Philipp Köhn, le nouveau gardien des Rouge et Blanc, est déterminé à prolonger la bonne série de résultats du club princier afin de le ramener sur la scène européenne.
En deux mois en Principauté, Philipp Köhn a eu le temps de faire beaucoup de choses. L’international suisse de 25 ans (il détient aussi la nationalité allemande) a exploré les environs avec Sam, son golden retriever. Il a rencontré des compatriotes, le pilote Nico Hülkenberg et le tennisman Alexander Zverev. Ce grand fan de Formule 1 a aussi pris le temps de s’approprier son nouvel appartement, dans lequel il a pris soin de ranger une relique : une combinaison portée en course par Sebastian Vettel, quadruple champion du monde avec Red Bull. Lui aussi est un pur produit de la galaxie créée par la boisson énergétique. L’AS Monaco est allé le chercher cet été au RB Salzbourg où il a enchaîné les bonnes performances en Championnat comme en Ligue des Champions (16 matches). Une compétition qu’il entend retrouver dès la saison prochaine au Stade Louis-II. En attendant, c’est dans la peau d’un leader de Ligue 1 que Philipp Köhn s’est installé dans l’auditorium du Centre de performance le 19 septembre pour nous raconter sa vocation de gardien de but.
AS MONACO
Appréciez-vous vos premiers pas à Monaco ?
Oui, bien sûr. Ce n’est jamais si facile d’arriver dans un nouveau club et dans un autre pays mais c’est un endroit très plaisant. Les joueurs et les membres du staff sont de bonnes personnes. J’ai aimé leur façon de m’accueillir. Cela rend mes premières semaines plus confortables.
Et Sam, votre chien, il en pense quoi ?
(Il sourit) Il est comme moi, il lui faut un peu de temps pour s’acclimater à un nouvel environnement mais je crois qu’il s’est déjà habitué à la vie ici. Je l’emmène souvent au bord de l’eau vu qu’il adore nager, on se promène dans les parcs. Quand je ne suis pas à la maison, il rejoint d’autres chiens et passe la journée à jouer.
Qu’est-ce qui vous a poussé à rejoindre l’AS Monaco cet été ?
C’est un grand club avec une longue histoire, un habitué des compétitions européennes, surtout de la Ligue des Champions, même si l’ASM ne l’a pas disputée ces dernières années. Avec mes coéquipiers, nous avons l’ambition de le ramener sur la scène continentale. C’est pourquoi je suis ici, devant vous. J’ai eu un très bon ressenti quand j’ai parlé avec Adi Hütter (l’entraîneur) et Thiago Scuro (le directeur du football). Cette émotion positive se confirme de jour en jour.
C’est plus facile quand on est en tête du Championnat, non ?
Nous avons pris un bon départ, certes, mais nous n’en sommes qu’à la cinquième journée. (Il sourit) Nous sommes toujours invaincus, nous continuons à engranger. La situation est positive.
L’objectif des dirigeants est de monter sur le podium. Pensez-vous avoir les armes pour vous mêler à la course au titre ?
On assiste à un début de Championnat indécis. Nous devons nous focaliser sur chaque rencontre et ne pas s’intéresser à ce qui peut se passer dans le futur. Notre perte de concentration à Lorient nous a joué un mauvais tour dans les derniers instants. Je n’ai aucun doute que nous serons européens en fin de saison. On doit garder à l’esprit que plus on gagnera de matches, plus les possibilités seront grandes et belles. Remporter la Ligue 1 en fait partie. Le chemin est encore long.
La saison dernière, le secteur défensif n’a pas donné entière satisfaction. Ressentez-vous une pression inhérente à cette attente ?
Non. Mon métier est d’arrêter des tirs, et j’aime ça. Contre Lorient, nous avons bien défendu même si nous encaissons deux buts. Ce sont des choses qui arrivent et qui ne nous inspirent aucune inquiétude. A l’avenir, il faudra garder la même concentration du début jusqu’à la fin du match. Je suis confiant pour la suite.
SON POSTE
Il est communément admis qu’être gardien de but est une vocation. Quand avez-vous senti que vous étiez fait pour ce rôle ?
Quand vous jouez au football, vous avez naturellement envie d’évoluer dans le champ et de marquer des buts. C’était mon cas jusqu’au jour où notre entraîneur cherchait un gardien pour dépanner. J’avais 6 ans. J’ai pris du plaisir et j’en prends toujours 19 ans plus tard.
Vous jouiez attaquant, c’est ça ?
Je ne sais pas vraiment quel était mon poste parce que vous courez partout sur le terrain avec innocence à cet âge-là ! (Il rit) Ce que je peux vous dire, c’est que je ne vais jamais dans les buts quand je joue avec mes amis pendant les vacances.
Et alors, ça vous fait quoi ?
Ça me fait du bien. (Il éclate de rire) C’est si différent. Je rêve de marquer un but dans ma carrière, la sensation doit être incroyable. Les joueurs de champ pensent qu’un gardien a la vie facile. Leur discours change totalement lorsqu’ils enfilent les gants ! Ils n’imaginent pas la difficulté de notre tâche. Avant, l’unique devoir du portier était d’arrêter les tirs adverses. Aujourd’hui, il doit être à l’aise balle au pied, savoir lire le jeu…
Aviez-vous un modèle ?
Pas vraiment. Etant un gros consommateur de football, je regarde plusieurs matches chaque semaine, généralement ceux de mes anciens coéquipiers, et j’en profite pour observer les autres gardiens. Quand je jouais en équipe de jeunes à Schalke 04, j’étais ramasseur de balles en Bundesliga et en Ligue des Champions. J’avais la chance de voir évoluer sous mes yeux Manuel Neuer. Il n’était pas encore à son apogée, il était jeune, mais il dégageait déjà quelque chose en plus. Il avait son style. Depuis, il est devenu l’un des meilleurs gardiens du monde et il continue de l’être.
Dans quelle mesure a-t-il révolutionné ce poste ?
Bon nombre d’évolutions proviennent de lui. Il suffit de regarder sa Coupe du monde 2014 pour s’en convaincre. Il s’était illustré par des interventions hors de sa surface. Ses sorties étaient souvent périlleuses mais vous avez parfois besoin de prendre des risques pour mettre votre équipe sur de bons rails. J’essaie d’appliquer ce principe à mon jeu.
SA CARRIÈRE
Vous avez quitté votre famille très jeune pour un centre de formation. Etait-ce dur ?
Ca l’était mais c’était la bonne marche à gravir à ce moment-là. Quand tu rentres dans une académie, tu rejoins d’autres jeunes de ton âge qui ont aussi quitté leur famille. Un sentiment d’unité se crée. Ensemble, on faisait d’autres trucs comme jouer au tennis de table, aller au cinéma… J’ai gardé contact avec certains. Nous ne sommes que 2 ou 3 à avoir atteint le niveau professionnel.
À Salzbourg, vous étiez cantonné au banc de touche. Que votre carrière décolle avec ce prêt en 2e division suisse, ça vous a surpris ?
Pas vraiment car tout arrive pour une raison. Mon passage à Leipzig (2017-18) fut dur car je ne jouais pas. J’avais rejoint le club pour être titulaire dans l’équipe réserve, et elle a été dissoute après mon arrivée. Je m’entraînais donc chaque jour en sachant que je n’aurais pas l’occasion de me montrer. C’était quand même une très bonne expérience. Le club disputait la Ligue des Champions pour la première fois de son histoire. Monaco figurait dans son groupe, d’ailleurs. (Il sourit) Je me suis imprégné de l’atmosphère de ces grands rendez-vous. J’ai rencontré une situation similaire à Salzbourg. Je me rapprochais du niveau que j’espérais atteindre mais je devais prendre mon mal en patience. Les gens se sont étonnés de ce prêt au FC Will. Je leur répondais que mon objectif était de jouer régulièrement et que je reviendrai tôt ou tard. Je pense que ma décision est un bon exemple pour les jeunes qui travaillent dur en attendant qu’on leur offre leur chance.
Pourquoi avoir choisi la sélection suisse alors que vous avez représenté l’Allemagne chez les jeunes ?
Outre mes origines maternelles, j’ai eu une bonne connexion avec l’entraîneur des gardiens de la Suisse. J’ai senti qu’il y avait une réelle opportunité de progresser. J’ai pu participer à la dernière Coupe du monde…
Vous avez d’ailleurs été l’une des stars de la compétition puisqu’une chanson vous a été dédiée. Racontez-nous.
Je me suis envolé pour le Qatar dans la peau du quatrième gardien de la sélection. Mes chances de jouer étaient vraiment très faibles. J’étais dans ma chambre quand j’ai reçu une notification sur mon téléphone de la part de 433, un média très connu. En cliquant dessus, ça a lancé la chanson. J’ai été très surpris. C’était vraiment marrant.
Votre mère est originaire de Suisse romande. Parlez-vous ou comprenez-vous le français ?
Je peux le comprendre et le parler avec des termes classiques ou propres au football. (En français) « Bonjour je m’appelle Philipp, j’habite à Monaco, j’ai 25 ans » ; « Attention » ; « Gauche, droite, derrière, change de côté »…
C’est vraiment pas mal !
Merci. (Il sourit) Je dois encore m’améliorer. Je préfère commencer par des expressions simples et utiles, de manière à pouvoir communiquer plus facilement avec ma défense. Les joueurs français de Salzbourg m’avaient enseigné quelques mots.
International suisse issu du championnat autrichien et de la galaxie Red Bull aux côtés d’un entraîneur et de plusieurs joueurs germaniques… Vous sentez-vous déjà à la maison ?
Oui, l’intégration est plus facile lorsque des membres de votre environnement parlent la même langue. La manière de travailler est différente, c’est vraiment très professionnel. Je me sens à l’aise. J’ai mon appartement et mon chien, ma copine me rend visite, ma famille aussi. Tout se met en place petit à petit.
Propos recueillis par Jérémie Bernigole