Lancée en 2018 sous l’impulsion de Fabien Camin, la section féminine de l’AS Monaco Rugby gagne du terrain et fait de plus en plus d’émules. Le travail de formation porte aussi ses premiers fruits : Eugénie Pellegrin, joueuse en U14, va intégrer le centre de formation du Montpellier Hérault Rugby à la rentrée.
Les félines ont arrêté de miauler. Maintenant, ce sont des Lionnes qui rugissent. Dans son édition de février/mars 2020, Code Sport Monaco se faisait l’écho du premier succès des rugbywomen monégasques sur le terrain de l’Ecole Rugby Webb Ellis (12-5). La section féminine de l’AS Monaco n’avait été lancée que l’année précédente, mais elle parvenait déjà à signer quelques coups d’éclat dans une poule composée de Menton et des alliances Nice-Mandelieu et Antibes-Saint-Laurent.
Instigateur de la féminisation du rugby en Principauté, Fabien Camin avait dressé une feuille de route bien précise. Laquelle avait guidé la nouvelle entité au Pays basque à l’été 2018 pour un tournoi de beach rugby : « Notre première année devait se résumer à former les filles qui nous avaient fait confiance en rejoignant le projet. Elles se sont prises au jeu. Très rapidement, l’objectif devint de les emmener à Anglet pour goûter à la compétition dans un cadre sympa, par chez moi. »
Dans le Sud-Ouest, les Lionnes ont développé un appétit féroce. L’issue était donc inéluctable. D’une voix commune, elles ont exprimé l’envie de se confronter aux formations de la région. « Je suis arrivée en janvier 2019 et dès le premier entraînement, j’étais certaine de prendre ma licence et de m’inscrire dans la durée avec cette équipe, nous explique Lucile Guégan. L’accueil était incroyable, la mentalité aussi. On jouait autant par passion du sport que pour le fait d’être ensemble. On est parvenu à conserver cet état d’esprit en intégrant de nouvelles coéquipières. »
National et international
C’est la recette de leur succès. Cette année, les joueuses de Fabien Camin ont atteint les phases finales du championnat régional de rugby à X. C’était pourtant loin d’être une évidence. « Personne ne misait sur nous, même pas nous, s’amuse Carla Marill, ancienne joueuse du Stade Niçois. Nous nous sommes surpassées. »
« Il s’agissait de notre première vraie saison entière, puisque les deux précédentes avaient été stoppées inopinément par la pandémie de Covid. Nous avons obtenu des résultats qui sont allés au-delà de nos espérances », embraye son entraîneur, qui cite la victoire au Pradet comme match référence : « Une belle performance face à d’anciennes joueuses du RC Toulon. On termine troisième équipe PACA au milieu de formations bien plus expérimentées. »
En prime, certaines de ses joueuses ont eu l’immense honneur d’intégrer les Umusas. Cette équipe féminine de rugby à VII, représentante de la Fédération monégasque de rugby et de la Fondation Princesse Charlène, était engagée pour la première fois à l’Emirates Dubaï Sevens, l’une des plus prestigieuses étapes du circuit international. Les Umusas ont fait forte impression en demeurant invaincues après trois rencontres, tombant seulement aux portes du dernier carré. « Le club m’a donné la chance d’aller à Dubaï pour prendre de l’expérience au contact de filles du niveau Elite 1 (première division), explique Romane Suszko, retenue après seulement deux mois de pratique. Fabien a noté des progrès dans mon jeu à mon retour à l’entraînement. »
C’est tout naturellement, donc, que la néo-rugbywoman – qui s’est inscrite à l’ASM en rentrant de l’armée de l’air – a fait le voyage à Belgrade pour disputer le championnat d’Europe Conference 1, en juin. Renforcée par l’arrivée de nouvelles joueuses, la sélection monégasque a terminé 11e. « On n’a eu qu’un petit mois pour s’entraîner ensemble, les recrues arrivaient d’autres sports : danse classique, handball…, cadre Marill, mandatée par Camin pour fédérer un groupe. Tout le monde a pris du plaisir en Serbie malgré les défaites. On est rentré avec la banane et on espère que les nouvelles prendront une licence. »
Eugénie Pellegrin, « l’ambassadrice »
L’ASM Rugby compte actuellement 40 licenciées dans ses rangs pour la saison 2021/2022. Le club redouble d’imagination et explore des pistes intéressantes pour attirer de futures membres. « J’ai eu un entretien avec les dirigeants et je sens une réelle envie d’évolution. De même pour la Fédération. On aimerait inscrire l’équipe dans le championnat à XV, sous réserve d’avoir assez de joueuses, espère Camin. Il peut être intéressant de proposer des doubles projets avec d’autres sports, si des femmes se sentent de pratiquer deux disciplines à la fois. »
En ce qui concerne les plus jeunes, un créneau 100 % féminin pour des filles de 7 à 18 ans devrait voir le jour chaque mercredi de 16h à 17h30. Cette année encore, les quelque rugbywomen de cette tranche d’âge évoluaient avec les garçons. L’une d’entre elles s’est d’ailleurs fait remarquer.
Eugénie Pellegrin, qui joue dans l’équipe U14, va rejoindre le centre de formation du Montpellier Hérault Rugby (MHR). « C’est notre plus grande ambassadrice, avec une autre petite, Lola. Elle a fait preuve d’abnégation pour gagner le droit de vivre son rêve. Trois clubs étaient intéressés, mais elle a choisi le projet du MHR. Il y a eu Antoine Zeghdar, il y aura Eugénie Pellegrin », félicite le manager de la section.
Les regards changent
« Jérémy Aicardi m’en a beaucoup parlé, puis je l’ai vue jouer. Elle est hyper maline et possède une belle vision de jeu. Elle peut sortir des passes surprenantes comme se faufiler dans un trou de souris au dernier moment. Et niveau plaquage, elle n’a rien à envier aux garçons ! » analyse Marill. Ces derniers regrettent déjà son départ. Ils lui ont réservé une ultime haie d’honneur, durant laquelle des larmes ont coulé.
En plus de nouvelles joueuses, l’ASM Rugby Féminin cherche à attirer des sponsors lui permettant de financer ponctuellement des participations à des tournois de rugby à 7 en fin de saison : « Le sport est lié à la société. De plus en plus de femmes sont cheffes d’entreprise, elles sont sensibles au message que l’on porte… comme les hommes ! La parité est un axe important. Nous, on le fait naturellement. Il n’y a aucun calcul. Nous ne nous sommes pas lancés dans une logique de promotion. On parle de rugby et de ses valeurs. C’est un sport ouvert à tous : aux grands, aux frêles, aux costauds, aux filles et aux garçons. Les partenaires de l’ASM Rugby sont contents de notre présence. »
Les entreprises ne sont d’ailleurs pas les seules à manifester de l’intérêt. Marill : « Nos résultats ont attiré l’attention. On reçoit des messages après nos matches, on commence à se faire respecter par nos adversaires et par les garçons du club. Les regards changent. » Comme quoi, à Monaco, ce sont peut-être les Lionnes qui rugissent le plus fort…