le challenge que j’aime en tant que pilote et c’est pour ça que Monaco a une place si spéciale dans mon cœur. Même si je n’étais pas Monégasque, Monaco resterait quand même ma piste préférée. Le ressenti du pilote quand il roule à toute vitesse dans cette ville est incroyable. J’adore.
Vous vous préparez différemment ?
Non, la préparation n’est pas forcément très différente. La semaine du Grand Prix est, elle, assez différente comparé aux autres car les essais libres ont lieu le jeudi, avant une pause le vendredi. C’est la seule fois de l’année. Le vendredi, on se pose avec les ingénieurs, on analyse beaucoup plus que sur les autres Grands Prix parce qu’on a plus de temps pour le faire. Sinon, la préparation du Grand Prix reste la même avec du simulateur, des rendez-vous avec des ingénieurs pour savoir exactement quelles sont les directions à prendre pour les réglages de la voiture.
La 78e édition du Grand Prix de Monaco marquera également les débuts de la Tribune Charles Leclerc. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Je suis très content. C’est la première fois que j’aurai une tribune à mon nom. Malheureusement, l’année dernière, tout avait été annulé. En plus, c’est le premier Grand Prix de l’année où l’on aura un peu de public. A Barcelone, il n’y en avait que très peu. Être ici à Monaco, à la maison, et savoir qu’il y aura des fans, ça me fait plaisir. La Tribune Charles Leclerc représente beaucoup pour moi. Petit, je regardais le Grand Prix en espérant un jour être en Formule 1. Des années plus tard, j’y suis, chez Ferrari en plus, et avec une tribune à mon nom et des personnes qui me soutiennent ! Ça fait plus d’un an et demi qu’on n’a plus personne sur les circuits et, même si je fais ce que j’aime et que je suis très chanceux de pouvoir voyager dans une situation pareille, ça fera plaisir de revoir des personnes qui nous soutiennent dans les tribunes. Cela nous fait espérer un retour à la vie normale très prochainement.
La pandémie n’a pas freiné le développement de la F1, puisqu’une nouvelle course à Miami dès 2022 a été annoncée il y a quelques semaines. Quels seraient les circuits historiques, ou non, que vous aimeriez voir ou revoir en F1, comme l’Afrique du Sud par exemple ?
J’aimerais beaucoup pour l’Afrique du Sud. Ce serait plus pour aller dans ce pays que je ne connais pas, plutôt que pour le tracé qui m’est inconnu. Pour Miami, je suis vraiment content, j’aime beaucoup les Etats-Unis, il y a une ambiance particulière là-bas. C’est vraiment cool de se rendre à Miami. Concernant le circuit que j’aimerais beaucoup faire en F1, celui de Macao, que j’ai connu en F3. J’adore les circuits urbains et Macao est l’un des meilleurs circuits que j’ai faits de toute ma vie. En F1, ce serait quelque chose d’incroyable.