Enfants de Monaco, Sylvie Ferreira et Laurent Lopopolo ont suivi de près la préparation de quatre athlètes monégasques en vue des Jeux olympiques d’été de Paris. Leur documentaire « Entrée en Jeux » est diffusé ce jeudi soir à 20h30 sur TV Monaco.
Quelle est la genèse du projet ?
Sylvie Ferreira : Ayant travaillé à Canal +, j’avais l’habitude de suivre plusieurs sportifs dans le cadre de reportages. Quand j’ai commencé ma nouvelle aventure professionnelle à TVMonaco, mon objectif était de suivre des athlètes monégasques dans leur quête d’olympisme. Je voulais montrer que rien ne s’obtient en un claquement de doigts, mais que tout était possible pour eux. Dévoiler, aussi, ce qui se cache derrière cette course permanente : le travail, les doutes, les sacrifices quotidiens, l’échec, parfois…
Laurent Lopopolo : Lorsque Sylvie m’a parlé de son envie, on a discuté du format le plus adapté. Dans un premier temps, on avait évoqué une série dans laquelle on accompagnerait différents sportifs. On a finalement retenu l’option du documentaire de 90 minutes. Ce format faisait sens car il apportait une fraîcheur bienvenue aux téléspectateurs avec des changements réguliers d’environnement.
Quand avez-vous commencé à filmer ?
SF : Début février.
LP : Nous avons eu la chance que notre projet soit accepté assez rapidement. Sylvie en a parlé à la direction, qui a tout de suite cerné le potentiel. Les Jeux olympiques à Paris, c’est une chance phénoménale pour notre chaîne basée à Monaco qui essaie de se tourner vers l’international.
SF : Nous avons tourné les premières images du documentaire à l’aéroport de Nice pour le retour de la nageuse Lisa Pou après les Championnats du monde de Doha. La semaine suivante, on s’envolait avec le judoka Marvin Gadeau pour le Grand Slam de Bakou (Azerbaïdjan).
Quelle a été la trame de votre documentaire ?
LP : On était guidés par une question bien spécifique : que pouvons-nous apporter de différent à ce qui a déjà été fait ? Ça ne servait à rien de s’engager dans un documentaire qui ressemblerait à tant d’autres.
SF : On souhaitait retranscrire le plus fidèlement possible à l’écran la réalité des sportifs monégasques. Est-ce qu’un jeune du coin sait vraiment ce qu’implique une carrière dans le haut niveau ? Pour se donner les moyens de nos ambitions, nous avons suivi chacun des quatre athlètes à l’entraînement et en compétition, on a passé beaucoup de temps avec eux… Plus de 300 heures de rush ! On a partagé leurs bons comme leurs mauvais moments, et ce afin d’obtenir de vraies tranches de vie : la connexion entre Lisa et son père et entraîneur Michel, les moments mère/fille entre Xiaoxin Yang et Céline… Humainement, c’était une aventure incroyable.
Parmi les athlètes susceptibles de disputer les Jeux olympiques, vous avez retenu Lisa Pou, Xiaoxin Yang, Alexander Ehlen et Marvin Gadeau. Comment les avez-vous sélectionnés ?
SF : Nous avions une liste contenant 10 à 12 noms potentiels. Notre première volonté était de privilégier les athlètes n’ayant jamais participé aux Jeux. On avait ciblé Lisa et Marvin car Laurent et moi les avions côtoyés au collège. Notre choix s’est ensuite porté sur Alexander et son histoire (gravement blessé après un accident de parapente, il a raté les Championnats d’Europe qualificatifs pour les JO). Cela nous permettait également de mettre en lumière une discipline différente, le kite surf.
Quid de la pongiste Xiaoxin Yang, qui se révèle être la bonne surprise de ce documentaire ?
SF : Tout part d’un rendez-vous avec Stéphan Maggi, l’attaché de presse du Comité olympique monégasque, afin de lui présenter notre projet. Je sentais qu’il était très emballé. Il nous a beaucoup parlé de Xiao, de son histoire singulière. On était partants, même si sa qualification revêtait moins d’enjeux (10e au classement olympique et 15e mondial, Xiao a été qualifiée d’office pour Paris-2024). En fin de compte, le relais de la Flamme avec elle reste l’un de nos meilleurs souvenirs de tournage. Quand on a appris que la torche passerait par Monaco et que Xiao serait l’une des relayeuses, on a immédiatement pensé à la portée de la séquence pour notre documentaire. Toutes les planètes étaient alignées ! (Rires.)
LP : D’ailleurs, les images ont failli ne jamais voir le jour. Je n’avais pas le droit d’aller sur la rampe Major pour filmer, mais on avait absolument besoin de ces images pour le bien de notre documentaire. J’ai pris ma cam’ et j’ai forcé le destin, ce qui a eu le don d’énerver un tout petit peu les organisateurs de Paris-2024. (Il sourit.) Je me suis un peu fait gronder, mais ça valait le coup !
Trois des athlètes retenus ont finalement obtenu leur ticket, tandis que le quatrième a échoué d’un rien. Comment avez-vous géré ce moment difficile ?
LP : C’était vraiment dur à vivre. Pour nous, c’est un documentaire, mais pour l’athlète, c’est un long travail qui n’aboutit pas. Pendant quatre ans, il a dédié sa vie à cet objectif olympique. On a partagé sa peine, ainsi que celle de ses entraîneurs.
SF : Quand tu te lances dans un tel documentaire avec autant de sportifs, tu ne sais pas s’ils réussiront tous à se qualifier. C’était de l’ordre du possible. Malgré tout, on s’est pris au jeu. Je me souviens avoir ressenti le besoin de m’isoler avant chaque compétition, à la manière d’un sportif. On s’est véritablement glissé dans leur peau pendant quatre mois pour chercher à comprendre ce qu’ils vivent.
On ressent cette sensibilité à la fin du documentaire, avec une lettre ouverte à destination des athlètes…
SF : Après avoir vécu de tels moments en leur compagnie, tu perds forcément un peu ta neutralité. Tu as envie de les voir se réaliser à Paris, donc tu leur envoies un dernier message : vous avez toutes les cartes en main, c’est à vous de jouer. Advienne que pourra !
LP : On s’est dit qu’ils regarderaient certainement le documentaire et qu’il fallait leur donner un ultime coup de pouce avant leur entrée en jeu.
Propos recueillis par JB