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Boris Herrmann at the finish of the 2020/2021 VendŽe Globe, after sailing around the world solo non-stop. All rights reserved – Editorial only – Image by Martin KeruzorŽ / Team Malizia

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Team Malizia en route pour un nouveau Vendée Globe

Lors d’un déjeuner avec les membres du Yacht Club de Monaco (YCM), Pierre Casiraghi et Boris Herrmann ont présenté la prochaine étape de leur belle aventure. A bord d’un tout nouveau bateau de course, c’est un calendrier chargé qui les attend avec, en ligne de mire, le Vendée Globe 2024.

Il avait demandé à ses amis de lui rappeler de ne jamais se relancer dans l’aventure, alors même qu’il était en train de vivre son rêve de gosse en réalisant son premier Vendée Globe. Et pourtant, quelques mois après son retour sur la terme ferme, au terme d’un beau parcours qui l’aura vu terminer cinquième et manquer de peu le podium à cause d’une collision malchanceuse avec un bateau de pêche à quelques heures de l’arrivée, l’appel du large et de l’aventure a été une nouvelle fois le plus fort pour Boris Herrmann, engagé pour une nouvelle campagne de cinq ans avec le  Team Malizia.

« Quand Boris a terminé la course, il n’avait pas vraiment envie de repartir. Ce sont des moments tellement difficiles. Le Vendée Globe, c’est 80 jours seul avec très peu de sommeil. Je lui ai laissé le temps, on avait d’autres idées aussi. Mais nos partenaires ont voulu qu’on continue l’aventure et Boris, après quelques semaines de repos, a décidé qu’il voulait aussi remettre cela », explique le fondateur du Team Malizia et vice-président du YCM, Pierre Casiraghi, aussi un ami proche du skipper.

Un nouveau voilier à son image

Mais cette fois-ci, nouvelle campagne rime avec nouveau bateau. Un qui, pour la toute première fois, a été tout spécialement construit pour lui. « C’est paradoxal de souffrir autant pendant la course et de vouloir autant y retourner… mais c’est dû au fait que nous pouvions faire quelque chose de différent cette fois. Je ne suis pas sûr que j’aurais exactement la même motivation avec le même bateau. Une partie de cette envie est liée à ce défi technique et intellectuel, et à cette recherche d’amélioration du voilier », confirme Boris Herrmann.

Exit donc le Seaexplorer – Yacht Club de Monaco, l’ex-Gitana construit en 2015 pour Sébastien Josse, qui participa à son bord au Vendée Globe 2016. Acheté en 2017 par le Team Malizia, l’IMOCA 60 avait subi de nombreuses modifications, notamment sur ses foils, pour le rendre plus puissant et solide. Mais, après sa première expérience sur l’Everest des Mers, le marin allemand a pu se rendre compte des limites de son design.

« De nos jours, lorsqu’on conçoit un bateau avec l’aide principalement d’un ordinateur, on obtient une unité avec un fond très droit et très plat dont le comportement n’est pas particulièrement idéal sur les eaux agitées de l’Antarctique. Lorsque nous avons commencé à concevoir ce nouveau bateau, j’avais en tête ces moments en mer où le voilier allait très vite avant de s’arrêter dans les vagues. Outre le fait que l’on se retrouve projeté dans le voilier, on a toujours peur que celui-ci ne souffre de ces arrêts brutaux. »

Avec ses formes plus féminines et rondes, ce nouveau destroyer des mers est le résultat de choix très audacieux, basés donc sur l’expérience de l’Allemand, qui entend néanmoins concilier performance, confort et surtout la sécurité, avec notamment plus de carbone pour renforcer sa solidité.

« Il a donc un dessin de proue très radical qui monte très haut, avec plus de franc-bord que ce qui se fait habituellement. Ce design, aucun architecte ne veut le concevoir. Il faut les y forcer, parce que, bien sûr, le bateau devient plus lourd, il a aussi plus de prise au vent et une traînée supérieure dans l’eau. La ligne de flottaison aussi est plus courte. Mais nous pensons vraiment que cela pourrait conduire à une meilleure vitesse moyenne », s’avance le skipper de 41 ans. Conçu en collaboration avec les architectes du cabinet VPLP, l’un des plus réputés pour la course au large, celui que l’on surnomme provisoirement Malizia III est actuellement en construction dans les chantiers Multiplast, à Vannes.

Un calendrier chargé

Le navigateur pourra rapidement vérifier la validité de ses choix car, après la mise à l’eau prévue le 19 juillet à Lorient, un programme chargé l’attend lui et la Team Malizia, qui n’a cessé de s’étoffer ces dernières années. « Nous allons faire beaucoup de navigation cet été pour valider, viabiliser et comprendre comment fonctionne le bateau. Puis,  la Route du Rhum (course en solitaire entre Saint-Malo et Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe) qui, une fois achevée, sera déjà une énorme réussite. C’est quasiment du jamais-vu d’avoir un délai aussi court entre la mise à l’eau et une course majeure », souligne Boris Herrmann.

Une mise en bouche de choix avant The Ocean Race, ce tour du monde en équipage et par escales qui s’élancera d’Espagne en janvier 2023. Une course capitale pour la préparation du marin. « La longue étape du Sud, depuis Cape Town, qui fait le tour de l’Antarctique avec le passage du Cap Horn et une arrivée au Brésil, sera l’occasion rêvée pour me préparer pour le Vendée Globe. Nous allons naviguer dans le Sud, avec notre propre bateau, dans les mêmes conditions et c’est là que nous verrons si notre concept fonctionne ou pas », se projette le skipper.

Notons qu’après The Ocean Race, dont l’arrivée est prévue à Gênes en juin 2023, le Malizia III fera une courte escale en Principauté. L’occasion de l’admirer avant qu’il ne reparte pour un véritable marathon des mers, avec notamment la Rolex Fastnet, en juillet, puis, en novembre, la transat Jacques Vabre… De quoi engranger de l’expérience avant le grand départ de la mythique course autour du monde, en solitaire, sans escale ni assistance, qui sera donné aux Sables-d’Olonne en novembre 2024. Quand on parle de programme chargé !

Aurore TEODORO

La protection de l’environnement en toile de fond

Après la présentation de ce projet aux membres du YCM, Boris Herrmann et Pierre Casiraghi ont également profité de l’occasion pour rencontrer des jeunes de la section sportive. « Avec notre équipe éducative, nous avons un projet sur quatre ans qui implique tous les enfants de l’école de voile du club et les différents établissements de Monaco. Il nous permet de retransmettre les voyages, les expériences, nos préoccupations sur le changement climatique, la situation des océans, les mesures de CO2 et plein d’autres sujets. On essaie de transmettre cette passion de la voile mais aussi cette passion des océans. On a beaucoup de plaisir à échanger avec les enfants qui ont des questions très pertinentes, qui sont très curieux et ont envie de protéger leur environnement », précise Pierre Casiraghi. Il faut dire que le team Malizia est très impliqué dans la transmission aux générations futures de cette passion de la voile et des océans, mais également de la sensibilisation aux questions environnementales. D’ailleurs, tout comme son prédécesseur, Malizia III embarquera un laboratoire de bord, capable d’analyser en permanence le taux de CO2 dans les océans. Une source d’informations précieuses, notamment autour de l’Antarctique où, hormis les voiliers de courses, peu de bateaux transitent. Ce laboratoire « de la taille d’une valise de 17 kg existe aujourd’hui dans une deuxième version améliorée, plus légère », souligne Boris Herrmann. « Nous allons faire deux tours du monde, on récoltera donc deux fois plus de données et cela permettra aux scientifiques de comparer ses données captées avec la même machine. »

Publié le 04 Juin. 08:39