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« On s’entraînait sur un parking » : le Monaco Basket Association célèbre sa réussite

Fondé il y a tout juste douze ans, le Monaco Basket Association a réussi le tour de force de remporter un deuxième Trophée Coupe de France, le 22 avril. Code Sport Monaco a assisté au sacre monégasque dans la mythique salle de Paris-Bercy.

« Il y a douze ans, on s’entraînait sur un parking à Menton et là, on joue à Bercy pour la deuxième fois. Tu te rends compte ? » Le regard perdu dans les éternels bouchons du périphérique parisien, Eric Elena peine à y croire. Ses mots, adressés à Morgane Vallauri, son fidèle bras droit, secrétaire historique du Monaco Basket Association, résonnent comme une vérité crue.

Leur bébé, né en 2009 de la volonté de douze personnes, s’apprête à escalader à mains nues une nouvelle montagne : à 18 heures, face au Poinçonnet, le MBA a l’occasion de devenir la première équipe depuis Angers UFAB (2010, 2012) à inscrire son nom deux fois au palmarès du Trophée Coupe de France, une compétition réservée aux clubs amateurs.

En 2017, l’équipe de la Principauté avait déjoué les pronostics en écartant Ifs en finale (62-55) pour se faire un nom dans l’Hexagone. La montée en troisième division (NF1), acquise de main de maître plus tard dans l’année, avait fini d’asseoir la réputation de cette entité téméraire, où les bonnes idées compensent le budget limité. Après tout, n’est-ce pas le grand Johan Cruyff qui disait : « Pourquoi ne pourriez-vous pas battre un club plus riche ? Je n’ai jamais vu un sac de billets marquer un but. » Le MBA s’efforce de le démontrer.

Cinq ans après leur exploit, les basketteuses monégasques s’invitent encore à Bercy au cœur d’une saison exceptionnelle, émaillée par les 18 succès en 22 rencontres d’un championnat qu’elles ont dominé, et la qualification en playoffs d’accession en Ligue 2. Le professionnalisme leur tend les bras.

Positive attitude

Assises au fond du car qui les achemine de l’aéroport d’Orly vers leur hôtel du 12e arrondissement, elles discutent de sujets légers, de sport, de séries, de la pluie et du beau temps. Derrière cette apparente décontraction, des joueuses prêtes à exploser le plafond de verre. Après un déjeuner en comité restreint – la Sainte-Trinité joueuses, staff et dirigeants étant respectée – afin de partager un dernier instant de convivialité, elles s’en vont siester jusqu’à 16 heures. On ne badine pas avec le rituel !

Pas fatigué, trépignant même d’impatience, Eric Elena se met à table : « Je me sens bien. Comme quoi, l’expérience… » Il y a cinq ans, au même moment, il usait la moquette de l’hôtel à force de tourner en rond, rongé par l’angoisse. « Nous nous étions inscrits sans savoir où nous allions. Tous les clubs voulaient tomber contre nous. Affronter le petit poucet de NF2, croyaient-ils, c’était l’assurance de gagner facilement. Notre aventure nous a autant surpris qu’eux », concède le président. Le ton devient subitement plus sérieux : « Mais cette saison, c’est tout l’inverse. La Coupe est notre objectif, la montée aussi. Le MBA est aux portes du professionnalisme. Et ce soir, nous allons écrire une première page. »

Il est 16 heures. Personne ne manque à l’appel au pied de l’hôtel. Se met alors en route un bataillon vêtu de tee-shirts noirs barrés de la devise du club, « We Are One » (nous ne faisons qu’un). Ashunae Durant et Julia Chandler, les discrètes Nord-Américaines, mènent la marche. A l’arrière du peloton, les discussions vont bon train. L’immense sourire de Penda Ly contraste avec les mines concentrées de ses partenaires. « Le stress n’a pas d’emprise sur moi, j’ai toujours été comme ça, je n’ai pas de recette miracle », insiste l’impavide pivot du MBA. A l’angle de la rue Bercy, l’Accor Arena, anciennement Paris-Bercy, se dessine.

De sang froid

Quelques joueuses connaissent les moindres recoins de cette pyramide aux façades vertes. Ressentant une « grosse boule au ventre » à la vue du bâtiment, allant de « l’excitation à la pression », Léna Timera a déjà connu le bonheur de remporter un Trophée Coupe de France avec La Tronche-Meylan. C’était en 2018, face au Aulnoye-Aymeries de Lucie Laroche, aujourd’hui sa coéquipière. L’évocation de ce « beau souvenir » lui arrache un rire. « Ma première fois à Bercy devant toute ma famille et les gens de ma ville, Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne). C’était magique. J’avais fait un mauvais match, mais je m’en fichais parce qu’on avait gagné », retrace l’ailière sénégalaise. Voilà ce que représente une victoire dans le temple du sport-spectacle.

Il n’empêche que l’entrée dans l’arène est toujours aussi impressionnante. La salle est immense, l’éclairage intense. Les enceintes crachent les tubes du moment et font monter la pression. Qu’il est loin, le temps du parking mentonnais. Au coup d’envoi de la finale, visionnée en direct sur YouTube par 10 000 spectateurs, les tribunes se parent de rouge. Les supporters du Poinçonnet, bourgade de 5 000 habitants, ont rempli cinq cars.

Ceux du MBA n’ont rien à leur envier. De l’ordre de 400, ils étouffent la sono de chants en l’honneur du club, applaudissent bruyamment les belles actions de leurs protégées. Et elles sont nombreuses : au terme du premier quart-temps, l’écart est déjà conséquent (20-9). Le discours de la capitaine Najat Ouardad lors de l’échauffement a désinhibé le groupe : « On mérite d’être ici ! On doit jouer la finale comme chaque match, avec un énorme cœur. » Wisline

Souffrant MVP

Concentrées, les Monégasques assument leur statut de favorites, hérité de leur double victoire en championnat face au Poinçonnet. Sur le parquet, le combat est intense, l’engagement total. Deux éléments du MBA se démarquent sous le cercle : Ashunae Durant et Wisline Souffrant. Passée par la première division portugaise, l’intérieure américaine fait danser ses adversaires et termine la rencontre avec une belle ligne de statistiques : 16 points, 13 rebonds et 1 passe (21 d’évaluation).

Sa complice, Parisienne pur jus, étale sa palette défensive et se montre létale dans la peinture avec 16 unités, 7 rebonds, 3 passes et 2 interceptions. Si le match tourne très vite à l’avantage du MBA, vainqueur sans forcer son talent (69-50, l’écart atteignait 23 points dans le troisième quart-temps), l’élection de la meilleure joueuse de la finale se révèle indécise. L’attente prend fin lorsque le cri et les larmes de joie de Wisline Souffrant, sacrée devant ses proches et chaleureusement félicitée par ses équipières : « Je ne m’y attendais vraiment pas ! »

Au côté de son assistant Franklin Batadi, Alexandra Tchangoue observe les scènes de joie. La technicienne monégasque prend le temps d’échanger avec son homologue François Ménival, félicite les joueuses adverses et congratule les siennes, avant de soulever son troisième Trophée Coupe de France.

Puis, dans un élan de joie, s’en va présenter son premier titre comme entraîneure aux supporters comblés, qui agitent énergiquement des drapeaux rouge et blanc. « Je l’ai gagné en 2012 avec Arras et en 2017 avec Monaco. Je réfléchis à prendre un abonnement à Paris-Bercy, glisse-t-elle malicieusement. Celui-ci a une saveur particulière. J’éprouve beaucoup de gratitude envers les joueuses, le club et les personnes qui nous ont portées ici. »

La comète MBA

Juste après la remise du trophée, le président Elena ne sait plus où donner de la tête. Il enchaîne les photos, tantôt avec les joueuses, tantôt avec les familles de ces dernières. Etreint des amis. Serre des paluches. Echange avec Chris Singleton, consultant NBA de beINsport et entraîneur de Sceaux, que le MBA affrontera une semaine plus tard pour monter en Ligue 2. L’adrénaline retombe.

Les prochaines heures seront mouvementées. Le houblon coulera à flot dans la nuit parisienne. Le lendemain, toutes et tous se réveilleront patraque, avec la voix cassée mais avec le sentiment du devoir accompli. Juché sur un muret du parvis de l’Accor Arena, Eric Elena contemple les membres de son club qui prennent d’assaut la brasserie voisine. En retrait, il mesure le chemin parcouru par la comète MBA. Il coupe le silence d’un ton résolu : « Il y a douze ans, on était devant une feuille blanche. Cette histoire de parking, c’est de là qu’est née notre envie de ne jamais rien lâcher. Il nous reste quatre matches pour devenir une structure professionnelle, pour offrir plus de visibilité à Monaco. Je suis convaincu qu’il y aura, un jour, un grand club de basket féminin en Principauté, qui jouera en Ligue et disputera la Coupe d’Europe. Le MBA est sur la bonne voie. »

A Paris, Jérémie BERNIGOLE-STROH

Publié le 25 Avr. 09:51